Fil d'Ariane
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Le temps semble ne pas avoir d’emprise sur elle ; crinière blonde et sourire toujours aussi enjôleur, Aurore Vinot arbore une allure juvénile à faire pâlir d’envie bien des jeunes femmes. Cette belle et talentueuse photographe indépendante parcourt le monde au gré de ses projets.
Notre première rencontre date de 2013. Elle venait de finir le projet Makeda : une série sur la mixité dans les relations sentimentales. Aujourd’hui, elle nous revient avec Vagando Maputo, un film documentaire qu’elle a écrit, réalisé et produit, afin de nous faire partager, à travers une quinzaine de portraits d’artistes mozambicains, l’amour qu’elle a pour ce pays qu’elle a découvert à l’âge de dix-huit ans.
L’histoire visuelle de ce pays – le Mozambique –, elle unique, elle est impressionnante.
Aurore Vinot, photographe et réalisatrice française.
C’est en effet grâce à un couple d’amis fraîchement installés au Mozambique, qu’Aurore Vinot découvre ce pays lusophone d’Afrique australe. Ancienne colonie portugaise, le pays a arraché son indépendance en 1975, après une guerre civile meurtrière et cinq siècles de domination ininterrompue.
Et à l’époque, l’un des premiers ministères à être mis sur pied par feu le président Samora Machel, fut alors le ministère de l’image. «L’histoire visuelle de ce pays, souligne Aurore Vinot, elle est unique, elle est impressionnante. Et je suis bouleversée par les images qui ont été produites, et que je découvrais. A ce moment-là, je ne savais pas encore que je voulais être photographe. »
Depuis, Aurore Vinot est devenue non seulement photographe, mais aussi réalisatrice. Et après avoir sillonné le Mozambique pendant plus d’une décennie, elle a décidé, caméra au poing, de « prendre le pouls des vibrations artistiques contemporaines de Maputo », la capitale du pays.
Dès les premières minutes du film, qui dure un peu plus d’une heure, on découvre Mario Macilau, un jeune photographe qui nous entraîne dans les bas-fonds de Maputo, là où vit une majorité de Mozambicains. «Quand on parle de ce genre d’endroits, précise-t-il, on évoque d’abord la pauvreté. Ce n’est pas de la pauvreté. C’est la façon dont les gens construisent leur maison, la façon dont les gens trouvent un moyen d’exister. Cette façon de vivre devient plus importante que n’importe quelle chose pour eux […] Donc je pense qu’il faut montrer du respect à nos origines, à notre culture profonde. »
Malgré les difficultés économiques, le visage de Maputo change tous les jours de façon radicale. Après les années de marxisme-léninisme qui succédèrent à l’indépendance, le capitalisme a gagné tous les secteurs de la société. Désormais, comme sur le reste du continent, la compétition est partout, et la quête du pouvoir effrénée. Conséquence : les inégalités se creusent et la pauvreté devient structurelle.
Dans ce contexte, les ghettos des grandes villes apparaissent comme des ilots préservés de cette prédation sans états d’âme. Le pays est loin de la culture populaire au service de la communauté que prônait jadis feu le président Samora Machel. « La culture est un soleil qui ne se couche jamais », disait-il alors. Et ce n’était pas qu’un slogan.
L’Institut National du Cinéma, l’un des meilleurs établissements de ce type sur le continent, fut aussi la première institution culturelle créée juste après l’indépendance. Une raison à cela : durant toute la période de la lutte armée, entre le milieu des années soixante et le milieu des années soixante-dix, le FRELIMO – Front de Libération du Mozambique – s’est servi du cinéma pour forger une identité nationale.
L’image était le moyen le plus fort d’agir dans le pays du point de vue culturel et politique.
Licinio Azevedo, réalisateur mozambicain.
Nombre de cinéastes européens ou encore cubains sont passés dans cet institut. C’est notamment le cas de Jean Rouch, qui a séjourné à Maputo en 1977. Et comme le souligne le réalisateur Licinio Azevedo dans le film : « Le Mozambique est un pays avec une trentaine de langues différentes et près de 97% d’analphabétisme ; l’image était le moyen le plus fort d’agir dans le pays du point de vue culturel et politique, afin de consolider l’indépendance. »
Autre spécificité mozambicaine, hélas méconnue, l’existence aujourd’hui encore à Maputo, du Centre de documentation et de formation photographique. Cet établissement, qui reste l’un des meilleurs sur le continent, a notamment été dirigé par feu le célèbre photojournaliste mozambicain Ricardo Angel.
Décédé en 2009, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans, Ricardo Angel a utilisé la photographie pour dénoncer la colonisation. Fondateur de l’école mozambicaine dite du réel, ses photos témoignent de l’histoire quotidienne des populations mozambicaines. Avec son film, Vagando Maputo, Aurore Vinot s’inscrit dans les pas de ce géant de la photographie.