Qui est Jean-Marie Bockel, le nouvel "envoyé personnel" du président français pour l’Afrique ?

Mali, Niger, Burkina Faso : Alors que plusieurs pays africains tournent ostensiblement le dos à la France, le président français Emmanuel Macron tente de redéfinir la présence française sur le continent. Il vient, pour ce faire, de nommer l’ancien ministre Jean-Marie Bockel au poste d’”envoyé personnel”

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JM Bockel et E Macron

Emmanuel Macron Jean-Marie Bockel, le 19 mars 2022 lors des célébrations du 60e anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie.

Gonzalo Fuentes/Pool via AP
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Un pourfendeur de la "Françafrique". L'ex-ministre Jean-Marie Bockel, a été chargé par le président français de discuter avec les pays partenaires africains des nouvelles formes de la présence militaire française sur leur sol, que Paris compte nettement réduire. L'ancien secrétaire d'Etat à la Coopération du président Nicolas Sarkozy a été nommé "envoyé personnel" d'Emmanuel Macron en Afrique.  
Selon l’Agence France-Presse, il aura pour tâche d'"expliquer" aux quatre pays accueillant des bases françaises (Sénégal, Côte d'Ivoire, Gabon et Tchad) "les raisons et les modalités de ces adaptations" prochaines du dispositif diplomatico-militaire français, "tout en étant à l'écoute de leurs besoins" en matière de formation, de coopération et d'équipement, écrit le chef de l'Etat dans sa lettre de mission. Jean-Marie Bockel devra rendre à l'Elysée ses recommandations en juillet.

Après une série de coups d'Etat au Mali, au Burkina Faso puis au Niger, les juntes militaires qui ont pris le pouvoir dans ces pays ont poussé dehors l'armée française, marquant la fin d'une ère après une décennie d'intervention antijihadiste pour tenter d'enrayer la spirale de violences dans cette région déshéritée.  
La France compte aujourd’hui réduire nettement ses effectifs militaires, sauf à Djibouti, au profit d'une présence plus discrète. 

"Acte de décès de la Françafrique"

L’homme choisi par Emmanuel Macron pour porter sa parole sur le continent africain avait été, en 2008, au centre d’un épisode rocambolesque qui éclaire peut-être ce choix. 

Issu du centre-gauche, maire de Mulhouse (Est) pendant deux décennies, il rallie Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle de 2007. 
Alors secrétaire d’Etat français à la coopération, Jean-Marie Bockel, dans ses voeux début 2008, appelle le président Nicolas Sarkozy à concrétiser ses promesses de "rupture" dans les relations franco-africaines en défendant la nécessité de signer "l'acte de décès de la Françafrique".

"Je veux tourner la page de pratiques d'un autre temps, d'un mode de relations ambigu et complaisant, dont certains, ici comme là-bas, tirent avantage, au détriment de l'intérêt général et du développement", poursuit-il avant de regretter que “la rupture annoncée à Cotonou tarde à venir”. Un an et demi plus tôt, Nicolas Sarkozy en déplacement dans la capitale économique béninoise alors qu’il n’était pas encore président, avait promis "une relation nouvelle, équilibrée, débarrassée des scories du passé" entre la France et l'Afrique.  

Je veux tourner la page de pratiques d'un autre temps, d'un mode de relations ambigu et complaisant. Jean-Marie Bockel, janvier 2008

La sortie du secrétaire d'État provoque la colère de Libreville ! Quelques heures après le discours, le Gabon, dirigé alors par l'indéboulonnable Omar Bongo Ondimba fait savoir qu'il juge "inacceptables" ces propos. "De tels propos ne peuvent être mus que par l'ignorance des réalités de la coopération franco-africaine", note sèchement un communiqué du Conseil des ministres. Le communiqué affirme sa "surprise" que "soient véhiculés à un tel niveau de responsabilité des clichés méprisants faisant des Etats africains de vulgaires mendiants sollicitant sans fin l'aumône de la France".

À l'origine du courroux gabonais, une allusion par le ministre français à la "rente pétrolière" de certains Etats africains "qu'ils ne consacrent pas aux investissements qu'ils nous demandent de financer". "Cette attitude (est) d'autant plus inacceptable quand on sait les avantages que tirent la France et les autres Etats occidentaux de leurs rapports économiques depuis toujours, avantages mutuels par ailleurs", réagit Libreville.

Quelques mois plus tard, en mars 2008, à l'occasion d'un remaniement ministériel, Jean-Marie Bockel perdra son portefeuille de la coopération et héritera des anciens combattants. "Pour nous, c'est un signe intéressant", se réjouira laconiquement le porte-parole du gouvernement gabonais.

Quittant définitivement le gouvernement en 2010, Jean-Marie Bockel deviendra sénateur du Haut-Rhin, sa région, dans l'Est de la France. Son nom reviendra tragiquement dans l'actualité africaine en 2019. Le 25 novembre, cette année-là, son plus jeune fils, Pierre-Emmanuel Bockel, lieutenant au 5e régiment d'hélicoptères de combat de Pau, meurt dans la collision de deux appareils alors qu'il est en mission au Mali dans le cadre de l'opération Barkhane. Treize soldats français avaient trouvé la mort ce jour-là.

En mars 2022, il prendra la présidence de la commission chargée de "la reconnaissance" et "des réparations" des harkis, ces musulmans ayant servi comme auxiliaires civils de l'armée française durant la guerre d'Algérie (1954-1962).