Fil d'Ariane
Il aime le pouvoir et n'a pas hésité à jeter ses opposants en prison ou modifier la Constitution pour le garder. Le chef d’État comorien, Azali Assoumani, brigue un troisième mandat consécutif dimanche 14 janvier à la tête du petit archipel de l'océan Indien. Portrait d'un militaire, auteur d'un coup d'État au début de sa carrière politique et qui aime pourtant se présenter comme un "démocrate".
Image du président des Comores, Azali Assoumani à Kiev, le 26 juin 2023 lors d'une conférence de presse conjointe avec le président ukrainien Volodomyr Zelensky.
Cet ancien colonel 65 ans, qui a pris l'an dernier la présidence tournante de l'Union Africaine (UA), était chef d'état-major de l'armée lorsqu'il a conquis le pouvoir en 1999 lors d'un des coups d’État qui ont secoué le pays depuis son indépendance de la France en 1975.
Se présentant comme un "profond démocrate", l'homme à la silhouette ronde explique à l'époque n'avoir fait cela que pour éviter une guerre civile, en pleine crise séparatiste avec l'une des îles de l'archipel. Mais il y prend goût, et se présente à la présidentielle de 2002.
Élu, il ne rendra les clés du pays aux civils qu'en 2006 et à contrecœur, en vertu d'une Constitution qui établit une présidence tournante entre les trois îles de l'Union (Grande-Comore où il est né, Anjouan et Mohéli) pour éviter les tensions séparatistes.
Il se retire alors sur ses terres et devient agriculteur. Mais loin du pouvoir, il s'ennuie et se considère "au chômage".
En 2016, l'appel est trop fort et Azali Assoumani se représente à la fonction suprême. Défiant les pronostics, il remporte un scrutin chaotique et contesté. Quitter le pouvoir "a été une erreur" qu'il ne répètera pas, a-t-il un jour confié à un diplomate en poste dans la capitale Moroni.
De retour au palais présidentiel de Beit-Salam, il élimine en quelques mois les obstacles: dissolution de la Cour constitutionnelle, modification en 2018 de la Constitution pour étendre d'un à deux mandats la durée de la présidence tournante, et élection anticipée en 2019.
Ses opposants dénoncent en vain une dérive autoritaire, en plus de la corruption et de son incapacité à sortir le pays de la pauvreté et empêcher l'émigration des jeunes.
S'il est réélu dimanche, Azali Assoumani, règnera jusqu'en 2029. Face à une opposition divisée, son camp espère une franche victoire. Le président sortant, qui bute souvent sur les mots lorsqu'il s'exprime en public, a appelé la semaine dernière à voter pour lui "dès le premier tour".
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Sur sa route pour conserver le pouvoir, il a aussi fait arrêter ses principaux opposants, dont l'ancien président Ahmed Abdallah Sambi.
En détention préventive pendant plus de quatre ans, Ahmed Abdallah Sambi a finalement été condamné fin 2022 à la prison à vie pour haute trahison, au terme d'un procès dénoncé comme inéquitable.
L'arrivée d'Azali Assoumani à la tête de l'Union africaine a suscité des critiques. C'est "un échec" pour le continent, a estimé auprès de l'AFP Mahamoudou Ahamada, avocat et candidat à la présidentielle de 2019.
"Seuls les dictateurs africains insoucieux de leurs populations respectives peuvent être enchantés de cette nomination".
Ses soutiens, au contraire, y ont vu une opportunité d'amener les Comores sur le devant de la scène. Pour le conseiller diplomatique à la présidence, Hamada Madi, la nomination d'"Azali" a été le résultat de sa "persévérance" et voir "l'Union des Comores sur le toit de l'Afrique est tout simplement magnifique".
Né le 1er janvier 1959, Azali Assoumani a été formé à l'Académie royale militaire marocaine de Meknès (1978-1981) et à l’École de guerre de Paris (1985-1986).
Ses détracteurs aiment rappeler un épisode peu glorieux de sa carrière militaire. En 1995, retranché à la radio nationale assiégée par les mercenaires du Français Bob Denard, il a abandonné ses hommes en plein combat: "Tenez-bon, je vais chercher des renforts", aurait-il promis avant de courir se réfugier à l'ambassade de France à Moroni.
Le colonel marié et père de quatre enfants s'est autoproclamé imam après 2016. Selon ses proches au pouvoir, "il est convaincu que ce qui lui arrive est d'ordre divin".