RD Congo : le clan Kabila sous le coup de nouvelles accusations

Alors que la crise économique et politique en RDC continue de s’aggraver, un rapport du groupe d'étude sur le Congo et du Pulitzer Center présente les détails de la fortune du clan Kabila. Ces révélations font suite à l’enquête de l’agence Bloomberg sur Zoé Kabila. Bilan.
Image
Joseph Kabila entête
©AP Images, John Bompengo
Partager 6 minutes de lecture

En 16 ans, le clan Kabila est devenu milliardaire en dollars. L’enquête du groupe d'étude sur le Congo (GEC) et du Pulitzer Center, publiée juste après celle de l’agence Bloomberg, présente un empire en RDC. Un empire économique bâti par le clan Kabila. D’après la plus récente enquête, 13 membres de la famille Kabila et deux très proches associés du clan auraient la mainmise sur au moins 80 sociétés dans des secteurs variés. Les données complètes ont été recueillies pendant 20 mois dans des documents, publics et confidentiels. L’objectif était de décortiquer le business de Joseph Kabila et de son premier cercle.

Joseph Kabila
©AP Images, Mary Altaffer


Selon le GEC, l’histoire commence en 1997. Kabila père rentre au Congo après son exil en Tanzanie et, à la tête d’une rébellion, chasse Mobutu du pouvoir. Son fils lui succède en 2001 et aurait placé sa famille au cœur des secteurs économiques stratégiques de la RDC : télécommunications, mines, immobilier et agriculture, hôtellerie, aérien… La liste ne se prétend pas exhaustive. Mais en 16 ans, au moins 80 sociétés et entreprises, basées au Congo ou à l’étranger, brassant des centaines de millions de dollars, auraient été créées par le clan Kabila. 

Toujours selon l’enquête du GEC, par le biais d’une entreprise au nom de ses deux enfants, Joseph Kabila possèderait plus de 71 000 hectares de terres agricoles soit près de 10 fois la surface de l’île de Manhattan. Sa famille serait aussi en possession d’une mine de diamants de plus de 720 kilomètres carrés, située le long de la frontière avec l’Angola. Le clan bénéficierait aussi de contrats avec des partenaires extérieurs comme la Banque mondiale, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada ou encore avec l’ONU. 
 

Le clan Kabila et le gouvernement réagissent

Zoé Kabila, frère du président et député, a été le premier à répondre aux accusations qui le visent personnellement sur son compte twitter dès vendredi. "Dans le souci de nuire au chef de l’Etat JKK, désespérés, les détracteurs publient des infos notoires en y ajoutant des mensonges", a-t-il affirmé sur la toile, sans donner davantage de précisions. 
Lambert Mendé, porte-parole du gouvernement congolais et ministre de la communication a quant à lui, d'après nos confrères de RFI, demandé du temps pour prendre connaissance du rapport sur les avoirs du président Kabila et de son clan. Il a néanmoins d’ores et déjà démenti la légitimité des accusations visant Zoé Kabila et la sœur du président congolais, Jaynet Kabila. "On n'interdit pas aux députés de faire des affaires", a-t-il expliqué au micro de RFI. Ce n'est pas un mandat de gestion ! Ils travaillent six mois par an et les autres six mois, que voulez-vous qu'ils fassent ? Ils peuvent faire des affaires !"
Lambert Mendé a également prié le Groupe d'études sur le Congo de transmettre toutes les informations à la justice et à l'Inspection générale des finances, tout en rappelant que le gouvernement cherchait de l'argent pour faire face à la crise et qu'il avait déjà lancé depuis janvier 2016 des mesures urgentes, notamment pour lutter contre les détournements. 

Les possessions du clan dans le détail

D’après les données du GEC, Joseph Kabila détiendrait d’importantes concessions agricoles et immobilières. Il partagerait aussi avec ses enfants de 16 et 9 ans la propriété de la société agricole Ferme Espoir. Une société qui détient 100% des parts de l’entreprise des Grands Élevages du Bas-Congo (GEL) et qui aurait reçu de la part de l’ONU (officiellement à son insu) un loyer de 270 000 dollars en 2015.

La Première Dame, Marie-Olive Lembe di Sita, détiendrait, seule ou en association, des sociétés de constructions (O.T.J. Construction), des sociétés pétrolières et minières (la SARL Osifal), Five Forty DRC qui s’occupe de l’aérien dans les Iles Vierges), une société de commerce en Afrique du Sud (Hebron Holdings Congo), La Pétrolière (spécialisée dans les hydrocarbures) et la Congolaise des Mines et des Carrières (COMINCA, en charge de la prospection de cuivre). 

Quant à la sœur jumelle de Joseph Kabila, Jaynet Kabila Kiyungu, elle a déjà été épinglée par une enquête de l’agence Bloomberg qui révélait sa supposée mainmise sur le conglomérat médiatique Digital Congo. À cela s’ajouterait la possession d’importantes parts de la société de télécoms Vodacom Congo.

Jaynet Kabila
Jaynet Kabila et Jill Biden, 2014
©AP Images, John Bompengo

Le cas Zoé Kabila

Le frère du président, Zoé Kabila (38 ans), est un cas à part. L’agence Bloomberg a publié une enquête, quelques heures avant le rapport du GEC, entièrement consacré à cette personnalité. D’après les informations de Bloomberg, le nom du député n’apparaît pas dans toutes les affaires auxquelles il est lié. Il aurait employé le pseudo "Zoé Francis Mtwale" – Francis Mtwale étant l’un des pseudonymes de son père. Il possèderait donc une société nommée Number One Contracting, l’une des quatre principales entreprises foncières du pays avec près de 11% de parts de marché entre 2003 et 2008. Le revenu annuel de cette société sur cette période est évalué à 14 millions de dollars par an. 

À côté de cette entreprise, il possèderait, en son nom propre, Cosha Investistment. Via cette société, il aurait acquis des parts dans la compagnie d’aviation Okapi Airlines et dans la chaîne de fast-food Nando. Une autre société, Isis Congo, lui aurait permis de signer avec Cosha un contrat de l’État en 2007 pour fabriquer des permis de conduire. Son activité majeure cependant resterait le secteur minier. Toujours d’après le rapport Bloomberg, il aurait entretenu des relations d’affaires avec la société canadienne Ivanhoé pour de nombreux contrats au Congo et il aurait eu la mainmise sur le projet minier Sicomines, estimé à 3 milliards de dollars
 

La situation économique et politique en RDC

Si ces révélations font scandale en RDC, c’est aussi à cause du contexte. La principale société minière, la Gécamines, aurait vu disparaître des milliards de recettes destinées au Trésor public congolais d’après un rapport de l’ONG Global Witness. Pourtant, les caisses de l’État sont vides et c’est l’un des arguments avancés pour repousser les élections présidentielles. La dépréciation de la monnaie nationale, le franc congolais, de 30% au premier semestre 2017 face au dollar, à de terribles conséquences sur l’économie. D’autant qu’elle s’accompagne d’une inflation de 40% malgré la hausse des prix du cobalt et du cuivre, les deux ressources minières majeures du Congo ! Le gouvernement a demandé une Facilité de crédit rapide (FCR, un programme d’aide accéléré) auprès du FMI. L’institution financière a posé une condition à l’apport de son soutien monétaire : la stabilisation de la politique dans le pays… Ces révélations en rafale ajoutent donc une tension supplémentaire dans un pays très divisé.