Quel est le bilan du pape François sur le continent africain ?

Les fidèles catholiques prient dans le monde entier et sur le continent africain pour la santé du pape François, hospitalisé depuis un mois. L'occasion de dresser un premier bilan du pontificat sur le continent africain. Entretien avec François Mabille, universitaire et spécialiste de la diplomatie vaticane

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Le Pape François au Soudan

Images du pape François au Soudan du Sud le 5 février 2023 à Juba (AP Photo/Gregorio Borgia). 

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TV5MONDE : Quel a été l'influence du pape sur le continent africain ? 

François Mabille : ll s'est rendu à plusieurs reprises dans des pays africains pour parler de thèmes qui font partie de sa diplomatie. Il a parlé de justice, de paix et d'environnement. Je pense que dans son héritage restera son déplacement en République centrafricaine où là il a eu une importance diplomatique décisive. 

En République centrafricaine son rôle comme médiateur a été important.

Il s'y est rendu en 2015 dans un contexte de guerre civile avec des tensions très fortes entre les différentes communautés notamment musulmanes, chrétiennes et animistes. Et à cette occasion, il s'était déplacé dans la cathédrale de Bangui mais également dans une mosquée d'un quartier particulier, celui du PK5. 

Il avait vraiment contribué à apaiser les tensions durant ce déplacement à risque. Il y a eu une baisse significative des tensions suivie quelques mois après d'élections. 

En République centrafricaine, son rôle en tant que médiateur a été important. Il a aussi joué un rôle de lanceur d'alerte lorsqu'il s'est déplacé en République démocratique du Congo. Il a averti des risques d'extension du conflit dans l'Est du pays qui étaient sous-jacents et qui se sont confirmés en 2025. 

Le pape François à Bangui

Le pape François célèbre la messe dans le stade de Bangui, le 30 novembre 2015, en République centrafricaine. (L'Osservatore Romano/ AP)

La diplomatie vaticane sous son pontificat a été sur le continent africain plus active que son prédécesseur Benoit XVI  (2005-2013) ? 

François est plus impliqué dans la diplomatie que Benoit XVI. Le pape François se déplace davantage. On peut trouver chez François des comparaisons avec Jean-Paul II. Le pontificat de Jean-Paul II avait été très long et il s'était déplacé en Afrique. 

Sur le commerce des armes ou celui des minerais, son langage a été proche de celui des ONG.

Le pape François a davantage insisté sur des questions économiques et sociales. Son discours a été certes celui d'un responsable religieux, mais sur d'autres thématiques comme le commerce des armes ou celui des minerais, son langage a été proche de celui des ONG. 

Le pape s'est tourné vers le continent en créant deux cardinaux africains. 

Oui, il a créé deux cardinaux africains, l'un provenant de la République démocratique du Congo, le cardinal Fridolin Ambongo, et l'autre en République centrafricaine, le cardinal Dieudonné Nzapalainga. Dans les deux cas, cela montre l'importance de l'Afrique dans la géopolitique globale du catholicisme et le fait que le catholicisme est de moins en moins européen et de plus en plus africain et latino-américain. C'est une façon de souligner l'importance du catholicisme en Afrique. 

Fridolin Ambongo Besungu cardinal en 2019

Le cardinal Fridolin Ambongo Besungu reçoit son chapeau de cardinal du pape François en 2019 au Vatican. AP/Archives. 

 

Quelle est la vision du catholicisme en Afrique de la part de François ? A-t-il encouragé les églises catholiques africaines à trouver leur propre voie ? 

Le pape a milité pour une vision non monolithique de l'Église. Il a oeuvré pour qu'il y ait davantage de reconnaissance des églises locales. Il a insisté pour que le catholicisme africain soit véritablement africain et non pas une reproduction du catholicisme occidental dont il a dénoncé à plusieurs reprises l'influence. 

Cette volonté cependant trouve des limites. C'est le cas notamment lorsque lui-même veut mettre en place une bénédiction pour les couples de même sexe. Il essuie à ce moment-là un refus des épiscopats africains au nom même, disent-ils, de la culture ou des cultures africaines. 

Et là, on voit bien l'ambivalence qu'il y a entre un catholicisme qui se veut universel et une reconnaissance de particularismes locaux qui peuvent d'une certaine manière entrer en contradiction.