Fil d'Ariane
Les Congolais sont inquiets pour le déroulement des élections prévues le 20 décembre 2023. Ils craignent un "glissement", comme lors de précédents scrutins, repoussés de deux ans. Le pays traverse une crise sociale importante avec une situation sécuritaire qui s'aggrave à l'est.
Manifestations à Kinshasa contre la vie chère le 20 mai 2023. Capture d'écran vidéo AFP.
Dans six mois, la RDC s'apprête à élire son président, ses députés nationaux et provinciaux ainsi que des conseillers communaux. La date des scrutins est fixée au 20 décembre. Félix Tshisekedi, président depuis janvier 2019, est candidat à sa propre réélection. Pour l'avoir vécu lors des précédentes élections, repoussées de deux ans, certains Congolais doutent encore de l'organisation du vote en temps et en heure et s'attendent à ce qu'ils appellent un "glissement".
Les autorités affirment que les élections auront bien lieu "dans les délais constitutionnels". La Commission électorale nationale (Céni) a jusqu'à présent respecté son calendrier. Elle a "enrôlé" (enregistré) les électeurs et leur a délivré des cartes. Cela lui a permis de refaire le fichier électoral, qui a été toiletté par un "audit externe" et a servi de base à la loi de "répartition des sièges", promptement votée par le Parlement et promulguée le 15 juin.
Techniquement, "la Céni a démontré qu'elle pouvait tenir les échéances... Un glissement est de moins en moins envisageable", constate Trésor Kibangula, analyste politique à l'institut de recherche Ebuteli.
En ce qui concerne la confiance et la transparence, c'est une autre histoire.
En fin d'année dernière, le même Ebuteli s'était inquiété d'un processus électoral "mal embarqué", porteur de risques de "violentes manifestations". En cause : les compositions hautement controversées de la Céni elle-même et de la Cour constitutionnelle, dernier verrou électoral. "De fait, au niveau juridique, le pouvoir a tous les leviers", relève sous couvert d'anonymat un autre observateur de la politique congolaise.
Depuis quelques semaines, les formations de quatre opposants, candidats déclarés à la présidentielle, organisent des manifestations pour réclamer une refonte de ces organes qui, selon eux, vont mener à la fraude et au chaos.
es opposants - Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Matata Ponyo et Delly Sesanga - considèrent aussi que le fichier électoral est "fantaisiste", notamment parce que "l'enrôlement" n'a pu avoir lieu dans des territoires en proie aux violences armées et que l'"audit" a été réalisé en un temps record de cinq jours.
La police avait violemment réprimé une de leurs marches, le 20 mai, entraînant de nombreuses protestations, de l'influente Église catholique, de la société civile ou de la communauté internationale, avec une déclaration d'une quinzaine d'ambassades appelant à des élections "compétitives, pacifiques, inclusives et transparentes".
Le camp de l'ancien président Joseph Kabila (2001-2019), quant à lui, a jusqu'à présent demandé à ses militants de boycotter le processus électoral.
Selon Trésor Kibangula, il reste "une chance de regagner la confiance du public", c'est d'organiser "un nouvel audit indépendant et transparent du fichier électoral". Cela "pourrait contribuer à faire baisser les tensions politiques", sans avoir à repousser le vote, estime l'analyste.
Le professeur en science politique Alphonse Maindo est de ceux qui pensent que de "bonnes élections" le 20 décembre sont impossibles. Il préconise plutôt une "transition" qui permettrait de bien s'y préparer, y compris en "mobilisant les ressources nécessaires". "Les prochains mois vont être explosifs, avec des manifestations, des arrestations, des procès...", craint l'universitaire.
Les observateurs s'attendent par ailleurs à une forte abstention, à cause du manque de confiance dans le processus électoral et la classe politique en général, mais aussi parce que la préoccupation de beaucoup de Congolais, pris à la gorge par le chômage et l'inflation, est de nourrir leurs familles.