RD Congo : "Le Conseil de sécurité de l’ONU est responsable de l'inefficacité de la Monusco"

Des violences sévissent à l’Est du Congo entre la Monusco et des manifestants critiques à l’égard du bilan de la force onusienne. En une semaine, une trentaine de civils et quatre Casques bleus ont été tués. Quelle est la raison de ce regain de violence ? La Monusco pourrait-elle quitter la RDC ? Eléments de réponse avec Thierry Vircoulon, chercheur associé à l'IFRI.

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Monusco manifestation
Des civils manifestent contre la présence de la Monusco (Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en république démocratique du Congo) à Goma, le 27 juillet 2022.
AP/Moses Sawasawa
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La tension est à son comble entre les Casques bleus de la Monusco (Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo) et les civils du Nord-Kivu. La semaine dernière, des manifestations pour réclamer le départ des Nations unies se déroulaient dans plusieurs villes de l'est de la RDC dont Goma, Butembo, Beni et Nyamilima. Des installations de la Monusco sur place ont été prises pour cibles. Trente-six personnes, dont quatre Casques bleus, ont été tuées dans des affrontements entre les deux parties.

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Dimanche 31 juillet, c’est un convoi de la Monusco qui forçait alors un poste frontalier avec l’Ouganda. Dans une vidéo de l'incident partagée sur les réseaux sociaux, des hommes dont au moins un en tenue de policier et un autre de militaire congolais s'avancent vers le convoi immobilisé de l'autre côté de la barrière fermée à Kasindi, dans le territoire de Beni. Après un échange verbal, les présumés Casques bleus tirent des coups de feu avant d'ouvrir la barrière et de franchir le poste. 

Le député congolais Mike Mukebayi, relayant la vidéo sur Twitter, a commenté : « Il n'y a plus aucun respect de la RDC par ses partenaires. » Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres s'est dit lui « outré » et approuve « la mise en détention du personnel militaire mis en cause dans cet incident et l'ouverture immédiate d'une enquête.»

Ressources naturelles riches

« Ce mécontentement contre la Monusco est chronique depuis des années et le motif est toujours le même : l’insécurité. La crise qui dure depuis 30 ans dans l'est du Congo n'est toujours pas résolue. explique Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’IFRI (Institut français des relations internationales). On parle d'insécurité mais le conflit n'a, en réalité, jamais cessé. On se retrouve avec une guerre qui ne dit pas son nom. »

La MONUC (Mission de l'Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo devenue Monusco en 2010) a vu le jour à la suite de l’accord de paix de Lusaka, signé en Zambie, le 10 juillet 1999 par l'Angola, la République démocratique du Congo, la Namibie, le Rwanda, l'Ouganda et le Zimbabwe, mettant fin à la deuxième guerre du Congo. Sa mission principale était alors d’assurer un rôle de maintien de paix dans un pays déchiré par les affrontements violents dans une région où les ressources naturelles sont riches et les frontières nombreuses.

L'exploitation et la prédation illégales des ressources naturelles dans l'est de la RDC n'ont jamais fini depuis 30 ans. Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’IFRI

Deux caractéristiques qui expliquent encore aujourd'hui la pérennité du conflit pour Thierry Vircoulon. « L'exploitation et la prédation illégales des ressources naturelles dans l'est de la RDC n'ont jamais fini depuis 30 ans. déplore l’expert. Cette prédation n'est pas seulement le fait de groupes armés mais aussi de l'armée congolaise et des réseaux d'élite transrégionaux. Il s’agit aussi d’un problème rwandais et ougandais. »

Par ailleurs, la résurgence des offensives du groupe M23, composé d'anciens soldats tutsis de l'armée congolaise ces derniers mois n’a rien fait pour améliorer le bilan onusien. L’incapacité à empêcher les rebelles de perpétuer des tueries dans la région est de plus en plus remarquée et nourrit la colère de la population.

(Re)voir : RDC : tensions autour de la Monusco

20 000 soldats et un budget d'un milliard de dollars 

« Ce n'est pas la première crise du M23. fait remarquer le chercheur à l’IFRI. Il y a déjà eu une crise en 2012/2013 où le groupe rebelle a été défait militairement par les forces armées congolaises et la Monusco. C'est d'ailleurs sans doute ce qu'attendent les Congolais aujourd’hui, c’est-à-dire un vrai partenariat militaire entre les deux forces. »

La coopération a cependant été initiée dans une situation déjà urgente sur place : « Il a fallu que le M23 prenne Goma pour qu'il y a une réaction politique au niveau du Conseil. Aujourd’hui, il semble que nous soyons dans une répétition de ce scénario, et qu'il faille attendre une situation aussi grave pour qu’il y ait une véritable action militaire. » 

Voir aussi : RD Congo : des manifestants tués pendant des rassemblements contre la MONUSCO

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Si un départ de la Monusco semble aujourd’hui peu probable au vu du contexte de crise avec le M23, son essoufflement est remarqué par beaucoup alors qu’il s’agit de la plus grande mission de maintien de paix de l’ONU avec un déploiement de plus de 20 000 soldats et un budget de plus d’un milliard de dollars.

« Le grand responsable de l'inefficacité de la Monusco est le Conseil de Sécurité qui ne s'implique plus dans le dossier, dénonce Thierry Vircoulon. Le Conseil veut faire perdurer une mission sans investissement politique et qu’on pourrait croire maintenue par bonne conscience. Mais au final, elle ne fait plus grand chose. »