L'opposition congolaise a défilé ce vendredi 26 octobre 2018 dans la capitale et dans plusieurs grandes villes de République démocratique du Congo (RDC) pour protester contre le système de vote et exprimer ses craintes de fraudes lors des scrutins présidentiel, législatifs et provinciaux prévus le 23 décembre.
A Kinshasa, capitale aux 12 millions d'habitants, quelques milliers de manifestants ont parcouru environ 7 km sur le boulevard Lumumba, l'une des principales artères de la ville, sans incident majeur. Des militants des mouvements citoyens ont marché aux côtés des acteurs politiques et de leurs partisans, en scandant des slogans:
"Machine à voter = machine à tricher", ou encore
"Combattants jusqu'à la mort". Ils ont répondu en nombre à l'appel à manifester. Mais sans l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), l'opposition a bien du mal à remplir le boulevard Lumumba. En tête de cortège, ses principales figures sont là pour montrer ce qu'il reste d'unité.
Nous souhaitons avoir une élection qui fait du sens, une élection dont les résultats ne seront pas contestés par la population congolaise. Et là, nous sommes en train de marcher pour dire non à la machine à voter, pour demander que le fichier électoral soit purgé, et pour que l'on ait une bonne élection.Freddy Matungulu, candidat déclaré à l'élection présidentielle
Participaient à la marche les candidats à la présidentielle Martin Fayulu, Vital Kamerhe, Freddy Matungulu, Marie-Josée Ifoku, Théodore Ngoy et l'opposant Adolphe Muzito qui n'a pas pu se présenter. "La Céni (commission électorale nationale indépendante) doit comprendre qu'aujourd'hui, le peule a repris son pouvoir souverain" et s'est exprimé "contre la machine à voter", a ajouté Marie-Josée Ifoku, la seule femme candidate à la présidentielle.
C'est une démonstration de force du peuple congolais qui refuse la machine à voter, qui refuse le fichier électoral corrompu et vient dire non à une parodie électorale.Vital Kamerhe, candidat déclaré à l'élection présidentielle
L'UDPS, absente du défilé
Cette journée de mobilisation était organisée au lendemain d'une réunion de l'opposition en Afrique du Sud où elle s'est engagée à
"ne pas boycotter" les élections et à désigner d'ici le 15 novembre un candidat commun, en promettant de ne pas permettre
"la tenue de toute parodie d'élections".
Parmi les sept formations impliquées figurent celles des ténors Félix Tshisekedi, en course pour la présidentielle au nom du parti historique d'opposition de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), de l'opposant en exil Moïse Katumbi et de l'ancien chef de guerre Jean-Pierre Bemba qui ont vu tous deux leur candidature rejetée.
L'union n'était toutefois pas tout à fait de mise ce vendredi, le parti de Félix Tshisekedi ayant décidé qu'il
"ne participera pas à cette marche", a déclaré à l'AFP son secrétaire général, Jean-Marc Kabund. L'UDPS se déclare prête à voter, même avec la très décriée machine électorale. Le parti ne veut pas donner d'excuses au pouvoir pour reporter les élections. Mais dans la foule des manifestants ce vendredi les mouvements citoyens et les militants ne voient pas les choses de la même manière.
Nous avons besoin d'élections crédibles, transparentes, sans la machine à voter et sans les électeurs fictifs.Un militant de la Lucha
Manifestations à travers le pays
Si la manifestation s'est déroulée sans incidents et dans la bonne humeur, elle n'a pas pu se tenir au siège de la commission électorale. Seule une délégation a pu y déposer une liste de revendications.
Si ces marches ont été autorisées par le pouvoir, elles étaient très encadrées par des policiers déployés en nombre aux points stratégiques de Kinshasa, Goma (Nord-Kivu), Bukavu (Sud-Kivu) dans l'est, Bunia (nord-est), Mbandaka (nord-ouest), ont constaté des correspondants de l'AFP. Les marches ont par contre été interdites à Kananga et à Mbuji-Mayi (centre) et à Kisangani (nord-est). A Lubumbashi, quelques accrochages avec les forces de l'ordre ont été signalés.
De son côté, l'ancien vice-président Jean-Pierre Bemba, écarté de la présidentielle, a invité à manifester pour empêcher le pouvoir et la Céni
"de mettre en place la plus grande fraude électorale avec une affaire de machine à voter qui n'a jamais été testée nulle part dans le monde". Et Moïse Katumbi, empêché de déposer son dossier de candidature à la présidentielle par les autorités, selon lui, a déclaré dans une vidéo largement partagée sur les réseaux sociaux:
"Marchons massivement pour dire NON à la machine à voter et NON au fichier corrompu !".