Présidentielle en RDC : quelles options de contestation pour les candidats d'opposition ?

Le 31 décembre, la commission électorale congolaise annonce la victoire du président sortant Félix Tshisekedi à l’élection présidentielle selon des chiffres provisoires. Les candidats de l’opposition dénoncent un “simulacre d’élections”. Peuvent-ils contester le résultat ?

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RDC opposition

Les représentants de l'ancien Premier ministre Matata Ponyo, du prix Nobel de la paix Denis Mukwege et de l'ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi sont les principaux opposants au président sortant Félix Tshisekedi.

TV5MONDE/AP
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Partout où vous vous trouvez, je vous demande de protester contre ce nouveau coup d’État exécuté par la Céni au profit de monsieur Félix Tshisekedi”, déclare Martin Fayulu, candidat à l’élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC) et opposant du président sortant Félix Tshisekedi, à l’annonce des résultats par la commission électorale (Céni). Selon les chiffres proclamés, Félix Tshisekedi, 60 ans, au pouvoir depuis janvier 2019, devance largement l'opposant. 

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Le président sortant est réélu avec 73,34% des voix, tandis que l’ancien gouverneur du Katanga (sud-est) Moïse Katumbi est crédité de 18,08% des voix. Vient ensuite Martin Fayulu, qui a récolté 5,33%, puis l'ancien Premier ministre (2008-2012) Adolphe Muzito, avec 1,12% des voix.

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La vingtaine d'autres candidats, dont le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix pour son action auprès des femmes victimes de viols de guerre, n'atteignent pas 1% des voix. Ces résultats doivent encore être confirmés par la Cour constitutionnelle pour devenir définitifs. Selon la Céni, le taux de participation aux élections des 20-21 décembre a été de 43% des inscrits.

Des résultats dénoncés par l’opposition 

Quelques heures avant la proclamation des résultats, neuf candidats de l'oppositon annoncent dans une déclaration commune rejeter “catégoriquement ce simulacre d’élections”. Ils demandent également à la population congolaise “dès la proclamation de la fraude électorale, de protester massivement dans la rue.” Ainsi, ils souhaitent obliger le gouvernement à organiser de nouvelles élections avec “une nouvelle commission indépendante”.  À la différence de Martin Fayulu, Moïse Katumbi ne s'est toujours pas exprimé après la proclamation de ces résultats. 

Le score de Félix Tshisekedi est tellement important que même s’il y avait des irrégularités qui étaient prises en compte, il y a peu de chance que cela remette en cause le résultat final de l’élection.

Christophe Rigaud, rédacteur en chef du site Afrikarabia

L’appel à manifester n'est pas le seul recours possible pour l'opposition.  Christophe Rigaud, rédacteur en chef du site Afrikarabia souligne deux autres leviers de recours. D’abord, il y a une contestation légale à travers la Cour constitutionnelle, “censée gérer les contentieux électoraux”. Cependant, “l’opposition a dit qu’elle ne déposerait pas de recours car elle voit cette Cour comme une structure de fraude mise en place par Félix Tshisekedi, explique-t-il. Par ailleurs, le score de Félix Tshisekedi est tellement important que même s’il y avait des irrégularités qui étaient prises en compte, il y a peu de chance que cela remette en cause le résultat final de l’élection.

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Par ailleurs, “ils pourraient tenter de compter sur les missions d’observation électorale ou sur la communauté internationale, poursuit Christophe Rigaud. Mais assez rapidement, la principale mission, celle de la Cenco et de l’ECC, les Églises catholiques et protestantes ont dit que certes il y avait eu des irrégularités, mais que leur ampleur ne remettait pas en cause la sincérité du scrutin.” L’opposition peut donc difficilement s’appuyer dessus pour contester les résultats. 

Si elle veut peser dans la contestation, l’opposition doit trouver une stratégie commune.

Christophe Rigaud, rédacteur en chef du site Afrikarabia

Reste donc la carte de la mobilisation populaire. Pour qu’elle fonctionne, Christophe Rigaud souligne toutefois qu’il est nécessaire qu’elle soit très suivie. “Ça sera difficile pour eux de mobiliser dans la capitale”, selon lui. Il rappelle toutefois que le deuxième homme de l’élection, Moïse Katumbi, “a remporté quatre provinces dans son fief du Grand-Katanga”. “Il faudra voir si la contestation prend dans cette partie-là du pays”.

Cependant, “si elle veut peser dans la contestation, l’opposition doit trouver une stratégie commune”, estime Christophe Rigaud. Or, selon lui, elle est relativement désunie. “Jusqu’aux élections, trois des principaux candidats, à savoir Martin Fayulu, Moïse Katumbi et Denis Mukwege, ils ont parlé de trois voix complètement différentes”, rappelle-t-il. 

Vers une crise politique ?

Le résultat de cette élection peut-il plonger le pays dans une crise politique ? Selon Christophe Rigaud, “il y a déjà une crise politique après ces élections car le score de Félix Tshisekedi est tellement écrasant qu’on peut effectivement s'interroger de la crédibilité de ces élections, et la majorité de l’opposition conteste ce résultat.” En revanche, “pour que la crise s’aggrave, il faut qu’il y ait une contestation dans la rue.” Seule l’ampleur de la mobilisation future pourra faire office d’indicateur. 

Ce qui peut guetter la RDC dans les mois à venir, c’est énormément de contestation au niveau des législatives, ce qui va retarder la composition du gouvernement et de l’Assemblée nationale et placer le pays dans une position d’attente avec un président réélu mais un exécutif et un législatif encore de la précédente mandature.

 

Christophe Rigaud, rédacteur en chef du site Afrikabia

Christophe Rigaud souligne également l’importance des résultats des élections législatives. Celles-ci ont eu lieu le 20 décembre, en même temps que le scrutin présidentiel. Cependant, “c’est différent de la présidentielle dans la mesure où il y a traditionnellement énormément de contestation des candidats entre eux et de mêmes coalitions”, explique Christophe Rigaud. Selon lui, “ce qui peut guetter la RDC dans les mois à venir, c’est énormément de contestation au niveau des législatives, ce qui va retarder la composition du gouvernement et de l’Assemblée nationale et placer le pays dans une position d’attente avec un président réélu mais un exécutif et un législatif encore de la précédente mandature.” 

Enfin, le rédacteur en chef du site Afrikarabia note deux inconnues sur lesquelles il faut rester vigilant. D’un côté,  il y a “ce que va faire le camp Kabila.” L’ancien président congolais “avait boycotté les élections mais ne s’est pas vraiment exprimé depuis la réélection de Tshisekedi”, va-t-il se mêler aux appels à manifester de l’opposition ? 

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Par ailleurs, Christophe Rigaud invite à la vigilance quant à la nouvelle plateforme politico-militaire, formée par Corneille Nangaa, avec les rebelles du M23. Cet ancien responsable de la Céni proche de l'ex président Kabila, aujourd'hui exilé au Kenya a formulé “une déclaration assez étonnante où il annonçait vouloir marcher sur Kinshasa pour renverser le pouvoir.” Selon lui, il s’agit plus de “postures en vue de potentielles négociations à venir qu’un discours guerrier crédible, mais il ne faut pas le négliger.”