Qui est Sultan Al Jaber, le méthodique businessman aux commandes de la COP 28 ?

Le président de la COP28 qui s'ouvre jeudi 30 novembre à Dubaï, Sultan Al Jaber, dit tomber des nues quand il entend des écologistes l'accuser de duplicité sur le climat.

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SULTAN AL JABER

Sultan Al Jaber, président de la COP 28 à Dubai le 30 septembre 2023.

AP Photo/Kamran Jebreil
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En public, la parole de cet homme de haute taille âgé de 50 ans, qui cumule les fonctions de patron de la compagnie pétrolière émiratie Adnoc, de ministre de l'Industrie et des Technologies avancées des Emirats arabes unis, d'émissaire pour le climat et de président de la 28e conférence de l'ONU sur le climat (COP28), est prudente, presque monotone.

Les gens qui m'accusent de conflit d'intérêt ne connaissent pas mon parcours

Sultan Al Jaber, président de la COP 28

En privé, l'homme se détend, sourit, vante les attraits de son pays, son débit se libère... Et il laisse paraître sa frustration face aux accusations selon lesquelles il serait le cheval de Troie du pétrole à la COP.

"Les gens qui m'accusent de conflit d'intérêt ne connaissent pas mon parcours", a-t-il dit à l'AFP en juillet, lors d'un rare entretien. "J'ai passé la majorité de ma carrière dans le développement durable, la gestion de projets et les énergies renouvelables."

Une défense mise à mal par la publication lundi par la BBC de briefings internes obtenus par le Centre for Climate Reporting (CCR), qui indiquent un mélange des genres entre des sujets COP et des discussions d'opportunités pétrolières dans des réunions avec des gouvernements; l'équipe COP28 a fait valoir que "les réunions privées (étaient) privées".

Lire : COP 28, retour sur les COP les plus marquantes

Son expérience est certes différente de celles de ses prédécesseurs (en général ministres) et de ses homologues pétroliers. Il a représenté les Emirats arabes unis à plusieurs COP.

En 2006, il a fondé la société nationale d'énergies renouvelables Masdar, devenue un géant, et dont il préside toujours le conseil d'administration. En 2016, il a été nommé directeur général d'Adnoc, avec comme mandat de "décarboner" l'entreprise et de "la préparer pour l'avenir", selon lui.

Etre un homme du gaz et du pétrole est son défaut, disent les centaines d'ONG et de parlementaires américains et européens qui ont appelé à sa démission d'Adnoc ou de la COP28.

"Al Jaber a clairement indiqué que l'industrie pétrogazière aurait une place de choix à la COP", a souligné auprès de l'AFP le sénateur américain démocrate Sheldon Whitehouse.

Mais son appartenance au monde des hydrocarbures est aussi son avantage, tempère un négociateur européen, puisque tout consensus devra réunir près de 200 pays, dont ceux du Golfe.

Son profil détonne en tout cas. Sultan Al Jaber doit sa médiatisation, sans commune mesure avec celle de certains de ses ternes prédécesseurs, à son rôle pétrolier.

Très conscient que son image et la réussite éventuelle de la COP28 concernent celles des Emirats, il a embauché une équipe rodée de professionnels de la communication, pour la plupart anglo-saxons.

"Toute ma vie s'organise autour d'indicateurs clés de performance, c'est comme cela que je gère des entreprises", insiste-t-il. "Pragmatique" et "réaliste", il est là pour "délivrer" des résultats "réels", tout pour "garder l'objectif de 1,5°C (de réchauffement) à portée de main".

Tournant estival

Étonnamment, il a réussi au fil des mois à séduire une partie des sceptiques."Il est très direct, à l'écoute", confie Harjeet Singh, vétéran des COP qui parle au nom de l'incontournable Climate Action Network (un réseau de 1.900 organisations), et est bien conscient de complimenter un dirigeant pétrolier.

Une réduction des énergies fossiles "inévitable"

Les deux hommes se sont rencontrés, leurs équipes se parlent chaque mois. Harjeet Singh a vu son discours évoluer.

Un premier tournant s'est produit à Bonn, en juin, lorsque Sultan Al Jaber a qualifié la réduction des énergies fossiles d'"inévitable". Une rupture sémantique que le petit monde des COP n'attendait pas de la part d'un responsable du Golfe.

Puis sa "lettre aux parties" en juillet a détaillé sa position sur les fossiles, les renouvelables, la finance... Désamorçant les critiques de ceux qui l'accusaient de cacher son jeu.

"Il est très ferme, mais on est d'accord sur nos désaccords", poursuit Harjeet Singh.

Celui-ci reste consterné de la place donnée aux lobbyistes des énergies fossiles à la COP28, et déplore l'adoubement à venir des technologies de captage du carbone, très promu par l'industrie.

La méthode Al Jaber


"Il écoute toutes les parties, il écoute également la société civile, et le volet nouveau, c'est la place des jeunes dans le processus de décision", note la Sénégalaise Madeleine Diouf Sarr, présidente du groupe des Pays les moins avancés, 46 pays représentés dans le processus COP.

Son prédécesseur de la COP21, Laurent Fabius, parle d'un "homme qui travaille, qui connaît très bien ses dossiers".

Mais Dr. Sultan, comme ses équipes l'appellent, aura-t-il la poigne et le doigté pour faire adopter un texte à la fois ambitieux et acceptable par les près de 200 Etats participant à la COP28?

"Il est beaucoup moins volontariste que ne l'étaient les Britanniques, lors de la COP26", regrette le négociateur européen, qui trouve la présidence émiratie "un peu en retrait" pour négocier le texte final.

Sultan Al Jaber rappelle opportunément qu'il ne décidera rien... Mais l'histoire montre que les présidents de COP peuvent catalyser des accords. Vérification sera faite le 12 décembre, date théorique de la fin de la COP28, si son méthodique président parvient à clore les débats à l'heure.

 

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