Fil d'Ariane
Financement des énergies renouvelables, réforme du système financier international et taxes carbone... Les attentes des pays africains sont grandes pour cette COP 28. 54 pays du continent avaient formulé leur demande auprès de la communauté internationale lors du sommet de Nairobi le six septembre dernier dans une "déclaration".
Vanessa Nakate, activiste ougandaise pour le climat, manifeste à Nairobi le 4 septembre lors du sommet africain pour le climat.
Dans la "Déclaration de Nairobi", ce continent, qui ne contribue qu'à 2% à 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, s'est efforcé de trouver une position commune dans le processus mondial sur le changement climatique, qui culminera avec la conférence de l'ONU sur le climat (COP28) de Dubaï de ce 30 novembre. Retour sur les principales attentes des pays africains pour cette COP 28.
Outre un potentiel naturel pour générer directement des énergies propres (solaire, éolien, géothermie, etc.), l'Afrique abrite 40% des réserves mondiales de cobalt, de manganèse et de platine, essentiels pour les batteries et les piles à hydrogène.
Paradoxe : ce continent n'a attiré que 2% des investissements mondiaux de la transition énergétique pendant la décennie écoulée.
Lire : COP 28, les mots de la Conférence sur le climat à Dubaï
Le Sommet de Nairobi a appelé à un investissement de 600 milliards de dollars pour augmenter la capacité de production d'énergies renouvelables de l'Afrique de 56 gigawatts en 2022 à au moins 300 gigawatts d'ici à 2030.
Un impératif pour un continent d'1,4 milliard d'habitants, dont 600 millions n'ont pas accès à l'électricité.
Le président kenyan William Ruto s'adresse aux délégués lors de la cérémonie de cloture du sommet africain sur le climat, le 6 septembre 2023. 54 pays du continent ont signé la déclaration de Nairobi.
Pour permettre de lever les fonds nécessaires à ces investissements, la Déclaration de Nairobi appelle les dirigeants de la planète à "se ranger derrière la proposition d'un régime de taxation du carbone incluant une taxe sur le commerce des combustibles fossiles et sur le transport maritime et aérien".
Ces sources de financements, ajoute la Déclaration, pourraient être complétées par une taxe mondiale sur les transactions financières.
Au cours d'un sommet à Paris en juin, le président français Emmanuel Macron s'est prononcé en faveur d'une taxe sur le commerce maritime tout en soulignant la nécessaire adhésion de la Chine, des États-Unis et d'autres pays européens pour qu'elle devienne réalité.
À Nairobi, l'émissaire américain sur le climat John Kerry s'est borné à expliquer que ces différentes propositions étaient à l'étude à Washington.
Les participants au Sommet de Nairobi ont joint leurs voix aux appels à réformer l’architecture du système financier international, que le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a qualifié de "dépassé, injuste et dysfonctionnel".
Les dirigeants ont également appelé à une restructuration et à un allègement de la dette de leurs pays. La charge de la dette dans la région a grimpé en flèche avec la pandémie de Covid-19, l'invasion russe de l'Ukraine et les impacts climatiques, selon la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique.
Or l'accès aux financements du FMI et de la Banque mondiale est jugé difficile par les pays en développement, confrontés au défi de sortir une grande partie de leur population de la pauvreté tout en s'affranchissant des énergies fossiles.
La réforme des deux institutions devrait être au coeur de leur réunion annuelle en octobre à Marrakech.
Les pays africains ont plaidé pour une croissance économique moins dépendante des énergies fossiles, au-delà du modèle "traditionnel" de développement industriel.
Au coeur de cette stratégie : faire en sorte que les matières premières dont regorge le continent, y compris les minerais utilisés pour les technologies vertes, soient transformées sur place et non simplement exportées.
Un autre piste consisterait à mieux monétiser sur le marché des crédits carbone les vastes écosystèmes du continent - forêts, mangroves, zones humides - qui absorbent le CO2.
Mais ce marché, peu régulé, fait l'objet de critiques, certains projets - notamment forestiers - ayant selon leurs détracteurs peu d'impact sur la préservation de l'environnement ou la protection des communautés locales.
"Les crédits-carbone sont vraiment des +permis de polluer+", assure Mohamed Adow, le directeur du groupe de réflexion Power Shift Africa.
Les États africains ont rappelé les riches pays pollueurs à honorer leur engagement, pris en 2009, à fournir 100 milliards de dollars par an en financement climatique d'ici à 2020.
Ainsi qu'à aider les pays les plus vulnérables à faire face aux impacts immédiats du changement climatique au travers d'un fonds adopté à la COP27 en Egypte, visant pour les nations riches à compenser les "pertes et dommages" de celles du Sud.
Les chefs d'Etat du Nigeria et de l'Afrique du Sud, deux poids-lourds du continent dont les économies reposent sur les énergies fossiles, étaient notamment absents du sommet.
Mais l'Union africaine a assuré que la Déclaration de Nairobi avait été adoptée à l'unanimité. Pour Laurence Tubiana, la présidente de la Fondation européenne du climat, le Sommet de Nairobi "envoie un message fort à la communauté internationale".