Back to top
Pendant toute la durée de la visite papale, de mardi à vendredi, les combats se sont poursuivis dans la province du Nord-Kivu, où les rebelles du M23 se sont emparés de nouveaux villages, selon des sources dans la province.
La diplomatie s'était activée ces derniers mois pour tenter de faire taire les armes et rapprocher la RDC du Rwanda, accusé de soutenir cette rébellion à l'offensive depuis fin 2021. En vain jusqu'à présent.
C'est à cause de cette insécurité que le pape a annulé la visite qu'il devait initialement faire à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, remplaçant ce déplacement par une rencontre à Kinshasa avec des victimes des atrocités commises depuis près de 30 ans dans cette province et celles voisines de l'Ituri et du Sud-Kivu.
(Re)voir RDC : le Pape face à la jeunesse
Avec leurs témoignages devant les caméras, la présence de femmes aux bras coupés, l'indignation du pape devant "l'exploitation, sanglante et illégale" des richesses du pays, "le monde entier" est maintenant "au courant" de ce qui se passe ici, croit Théoneste Bahati Gakuru, 34 ans, habitant de Goma et défenseur des droits humains.
Théoneste espère maintenant que la communauté internationale va "prendre des mesures pour que cette situation désastreuse s'arrête".
Johnson Ishara, 30 ans, commerçant à Goma, et Calvin Maliro, représentant des jeunes d'une commune de Beni, autre ville du Nord-Kivu affectée par les violences, pensent que le pape "va poursuivre son plaidoyer" pour la fin des malheurs de l'est congolais.
"Nous sommes innocents, nous ne connaissons rien de la politique", lance Kathungu Matumaini, infirmière à Beni, en demandant que ses "larmes et prières" soient entendues.
(Re)lire En RDC, "vibrant appel" du pape François devant l'horreur absolue de la guerre
"Vos larmes sont mes larmes, votre souffrance est ma souffrance", a dit mercredi 2 février le pape devant les drames qui lui ont été décrits. Le lendemain, il appelait les jeunes, rassemblés par milliers dans un stade, à rejeter le tribalisme, la corruption, et à agir pour l'avenir de leur pays.
"Nous devons nous approprier son message... Il est temps que les jeunes cessent de demeurer dans la brousse pour orchestrer des massacres", analyse Jean-Marie Ndjaza, porte-parole de la communauté Lendu, en Ituri. "Nous devons éviter de faire des victimes de plus" dans la province, a plaidé le responsable.
Mais en Ituri non plus, les violences n'ont pas fait relâche pendant la visite du souverain pontife.
Mercredi 2 février, une nouvelle incursion d'hommes armés y a fait au moins 7 morts, dans la "chefferie" (regroupement de villages) de Walese Vonkutu. L'attaque est attribuée aux rebelles ADF, que le groupe jihadiste État islamique (EI) présente comme sa branche en Afrique centrale, mais associés semble-t-il à une milice locale.
(Re)voir RDC : au cours d'une messe géante le pape appelle à l'unité
Une communauté particulière a été visée. "Nous ne comprenons pas ce nouveau mode opératoire", constate, impuissant, Dieudonné Malangai, un membre de la société civile locale.
Les ADF sont accusés de massacres répétés de populations civiles en Ituri et dans le Nord-Kivu ainsi que d'attentats, dont un en janvier contre une église pentecôtiste du Nord-Kivu, revendiqué par l'EI.
(Re)lire RDC : au moins 23 civils tués dans une nouvelle attaque des ADF
Au Sud-Kivu, la parole du pape fait écho pour certains habitants de Bukavu au combat mené par Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018 pour son action en faveur des femmes victimes de viols.
Pour Furaha Citera, responsable d'une organisation de femmes, François conforte le docteur congolais dans son combat pour "la mise en place d'un tribunal spécial pour le Congo, pour lutter contre les atrocités".
Les mots du pape "suscitent de l'espoir dans le cœur des victimes, car le souverain pontife sera leur ambassadeur", veut aussi croire à Bukavu Paulin Mulume, 30 ans, militant d'un mouvement citoyen.
En attendant, le Sud-Kivu reste aux prises avec une noria de milices, un cycle infernal de représailles entre communautés et des pratiques obscurantistes persistantes. Cette semaine, un petit garçon albinos de 5 ans a été tué et son corps retrouvé sans tête ni jambes.