Fil d'Ariane
Alger a transmis une liste de biens à restituer par la France, lors d'une cinquième réunion de la commission d'historiens français et algériens. La majorité d'entre eux ont appartenu à l'émir Abdlekader, une figure historique, incontournable, enseignée en Algérie au même titre que la guerre d'indépendance (1954-1962).
Le président Emmanuel Macron et le président algérien Abdelmajid Tebboune lors d'un point presse à Alge rle 25 août 2022.
C'est une liste qui n'est peut-être pas encore définitive mais elle est déjà exhaustive. Lundi 27 mai, la commission, qui réunit des historiens français et algériens, s’est réunie pour la cinquième fois. Alger a présenté "une liste ouverte de biens historiques et symboliques de l'Algérie du XIXe siècle, conservés dans différentes institutions françaises, proposés à la restitution". Plus d'une centaine d'objets, de manuscrits et de textes sont répertoriés.
Les historiens français se sont engagés à "transmettre au président Emmanuel Macron la liste transmise par la partie algérienne, afin que les biens, qui peuvent retrouver leur terre d'origine, puissent l'être le plus rapidement possible".
Une commission mixte, forte de dix historiens, a été mise en place en août 2022, par les présidents français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune. Elle doit travailler sur la période allant du début de la colonisation française (1830) jusqu'à la fin de la guerre d'indépendance (1962).
La liste contient majoritairement des biens de l'émir Abdelkader, héros de la résistance algérienne. Alger réclame par exemple : la tente de commandement, le sabre, le fusil, le pistolet, la bague, le Coran, le chapelet. Ces objets se répartissent entre le Musée de l'Armée aux Invalides et le Musée de Condé à Chantilly. Le château de Chantilly était la propriété Henri d'Orléans, duc d'Aumale, fils du roi Louis-Philippe. En qualité de Général, il a participé à la période de la conquête de l'Algérie.
Le Musée de l'armée et le Musée de Condé à Chantilly mais également le Mucem de Marseille possèdent également des armes et des objets pris à la 'smala' de l’émir Abdelkader. La smala était l'ensemble de la Maison de l'émir avec sa famille, ses serviteurs et ses hommes armés, réunis dans un campement. En 1843, le duc d'Aumale s'empare de la 'smala'. Des pistolets, des fusils et des étendards sont exposés dans ces trois musées français.
Les demandes d'Alger concernent également des traités et des ouvrages. Ces textes participent à l'histoire de la résistance algériennes face aux forces françaises lors de la période de la conquête de l'Algérie ( 1830-1847). Le gouvernement algérien demande les livres de compte et l'inventaire de l'armée de l'émir Abdelkader, le règlement imposé à ses troupes, un traité sur le djihad, le traité de la Tafna de 1837, un premier traité signé entre l'émir et les Français.
Portrait de l'émir Abdelkader en 1865.
Ces ouvrages se trouvent au Musée de Condé de Chantilly mais également au Service historique des armées de Vincennes ou à la Bibliothèque nationale de France.
Alger réclame également des manuscrits à des établissement universitaires français. L'INALCO (Les Langues Orientales de Paris) possède les manuscrits du cheikh Aheddad (1790-1873) grande figure de la résistance algérienne. L'Algérie demande en outre la restitution de ces manuscrits.
Des pièces d'artilleries prises par l'armée française lors de la conquête trônent sur des places publiques ou sur des quais de ports en France. C'est le cas du canon de Baba Merzoug. Trophée de guerre après la prise d’Alger en 1830, ce canon d’une portée exceptionnelle appartient à l’arsenal de Brest. Benjamin Stora, auteur d’un rapport remis à Emmanuel Macron en janvier 2021 proposait déjà sa restitution à l'Algérie.
La Consulaire, aussi appelé Baba Merzoug (en arabe « Père chanceux » ), est le surnom d'un canon pris à Alger en 1830 érigé en colonne et installé depuis 1833 dans le port militaire de Brest, en France.
En France, un collectif, dont Benjamin Stora et Lilian Thuram sont membres, demande la restitution à la France des étendards des résistants et la clé de la ville algérienne dont l’armée coloniale française massacra plus des deux tiers des habitants, en 1852. L'Algérie exige également la restitution de ces symboles de la ville martyr. Ils sont actuellement au Musée de l'armée et au Musée de l'Empéri à Salon de Provence.
La clé d'une porte de Laghouat exposée au musée de l'Empéri à Salon de Provence.
Alger attend la restitution de ces biens avant la visite du président Tebboune prévue en France en septembre. Mais la mise en place de ces restitutions s'annonce compliquée juridiquement. En France, les biens des musées nationaux font partie de collections inaliénables et imprescriptibles. Le musée Condé à Chantilly a été léguée par le duc d'Aumale, l'un des hommes en charge de la conquête de l'Algérie, à l'institut de France. Mais celui-ci en échange du leg s'est engagé à ce qu'aucune pièce ne sorte des collections du château.
Quelle solution juridique ? Une loi autorisant la restitution de bien culturels pourrait voir le jour à l'automne. La ministre française de la culture, Rachida Dati, y est favorable. Une solution trop tardive pour Alger ? L'historien français Benjamin Stora propose de mettre en place des prêts de longue durée entre Alger et Paris.