Présidentielle en RDC : quel est le programme des principaux candidats ?

La République démocratique du Congo vote ce mercredi 20 décembre. 19 candidats se présentent à cette élection présidentielle. Parmi eux, le président sortant Félix Tshisekedi, et quelques grosses pointures de la vie politique congolaise. Quelle est le programme des principaux candidats ?  

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4 candidats à la présidentielle RDC

Le président sortant Félix Tshisekedi, à gauche, aura face à lui 21 candidats dont, de gauche à droite, Moïse Katumbi, Martin Fayulu et Denis Mukwege.

Reuters / AP / TV5MONDE
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"Allons-y" ! Voilà cinq ans que Félix Tshisekedi préside la République démocratique du Congo et c'est sous ce titre que le chef de l'État sortant propose aux électeurs congolais de le suivre vers un "horizon 2023-2028". Si la devise officielle du pays est "Justice, Paix, Travail", le candidat UDPS orne son programme d'un autre triptyque tout aussi solennel : "Unité, sécurité, prospérité".

Dans le détail, et dans un document de 37 pages, "Fatshi" présente aux électeurs six nouveaux engagements qu'il prend soin de lier au travail déjà accompli lors de son premier mandat. "Plus d'emplois", "plus de pouvoir d'achat", "plus de sécurité pour tous", "une économie plus diversifiée et plus compétitive", "plus d'accès aux services de base" et "des services public plus efficaces". Concernant le marché du travail, le chef de l'État sortant promet notamment de créer près de 6,5 millions d'emplois au cours du prochain quinquennat !

Au cours de son premier mandat, Félix Tshisekedi n'est pas parvenu à régler la question sécuritaire qui gangrène notamment l'Est de la RDC, dans les deux Kivu et en Ituri. Il s'engage toutefois à ce que le problème soit réglé d'ici à 2028. "Faire de la République Démocratique du Congo un havre de paix et de sécurité a de tout temps constitué une priorité pour moi, comme en témoigne les efforts que j’ai inlassablement consentis à cette fin, depuis le 24 janvier 2019, sur les fronts politique, juridique, économique et diplomatique", estime-t-il.

Quid des dispositions envisagées pour la suite ? Le président promet de réformer "profondément l’architecture (du) système de défense et de la sécurité" et de lui allouer des moyens plus importants, les relevant à 2% du produit intérieur brut (PIB), c'est à dire de la richesse produite sur le sol congolais.

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"Un pays normal"

Pour sa deuxième candidature, Martin Fayulu a une ambition : s'il est élu, le candidat du parti Écidé (Engagement pour la citoyenneté et le développement) fera du Congo un "pays normal".

Celui qui, officiellement, était arrivé en seconde  position il y a cinq ans, mais qui s'est toujours considéré comme le seul et unique vainqueur de l'élection, s'en explique dans un interview accordée début décembre au quotidien français Le Monde. Cette normalité signifie "garantir l’intégrité territoriale, l’Etat de droit, la cohésion nationale et une gouvernance intègre. L’argent de l’Etat doit servir à investir dans les biens sociaux ou publics. Fini le vol et la corruption !". Et le candidat de promettre "la tolérance zéro".

Sur les moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à la paix dans l'Est, Martin Fayulu détaille : "Il faut d’abord que l’armée soit formée, équipée et patriote. Une unité de surveillance de nos frontières sera créée ainsi que des grands camps militaires au Nord-Kivu". Il promet également une véritable démobilisation des combattants, estimant que ce qui se fait actuellement "ne fonctionne pas et est mal  conçu". Le Groupe d'Étude sur le Congo (GEC), un think tank universitaire new yorkais, estimait récemment à plus de 130 le nombre de groupes armés présents dans les trois grandes provinces de l'Est.

Meeting de M. Fayulu à Goma

Martin Fayulu en meeting à Goma, le 30 novembre 2023.

AP Photo/Moses Sawasawa

À propos du M23, l'un des plus importants groupes en activité actuellement, Fayulu évoque la question du voisinage avec le Rwanda : "Actuellement, je n’ai aucune relation avec le Rwanda. Le M23 n’est pas un groupe rebelle, c’est un supplétif de l’armée rwandaise dont l’objectif est de déstabiliser la RDC (...) Aujourd’hui, à cause de la situation créée par Joseph Kabila et Félix Tshisekedi, la région est maintenue dans une condition d’esclave ou de néocolonisée." Le Rwanda de Paul Kagamé nie tout soutien au M23.

Si, à une semaine du scrutin, le programme définitif n'est pas encore disponible, l'entourage de Martin Fayulu nous fait parvenir un long "Manifeste de Kisangani" destiné à "bâtir un Congo libre, fort digne et prospère".

Un document d'une cinquantaine de pages où il est question d'éducation et d'accès à la santé, mais aussi d'écologie et de développement durable. Le candidat Fayulu y propose de "faire de nos réserves de faune et de flore exceptionnelles un enjeu écologique mais aussi une ressource pour un tourisme durable et respectueux de la biodiversité".

"Un pays réellement riche"

Il y a cinq ans, embourbé dans des procédures judiciaires à répétition, le milliardaire Moïse Katumbi n'avait pas pu se présenter. Un temps allié de Félix Tshisekedi, l'ancien gouverneur du Katanga a désormais pris ses distances et n'est pas avare de critiques à l'encontre du président sortant. 

Alors, que propose-t-il pour améliorer le sort des Congolais ? Sous la bannière du parti Ensemble pour la République, Katumbi propose un programme intitulé "Alternative 2024 pour un Congo uni, démocratique, prospère et solidaire".

Fin novembre, son haut-représentant résumait ainsi la philosophie du programme sur les ondes de Radio Okapi : "Notre première priorité c’est l’unité du Congo, l’intégrité territoriale et toutes les parties du Congo qui nous sont aujourd’hui arrachées par la faute du pouvoir en place doivent être récupérées".

Meeting M. Katumbi à Goma

Un supporter brandit une affiche du candidat Moïse Katumbi, le 23 novembre 2023 à Goma.

AP Photo/Moses Sawasawa

Le candidat promet également de "consolider la démocratie" avec un engagement très précis, "le retour majoritaire à deux tours pour la présidentielle". La réforme constitutionnelle décidée en 2011 sous la présidence de Joseph Kabila a, en effet, institué le scrutin uninominal à un tour, contraignant l'opposition à des alliances complexes et offrant au président sortant un avantage incontestable.

L'entourage de Moïse Katumbi souligne en outre le pan économique du programme visant la prospérité avec cette formule : "Ne pas devenir seulement un pays potentiellement riche mais être un pays réellement riche", pointant ainsi le paradoxe congolais, la richesse naturelle du pays n'ayant d'égal que la misère de sa population.

À une semaine du vote, l'homme d'affaires s'exprimait sur RFI ce jeudi 14 décembre. L'occasion d'évoquer, à son tour, la crise sécuritaire dans l'Est. Il propose notamment d'augmenter la solde des militaires des FARDC.

"Réparer et soigner le Congo"

Le Nobel de la Paix 2018 est surnommé "l'homme qui répare les femmes", titre d'un film que lui a consacré le réalisateur belge Thierry Michel. Aujourd'hui candidat à la présidentielle, Denis Mukwege reprend l'expression pour intituler son programme :"Réparer et soigner le Congo de fond en comble".

Un document de près de cent pages dans lequel le célèbre gynécologue de l'hôpital de Panzi à Bukavu (Sud-Kivu) détaille ce qu'il compte faire en cas de victoire à la présidentielle du 20 décembre. Comme il l'explique sur Radio France Internationale (RFI), reprenant une formule de son programme, son projet consiste à "mettre fin à la guerre, fin à la faim et fin aux vices".

Des partisans de Denis Mukwege

Des partisans de Denis Mukwege lors d'une marche de soutien à Goma, le 2 décembre 2023.

AP Photo/Moses Sawasawa, File

Pour le docteur Mukwege, le Congo ne pourra pas se développer tant qu'il y a la guerre dans l'Est. Pour mettre en place ce préalable, le candidat propose donc une réforme du secteur de la sécurité afin de garantir l'intégrité du territoire congolais. Il souhaite aussi avoir recours à une mission internationale d'imposition de la paix, en insistant sur la différence avec une force de "maintien" de la paix.

Comme le rappelle l'ONU, "l’imposition de la paix comprend l’application, avec l’autorisation du Conseil de sécurité, de mesures coercitives, y compris l’usage de la force militaire, pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales dans des situations où il a déterminé l’existence d’une menace à la paix, une violation de la paix ou un acte d’agression".

La nuance établie par le docteur Mukwege avec le "maintien de la paix" est loin d'être anecdotique dans un pays qui abrite depuis un quart de siècle la MONUSCO, autrefois MONUC, une mission de plus en plus décriée alors qu'entre 6 et 8 millions de personnes sont mortes dans l'Est du pays depuis 1996.

Si le règlement du conflit dans l'Est est une priorité, Denis Mukwege promet aussi de lutter contre la pauvreté et la corruption, l'une des "antivaleurs" qui gangrènent le pays, dit-il dans son programme.

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"Libérer le Congo et le Congolais"

Adolphe Muzito est un ancien Premier ministre. Il a été à la tête du gouvernement pendant plus de trois ans, entre 2008 et 2012, sous la présidence de Joseph Kabila. Sous les couleurs de son parti "Nouvel Élan", il publie un programme de près de 80 pages intitulé "Libérer le Congo et le Congolais de l’occupation étrangère, de l’exploitation intérieure et étrangère, de la pauvreté". Économiste de formation, Adolphe Muzito a longtemps été inspecteur des finances, et ça se voit : son programme fourmille de chiffres.

Établissant un diagnostic de l'état de la RDC, il propose donc, sur la base de ces chiffres, une importante réforme des institutions. Il suggère "la révision de la Constitution pour passer du régime semi-présidentiel au régime parlementaire" avec un président élu par les députés. Il souhaite en outre mieux payer les fonctionnaires de la santé et de l'éducation. Enfin, l'une de ses propositions tout à fait originale : "La construction d’un mur de séparation entre le Rwanda, l’Ouganda et la RDC", afin de régler la question du conflit dans l'Est.

"Rupture"

Floribert Anzuluni s'est fait connaître comme militant de la société civile congolaise. Il est l'un des co-fondateurs de Filimbi (le coup de sifflet), l'une des grandes organisations citoyennes de la RDC. Comme le rappelle le quotidien belge Le Soir ce 12 décembre, il était jusque là de ceux qui "placent les politiciens face à leurs responsabilités", avant de se lancer aujourd'hui dans la course à la présidence. Attention, toutefois, comme le rappelle Anzuluni sur RFI, sa candidature est "une initiative collective" destinée à "mettre fin au système de gouvernance que nous appelons 'prédateur' (...) incarné par la quasi-totalité de la classe politique qui a pris le pays en otage depuis trop longtemps et qui est à la base de la quasi-faillite du pays aujourd’hui". Le ton est donné.

Le premier volet de son programme concerne le rétablissement de la sécurité qui passe, selon Floribert Anzuluni, par une refondation des services de sécurité et de défense. Le candidat se préoccupe, entre autres, des conditions de vie des militaires. La gouvernance, on l'a compris plus haut, figure aussi très haut dans ses priorités. Il défend aussi, notamment, le soutien aux entrepreneurs congolais, "pour favoriser la création d'emplois locaux", disait-il lors d'une réunion publique fin novembre à Uvira au Sud-Kivu.

Les autres candidats

Deux femmes, un ancien Premier ministre, deux anciens gouverneurs de l'Équateur... Sécurité, économique ou questions de société : quel est le programme des autres candidats ?

`Marie-Josée Ifoku, pour sa 2e candidature (en 2018, elle avait été la première femme à se présenter à une présidentielle en RDC), propose une "kombolisation" de la vie politique congolaise, comprenez un "coup de balai". Sur ses affiches, elle pose d'ailleurs avec un balai aux couleurs de son pays. Noel Tshiani est un ancien fonctionnaire de la Banque mondiale. Pasteur et homme d'affaires, Radjabho Tebabho Soborabo affirme vouloir instaurer la démocratie et l'État de droit en RDC. Interrogé sur RFI, Theodore Ngoy ambitionne de "réformer l'Homme, le citoyen, le militaire, le policier, pour lui inculquer des valeurs de justice, de respect, de bien-public, l'intérêt général"... "Rétablir l'équité, l'unité, la justice et la paix, sans lesquelles l'on ne peut parler du développement", tel est l'ambition de Tony Bolamba, ex-gouverneur de la province de l'Équateur. Radio Okapi, le citant, explique qu'il veut "rendre aux Congolais ce qui leur appartient". "Je suis le candidat de la paix et le candidat du pain", explique pour sa part un autre ex-gouverneur de l'Équateur, Jean-Claude Baende sur RFI.

Sécurité et, lui aussi, lutte contre les "anti-valeurs" (terme utilisé également par Denis Mukwege), tels sont les motivations de l'avocat Constant Mutamba. Sur son compte Twitter, Justin Mudekereza explique, quant à lui, être "le seul patriote nationaliste qui a un programme politique très ambitieux pour sauver la RDC. Le marteau pour détruire le système colonial démocratisé, institutionnalisé et constitutionnalisé". C'est un vétéran. À 76 ans, Georges Buse Falay est un ancien directeur de cabinet de Laurent Désiré Kabila, président de la RDC de 1997 à sa mort en janvier 2001). Sur sa page Facebook, il met en avant son christianisme comme "base de son travail". Assurant de son intégrité, il promet de régler les "fuites" dont souffre le "portefeuille de l'État".

"Nous avons un pays où l’on tue, où l’on viole, matin, midi et soir. Nous avons un pays où une partie des Congolais ne pourront pas voter". Interrogé sur RFI, le candidat Rex Kazadi estime lui aussi que la sécurité est la priorité n°1. "Mandaté par Dieu", le candidat Abraham Ngalasi annonce qu'il souhaite "interdire les petits commerces aux étrangers et va doter la RDC d'une armée homogène et dissuasive capable de défendre la patrie". Sur sa photo de campagne, Nkema Liloo Bokonzi pose le point serré et le visage déterminé. Il explique sur sa page Facebook que "il est temps de mettre fin à l'injustice et de garantir une justice équitable pour tous, indépendamment de leur statut, de leur origine ou de leur position sociale". Ses priorités sont les jeunes et l'instauration d'un dialogue pour régler la crise dans l'Est, Patrice Mwamba se présente sous les couleurs "Notre Congo, notre fierté".

Sur son site internet, André Masalu Anedu, 61 ans, présente ainsi son projet de société : "Étant fermement attachés aux principes démocratiques et à l'État de droit, notre responsabilité sera totalement engagée dans la recherche des solutions durables face à l'instabilité politique, la corruption et les injustices qui gangrènent notre nation".

Elle est l'autre femme candidate cette année. Ancienne journaliste et communicante, Joëlle Bile estime sur RFI que "tout est prioritaire en RDC". Outre le rétablissement de la sécurité, elle promet aussi de donner une pièce d'identité à tous les Congolais. "Partout où je suis passé, les Congolais ont marre de souffrir. Ils veulent tous le changement", estime Henoch Ngila, le candidat des Jeunes Patriotes Congolais qui estime incarner ce changement. ll promet notamment de réduire drastiquement le nombre de provinces congolaises.