Fil d'Ariane
Emmanuel Macron veut s'inscrire dans une volonté de rupture engagée en 2017. Il assume toutefois une "défense de nos intérêts" en Afrique et observe une "profonde humilité" dace aux défis du continent. Le 27 février 2023, il prononce un discours sur sa vision des relations entre la France et l'Afrique depuis l'Elysée.
Ce discours intervient deux jours avant le début de sa tournée en Afrique centrale. Entre le 1er et le 5 mars 2023, Emmanuel Macron se rendra au Gabon, en Angola, au Congo et en République démocratique du Congo (RDC). Comment son discours a-t-il été perçu sur le continent africain ?
Selon Alioune Tine, fondateur du think tank Afrikajom Center et expert indépendant auprès de l'ONU sur les droits humains au Mali, "le discours de Macron ne s'adresse pas seulement à ses alliés, là où il n'y a pas de problèmes." Sur TV5MONDE, il explique que "ça s'adresse à là où il y a des problèmes."
En effet, la relation entre la France et certains pays du continent s'est dégradée au cours des derniers mois. C'est le cas par exemple au Mali, d'où les soldats français se sont retirés mais aussi du Burkina Faso. Là-bas, le capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir par un coup d'État en septembre 2022, a obtenu le départ de l'ambassadeur de France et celui des forces spéciales françaises de Sabre.
Le fait de continuer à avoir vraiment un lien, de l'améliorer, c'est une très bonne chose.Alioune Tine, fondateur du think tank Afrikajom Center
"De mon point de vue, ce n'est pas quelque chose de mauvais, poursuit Alioune Tine. Le fait de continuer à avoir vraiment un lien, de l'améliorer, c'est une très bonne chose." Il reconnaît toutefois que ce n'est pas au président français de dicter la conduite à tenir, mais au continent africain de décider ce qu'ils acceptent de faire. "Il me semble que comme ça, on va co-construire."
Au cours de sa tournée en Afrique centrale, Emmanuel Macron se rendra en RDC. Le minister des Affaires étrangères congolais Christophe Lutundula retient "deux éléments fondamentaux" du discours du président français. " D’abord, le président Macron reconnaît que la France est comptable du passé et que jusque-là, il n’y pas de résultat, en tout cas, des résultats escomptés", explique-t-il au micro de la radio française RFI.
"Il y a aussi un élément essentiel, en tout cas, pour nous, la RDC, c’est qu’il a souligné la centralité et la prééminence de la question de sécurité en Afrique", poursuit le ministre. Il estime également que la France doit assumer une position claire par rapport au Rwanda. En effet, les relations diplomatiques sont mises à mal par la recrudescence des violences à l'est de la RDC liés aux hommes du groupe armé du M23. Kinshasa accuse Kigali de soutenir ce groupe armé. "La France a demandé au Rwanda d’arrêter son soutien au M23, la France doit aussi porter une attention particulière sur la manière dont le Rwanda a reçu ce message, cette demande, et l’applique", détaille le ministre congolais.
"On entend encore des critiques, de la contestation, mais le fait d'être dans une forme de transition, permet d'inscrire une stratégie dans le temps, dans la durée, mais aussi dans le concret", analyse l'historien spécialiste des relations internationales Arthur Banga, après le discours du président français. Selon lui, la relation entre la France et le continent africain évolue de manière positive. Il note qu'il y a "quand même des signes intéressants, comme le retrait de Barkhane ou la réforme du franc CFA." Cependant, ces signes ne sont pas assez forts pour que les habitants du continent les percoivent comme des signaux positifs. "Pour eux, pour l'instant, ce ne sont que des discours et des débuts timides."
"Je pense qu'il a donné ce qu'il pouvait pour répondre aux critiques", poursuit l'historien. Il note également une " prise de conscience de l'environnement", notamment par rapport à la manière dont le président français adopte la réponse stratégique de la France vis à vis de ce qu'il se passe en Afrique. "La première réponse stratégique aujourd'hui, c'est la réponse militaire, constate-t-il. Mais il comprends très bien que l'interventionnisme n'est plus la solution. Je pense qu'il donne des débuts de réponse assez intéressants."