Présidentielle en Guinée : état des lieux d'une élection sous haute tension

Après des mois de contestation menée par les partis d’opposition et la société civile, l’élection présidentielle a lieu ce dimanche 18 octobre en Guinée. Si le scrutin devrait s’orienter vers un duel entre le président sortant Alpha Condé et le chef de file de l’opposition, l’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo, dix autres candidats sont officiellement en course. Quels sont ces candidats ? Comment se déroulera le scrutin ? Quel est le rôle de la CENI, la Commission électorale nationale indépendante ? Quels sont les enjeux de cette présidentielle ? Pourquoi le FNDC a-t-il échoué ? Eléments de réponse. 
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Dyptique Alpha Cellou
Le président guinéen Alpha Condé et le chef de file de l'opposition Cellou Dalein Diallo. 
© AP Photo/Pablo Martinez Monsivais/Yesica Fisch
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Les candidats à la présidentielle

En septembre dernier, la Cour constitutionnelle guinéenne a publié la liste définitive des douze candidats à l’élection présidentielle, dont deux femmes. En dehors des deux grandes figures que sont le président sortant Alpha Condé et son principal opposant, Cellou Dalein Diallo, l’on a : Abdoul Babélè Camara du Rassemblement guinéen pour le développement (RGD), Ousmane Doré du Mouvement national  pour le développement (MND), Mandjouf Mauro Sidibé de l’Alliance des forces du changement (AFC), Ibrahima Abé Sylla de Nouvelle génération pour la République (NGR), Makalé Traoré du Parti de l’action citoyenne par le travail (PACT), Ousmane Kaba du Parti des démocrates pour l’espoir (PADES), Makalé Camara du Front pour l’alliance nationale (FAN), Bouya Konaté de l4Union pour la défense des intérêts républicains, Laye Souleymane Diallo du Parti de liberté et de progrès (PLP) et enfin, Abdoulaye Kourouma du Rassemblement pour la renaissance et le développement (RRD).

Manif 3e mandat
Manifestation contre le troisième mandat du président Alpha Condé en octobre 2019, à Conakry, en Guinée. 
© AP Photo/Youssouf Bah

Parmi tous ces candidats, il y en a quatre qui pourraient se détacher dès le premier tour : le président sortant et le chef de file de l’opposition, mais aussi Ousmane Kaba, ancien proche d’Alpha Condé, plusieurs fois ministre et exclu du parti au pouvoir en 2016 après avoir publiquement exprimé ses désaccords avec le président de la République, tout comme Makala Traoré, ancienne ministre de feu le président Lansana Conté et directrice de campagne de Alpha Condé en 2010. Activiste connue notamment sur les questions relatives aux droits des femmes, Makala Traoré est, selon nos confrères du site d'information guinéen ledjely.com, l’une des rares candidates à disposer d’un programme chiffré dans cette campagne.     

Pourquoi la candidature du président Alpha Condé a-t-elle été contestée ?

Elu en 2010 et réélu en 2015, le président Alpha Condé a procédé en début d’année à un référendum qui, selon ses partisans, remet à zéro les compteurs de la limitation de mandat qui l’empêchait d’être candidat à sa propre succession. La perspective de ce troisième mandat avait jeté dans la rue durant plusieurs mois, une coalition d’opposants et de responsables de la société civile réunis sous la bannière du Front national pour la défense de la constitution (FNDC), dont les manifestations  avaient été régulièrement réprimées avec une extrême violence. La nouvelle loi fondamentale, adoptée en dépit du boycott des partis d’opposition, limite toujours à deux le nombre de mandats présidentiels. 

Quelles sont les raisons de l’échec du Front national pour la défense de la constitution (FNDC) ? 

Les causes de l'échec relatif du Front national pour la défense de la constitution dans sa volonté d'empêcher la modification de la constitution et donc de briguer un troisième mandat sont multiples. Le FNDC n'avait sans doute pas les moyens de ses ambitions, d'où son incapacité à mettre sur pied une plateforme susceptible de rallier le plus grand nombre à cette cause. Par ailleurs, la place prépondérante accordée aux hommes politiques, notamment à l'UFDG de Cellou Dalein Diallo, au détriment des membres de la société civile a contribué à affaiblir le mouvement. Autre facteur important dans l'essoufflement de la dynamique initiée par le FNDC, la violente répression du pouvoir en place. Et pour finir, il y a le référendum du 22 mars dernier, que le FNDC s'était engagé à empêcher, sans y parvenir. 

Quels enjeux pour cette élection ?

Après deux mandats consécutifs et surtout les fortes contestations de ces derniers mois et la tension qui en a résulté, l’un des principaux enjeux de ce scrutin reste la possibilité d’une alternance pacifique à travers les urnes. Soixante-deux ans après son indépendance, la Guinée n’a en effet jamais connu de passation de pouvoir entre un président sortant et son challenger élu. L’autre enjeu est l’acceptation des résultats à l’issue de l'élection. Le chef de file de l’opposition l’a déjà clairement indiqué, il n’acceptera pas des résultats qui, à ses yeux, ne seront pas  le reflet de ceux sortis des urnes. 

Vote population
Population civile et militaire devant un bureau de vote lors de la présidentielle de 2015, à Conakry, en Guinée.
© AP Photo/Youssouf Bah

Comment va se dérouler le scrutin ?

Les bureaux de vote seront ouverts de 8h à 18h, sauf en cas de retard ou de nécessité exceptionnelle. Munis de leurs cartes, les électeurs seront donc invités à se rendre dans les 15 000 bureaux de vote répartis sur l’ensemble du territoire. Chaque bureau de vote sera en principe doté d’un président, un vice-président, un secrétaire et deux assesseurs, tirés au sort parmi les délégués des candidats. Chaque électeur se présente avec sa carte, prend un bulletin, se rend dans l’isoloir, coche la case du candidat auquel il souhaite apporter sa voix, glisse le bulletin dans une enveloppe qu’il dépose ensuite dans l’urne prévue à cet effet. Afin d’éviter toute tricherie, chaque votant est invité à tremper son index dans de l’encre indélébile. A la fin des opérations de vote, les membres du bureau se retrouvent pour le dépouillement. La Guinée compte aujourd’hui 38 circonscriptions en province et 5 à Conakry, la capitale, pour un total de 5 41 089 électeurs. 

Le rôle de la Commission électorale nationale indépendante

Composée de 17 membres – 7 pour la majorité au pouvoir, 7 autres pour l’opposition, 2 au titre de la société civile et un représentant de l’administration - la CENI, la Commission électorale nationale indépendante est en charge de l’organisation du scrutin et de la proclamation des résultats provisoires. Ses principales missions concernent la révision et l’affichage des listes électorales, la délivrance des cartes d’électeurs, les opérations de vote et de dépouillement. Régulièrement, son indépendance et sa neutralité vis-à-vis du pouvoir en place sont contestés par les partis d’opposition.