Fil d'Ariane
Deux décisions de justice, celle de la Cour suprême du Sénégal et celle du tribunal de la Cédéao à Abuja, éloignent un peu plus le candidat Ousmane Sonko de la présidentielle de février 2024. L'opposant emprisonné va devoir être rejugé.
La Cour suprême du Sénégal, Dakar, 17 novembre 2023.
"La cour casse et annule la décision du tribunal de Ziguinchor du 12 octobre et renvoie l'affaire au tribunal hors classe de Dakar" pour qu'elle soit rejugée, a annoncé le 17 novembre le président de la Cour suprême Ali Ciré Ba.
Le mois dernier, le tribunal de Ziguinchor, la ville dont Ousmane Sonko est le maire depuis 2022, avait annulé sa radiation des listes électorales, rendant possible sa candidature à la présidentielle de février 2024. Mais l'État afait appel de cette décision. "Cette décision ne nous arrange pas. L'affaire sera rejugée mais les parrainages seront bientôt terminés", a dit à l'AFP Maître Babacar Ndiaye, l'un des avocats de Sonko.
L'obtention des parrainages est une étape indispensable à la candidature à la présidentielle, qui doit se dérouler avant le dépôt des candidatures prévu du 11 au 26 décembre.
Or, le ministère de l'Intérieur a refusé jusqu'alors de délivrer à Ousmane Sonko les fiches officielles qui lui permettraient de recueillir ses parrainages, en lui opposant que la décision du juge de Ziguinchor n'était pas définitive.
La Cour suprême n'a pas fixé de délai au nouveau jugement concernant cette affaire au tribunal de Dakar. Elle a estimé que la décision prise par le juge de Ziguinchor était irrégulière.
Dans la matinée, la Cour de justice de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) à Abuja avait infligé un autre coup sévère au candidat en jugeant que l'État du Sénégal n'avait pas violé ses droits.
La cour avait été saisie par les avocats d'Ousmane Sonko pour contester sa radiation des listes électorales sénégalaises après une condamnation dans une affaire de mœurs.
"La Cour de justice de la Cedeao donne blanc seing à Macky Sall (le président sénégalais) pour détruire son opposant", a réagi Maître Juan Branco, un des avocats de Sonko. "En jugeant comme elle l'a fait, les dictateurs pourraient désormais agir comme l'État du Sénégal a fait et se prévaloir de la jurisprudence de la Cour", a affirmé Maître Ciré Clédor Ly, un autre de ses conseils.
L'audience à Dakar s'est ouverte le matin du 17 novembre dans une Cour suprême aux allures de camp retranché, protégée par un fort dispositif policier, a constaté un journaliste de l'AFP. Le procureur général de la Cour suprême, Ousmane Diagne, avait demandé de "rejeter le recours de l'agent judiciaire de l'État", assurant que le tribunal de Ziguinchor était bien compétent pour examiner la demande de réintégration sur les listes d'Ousmane Sonko.
Le bras de fer de Sonko avec l'État du Sénégal dans plusieurs affaires politico-judiciaires tient le Sénégal en haleine depuis deux ans et demi et a déclenché les troubles les plus meurtriers depuis des années dans le pays.
Son discours souverainiste et panafricaniste, ses diatribes contre "la mafia d'État", les multinationales et l'emprise économique et politique exercée selon lui par l'ancienne puissance coloniale française lui valent une forte adhésion chez les moins de 20 ans qui représentent la moitié de la population. Ses détracteurs voient en lui un agitateur incendiaire.
L'opposant avait appelé dans la soirée du 16 novembre à la résistance, estimant que la souveraineté des Sénégalais et la "destinée de la nation" étaient en jeu.
"Nous devons nous lever pour une justice équitable, libre et indépendante, pour le droit de vivre dans un pays sans craindre d'être arrêté et emprisonné sans justification", a-t-il déclaré sur ses réseaux sociaux.
Dakar était calme en fin d'après-midi le 17. Les autorités ont interdit la circulation des motos et la vente de carburant au détail.