Fil d'Ariane
L'accord franco-algérien de 1968 sur l'immigration, qui confère un statut particulier aux Algériens dont il régit les conditions de circulation, de séjour et d'emploi en France, est remis en cause par plusieurs responsables politiques français. Ils jugent cette exception anachronique. L'Assemblée nationale française doit examiner ce 7 décembre un texte du groupe LR qui dénonce cet accord. Retour sur le contenu de cet accord.
Abdelaziz Bouteflika, alors ministre des Affaires étrangères de l'Algérie, en visite au palais de l'Élysée le 25 juillet 1968.
Il s'agit d'un accord bilatéral entre la France et l'Algérie signé le 27 décembre 1968, qui crée un statut particulier pour les ressortissants algériens en matière de circulation, de séjour et d'emploi en France.
Le texte, qui relève du droit international et prime donc sur le droit français, écarte les Algériens du droit commun en matière d'immigration.
Les Algériens n'ont, depuis, pas de carte de séjour en France mais des "certificats de résidence pour Algérien", dont 600.000 ont été délivrés en 2022, selon la statistique publique.
Signé six ans après la fin de la guerre d'Algérie (1954-1962), l'accord intervient à un moment où la France a besoin de bras pour soutenir son économie.
Décret d'application de l'accord du 18 mars 1969.
Dans le décret d'application du 18 mars 1969, la démarche est justifiée par "la nécessité de maintenir un courant régulier de travailleurs", passant notamment à l'époque par l'Office national de la main d'oeuvre, et qui "tienne compte du volume de l'immigration traditionnelle algérienne en France".
Les Algériens restent aujourd'hui les premiers ressortissants étrangers, en nombre.
L'accord crée un régime d'immigration largement favorable pour les Algériens. Leur entrée est facilitée (sans qu'ils n'aient besoin de visa de long séjour), ils peuvent s'établir librement pour exercer une activité de commerçant ou une profession indépendante et ils accèdent plus rapidement que les ressortissants d'autres pays à la délivrance d'un titre de séjour de 10 ans.
Dans le cadre d'un regroupement familial, les membres de la famille reçoivent également un certificat de résidence de 10 ans dès leur arrivée si la personne qu'ils rejoignent possède ce titre.
Les Algériens peuvent aussi solliciter un certificat de 10 ans après trois ans de séjour, contre cinq pour les autres nationalités.
En revanche, puisque leur statut est régi par ce seul accord, ils ne peuvent pas prétendre aux autres titres de séjour créés récemment, notamment les titres en matière d'immigration professionnelle comme le "passeport talent" ou encore la carte "étudiant programme de mobilité".
Les étudiants algériens, eux, y perdent: ils ne peuvent pas travailler, pour un job étudiant par exemple, sans solliciter une autorisation provisoire et cet emploi ne peut excéder 50% de la durée annuelle de travail pratiquée dans la branche concernée (contre 60% pour les autres nationalités).
L'accord a fait l'objet de trois révisions, en 1985, 1994 et 2001, qui ont débouché sur trois avenants, mais les grands principes du texte ont été maintenus, en particulier le régime dérogatoire au droit commun.
D'ailleurs, dans son projet de loi sur l'immigration - depuis reporté - l'actuel gouvernement a souligné que les dispositions ne concernent pas les "ressortissants algériens qui sont exclusivement régis par l'accord franco-algérien".
C'est l'ancien Premier ministre d'Emmanuel Macron, Edouard Philippe, qui a relancé lundi le débat autour de cet accord.
"Bien entendu, il y a des relations historiques extrêmement puissantes entre la France et l'Algérie, mais le maintien aujourd'hui d'un tel dispositif avec un pays avec lequel nous entretenons des relations compliquées ne me paraît plus justifié", a-t-il déclaré.
"Cinquante-cinq ans après, les conditions ont changé. Je pense que ce traité, il faut le réexaminer", a appuyé mercredi le président LR du Sénat Gérard Larcher, estimant qu'il introduit une "discrimination" entre l'Algérie et les autres pays d'immigration.
En mai, le think-tank classé à droite Fondapol avait déjà dénoncé dans une étude l'"anomalie" de cet accord. Ce dernier empêche la France "d'agir significativement sur les flux en provenance de l'Algérie", a estimé la Fondapol.
"La situation de la France est d'autant plus défavorisée que l'Algérie ne remplit pas ses obligations, notamment en ce qui concerne la délivrance des laissez-passer consulaires" qui permettent de réaliser les expulsions, a-t-elle ajouté, avant de conclure: "Il apparaît donc qu'aucune politique migratoire cohérente ne soit possible sans la dénonciation de l'accord franco-algérien", qui n'avait pas agité le débat public depuis une décennie.