Fil d'Ariane
Amara Bathily, fait partie de ces jeunes de Bamako venu rencontrer à tout pris le chef du gouvernement, non loin de l'aéroport. "Nous sommes venus afficher notre soutien. Le peuple est avec Choguel Maïga", lance t-il au micro de l'AFP.
L'accueil est en effet triomphal, ce 28 septembre. Le convoi de Choguel Maïga a dû fendre la foule nombreuse pour trouver son chemin. Celle-ci était venue en nombre afficher son soutien au chef du gouvernement de transition au son des vuvuzelas et des klaxons de motos. Sur de larges banderoles, le long du trajet, on pouvait lire des slogans tels que "Le Mali s'assume" ou "Le Peuple vous accompagne".
La popularité du chef du gouvernement de transition est au beau fixe depuis son discours tenu à l'Assemblée générale de l'ONU. Le Premier ministre malien du gouvernement de transition n’avait pas mâché ses mots. Il avait accusé la France d’avoir "abandonné en plein vol" le Mali en décidant de retirer la force Barkhane. Il n'avait pas exclu l'idée de recourir à "d'autres partenaires" pour assurer la sécurité de son pays notamment dans le nord du Mali autour de la ville de Kidal.
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Des négociations entre Bamako et le groupe de sécurité privée russe Wagner, jugé proche du Kremlin, ont actuellement lieu. Plusieurs centaines de mercenaires russes pourraient débarquer au Mali. Le chef du gouvernement malien ne s'attendait peut-être pas à un tel acceuil. L'homme, notamment lors de sa nomination au poste de chef de gouvernement le 7 juin dernier, par la junte dirigée par le colonel Assimi Goïta, était surtout perçu comme un vieux routier de la vie politique.
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L'homme de 63 ans du haut de ses trente ans de carrière politique a été de nombreuses fois ministres dans des régimes différents. Il a été un ancien partisan du dictateur Moussa Traoré (1968-1991). Il est devenu ministre du président Keïta, élu démocratiquement (2013-2020) avant d'en devenir son détracteur le plus acharné. L'homme est "un animal politique", écrit lors de sa nomination au poste de Premier ministre, le rédacteur en chef du site d'information malien Benbere, Bokar Sangaré.
Choguel Maïga est né en 1958 à Tabango dans la région de Gao. Le Mali envoie dans les années 1970-1980 une partie de ses brillants éleves du pays part faire leurs études dans ce qui était encore l'Union soviétique. Maîtrisant le russe, il devient étudiant à l'Institut de télécommunications de Moscou. Il en sort avec un diplôme d'ingénieur en télécommunication et gardera un souvenir ému de sa période soviétique.
Il rentre à Bamako à la fin des années 1980 où il soutient une thèse sur le désenclavement du nord du Mali en matière de télécommunications. Il occupe divers postes à la Société des télécommunications du Mali et affiche son soutien au dictateur Moussa Traoré (1968-1991). Il devient membre de l'Union nationale des jeunes du Mali, organisme d'encradrement de la jeunesse du régime. Il ne reniera pas cet engagement auprès de Moussa Traoré lors de la chute de ce dernier en 1991.
Il rallie ensuite Amadou Toumani Touré (ATT). "ATT" est élu démocratiquement en 2002. Choguel Maïga sera le ministre de l'Industrie et du Commerce du président. Amadou Toumani Touré est renversé par un coup militaire en 2012. En 2015 Choguel Maïga se rapproche d'un autre président élu également démocratiquement, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Ce dernier lui confie le portefeuille de l'Économie numérique, de l’Information et de la Communication.
Choguel Maïga aura été de toutes les luttes de pouvoir, souvent à la marge. Il multiplie les candidatures à l'élection présidentielle de 2002, 2013 et 2018. Son score ne dépasse pas les 2 à 3% des voix à chaque scrutin mais il sait se rendre indispensable. Véritable "animal politique", capable de sentir l'opinon, il rompt avec Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), devenu de plus en plus impopulaire.
Il rejoint le Mouvement du 5-Juin/Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), coalition hétéroclite d'opposants politiques, de chefs religieux et de membres de la société civile à la présidence d'IBK. Ibrahim Boubacar Keïta est renversé par un coup d'Etat militaire, dirigé par le colonel Asimi Goita le 18 août 2020.
Dans un premier temps, la junte militaire ignore le M5-RFP et Choguel Maïga. Ce dernier lance ses flèches contre le pouvoir militaire. Le colonel Asimi Goïta écarte finalement le premier président de transition Bah N'Daw le 24 mai 2021. Le colonel devient le président de transition. Il doit associer à son pouvoir un civil face aux pressions notamment de la Cédéao. Il promet alors de mettre au poste de chef du gouvernement une figure du mouvement M5-RFP. Choguel Maïga est cette figure. Ce dernier est finalement nommé chef du gouvernement de transition par le colonel Goïta et son groupe d'officiers, ce 7 juin 2021.
Ministre dans des régimes démocratique, chef de gouvernement d'une junte militaire, ces détracteurs estiment que Choguel Maïga est avant tout un "opportuniste" sans "véritable identité politique".
Lire : Paris juge "inacceptables" les propos du ministre malien sur un "abandon" de la France au Mali
En trente ans de carrière politique, l'homme a bien le cuir épais. C'est un habitué des attaques politiques, capable de temporiser avant de contre-attaquer. Le chef du gouvernement, dès son arrivée à Bamako a été interrogé sur les propos de la ministre des Armées, Florence Parly. Celle-ci estimait que les propos à l'ONU de Choguel Maïga consistaient à "s'essuyer sur le sang des soldats français tués au Mali". L'homme n'a pas souhaité repondre, "pour l'instant".