Qu'est-ce que Yennayer, le Nouvel An amazigh ?

Les points de vue des historiens et spécialistes de l’Afrique du Nord divergent sur ses origines et sa signification. Pourtant, le Nouvel An Amazigh, Yennayer, est célébré par la population autochtone du nord de l’Afrique et par ses diasporas chaque année. Longtemps oubliée, cette fête est aujourd'hui réappropriée par le peuple amazigh, partout dans le monde. Mais, qu'est ce que Yennayer ? 

Image
Des gens marchent dans une rue décorée de Sahel, un village proche de Tiizi Ouzou, à l'est d'Alger, avant les célébrations marquant le Yennayer, ou Nouvel An amazigh, le premier mois de l'année berbère, samedi 11 janvier 2020.

Des gens marchent dans une rue décorée de Sahel, un village proche de Tiizi Ouzou, à l'est d'Alger, avant les célébrations marquant le Yennayer, ou Nouvel An amazigh, le premier mois de l'année berbère, samedi 11 janvier 2020.

(Photo AP/Fateh Guidoum)
Partager2 minutes de lecture

Le mot Yennayer serait composé de deux mots berbères : yan, qui signifie "le premier", et ayyur, qui signifie "mois". "Yennayer", signifiant donc le premier mois.

Il est célébré entre le 12 et le 14 janvier dans les pays à forte identité amazigh. En Algérie, le 12 janvier est un jour férié chômé depuis 2018. En 2024, il sera pour la première fois jour férié national au Maroc, ce dimanche 14 janvier, suite à une décision royale prise en mai dernier. 

Yennayer correspond au premier jour du calendrier agraire utilisé par les Imazighen (pluriel de amazigh, ndlr) depuis plusieurs siècles et fait également référence au début du calendrier julien utilisé dans la Rome antique. Il est décalé de treize jours par rapport au calendrier grégorien.

D'où vient le peuple amazigh ?

Peuple autochtone du nord de l’Afrique, les Imazighen ont vécu différentes vagues d'invasion dans la région, notamment l'arabisation et l'islamisation. On les retrouve au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Libye, en Égypte, mais aussi au Mali, en Mauritanie, au Niger, aux Îles Canaries et même au Burkina Faso. Le mot utilisé pour appeler la terre amazighe est “Tamazgha”. Les différentes langues amazighes tentent de survivre mais parfois ces populations ne les parlent plus. 

La population amazighe va donc passer le cap de l’année 2974. Ce calendrier communément reconnu aujourd’hui a une origine parfois contestée. 

Travaux de l'académie berbère

L'académie berbère (Agraw Imazighen), une association d’intellectuels et de militants kabyles, est créée dans les années 60 à Paris et luttant contre un effacement de l’identité amazighe en Afrique du Nord, dans un contexte post-indépendance et panarabiste.

C’est cette association qui va concevoir certains symboles de cette identité amazighe, aujourd’hui repris par tous, comme notamment le drapeau en 1972.

Reprenant ainsi les coutumes ancestrales de Yennayer, l’académie berbère a décrété cette date comme le “nouvel an amazigh”. Dans cette démarche, un calendrier est décidé. C’est Ammar Negadi, membre de cette association, qui en 1982, met en avant ce calendrier, fondé sur un événement historique marquant dans l’histoire du peuple amazigh. Il s’agit de l’intronisation du roi amazigh Sheshonq 1er (originaire de l'actuelle Libye), à la tête de la 22e dynastie qu’il avait lui-même fondée, en tant que Pharaon d’Égypte (950 avant JC).

Célébrations

Les populations imazighen, elles, célèbrent plutôt un renouveau agraire lors de Yennayer, lié à un quotidien agricole. Lors de cette fête passée en famille, le dîner de la veille de Yennayer “Imensi n Yennayer”, est un moment central.  

“Les festivités prennent plusieurs formes : porter des habits et des bijoux traditionnels amazighs. Des mets particuliers sont préparés, les vœux sont présentés et échangés, des chants et des musiques sont produits à cette occasion", explique la professeure de sociologie à l'université Hassan II de Casablanca, au Maroc, Fadma Aït Mous.

En fonction des régions, les plats préparés peuvent varier mais les bases sont souvent les mêmes : plats de semoule d’orge ou de blé, fruits secs ou légumineuses, huile d’olive ou d’argan, miel ; le tout, très souvent servi dans un grand plat collectif, comme le veut la tradition. Des fruits et des friandises sont aussi au menu.

Il est également d’usage de très bien manger ce jour-là, afin d’être rassasié tout au long de l’année qui commence, symbole de richesse, fertilité et abondance.

Les maisons sont méticuleusement nettoyées avant ce repas. Des herbes et branches d’arbres sont brûlées pour embaumer les habitats et les assainir. L’idée étant de chasser ce qui peut être négatif afin de commencer un nouveau cycle, une nouvelle saison, sous de bons augures. 

La musique et la danse sont aussi au rendez-vous des célébrations. 

Cette célébration symbolise également la longévité, notamment dans le cadre familial. On peut alors pratiquer certains rituels bien spécifiques comme la première coupe de cheveux pour les petits garçons, ou encore le mariage.