RD Congo-Rwanda: vers un accord de paix signé à Washington à intérêt purement économique pour Trump?

La République démocratique du Congo et le Rwanda doivent signer à Washington, sous les auspices de l'administration Trump, un accord de paix visant à mettre fin au conflit dans l'est de la RDC, qui a fait des milliers de morts. Le texte comprend un volet économique aux contours flous alors que les États-Unis lorgnent sur les minerais rares en RD Congo.

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Rwanda Congo

Le secrétaire d'État Marco Rubio préside une cérémonie de signature au cours de laquelle la ministre des affaires étrangères du Congo, Therese Kayikwamba Wagner, à gauche, et le ministre des affaires étrangères du Rwanda, Olivier Nduhungirehe, à droite, s'engagent à œuvrer en faveur d'un accord de paix au département d'État à Washington, le 25 avril 2025.

AP Photo/Jacquelyn Martin
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"C'est un grand jour pour l'Afrique, et, franchement, un grand jour pour le monde", avait clamé le président américain vendredi dernier sur son réseau Truth Social. Il estime avoir "mis fin à une guerre sanglante". Ce 27 juin, les ministres des Affaires étrangères du Rwanda et de la RD Congo se retrouvent à Washington. Ils doivent signer un accord de paix afin de mettre un terme aux violences qui rongent l’est de la RD Congo depuis plusieurs années. 

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Depuis l'offensive éclair du M23, les appels de la communauté internationale au retrait du groupe armé soutenu par le Rwanda sont restés sans effet. Les tentatives diplomatiques pour résoudre la crise, notamment une médiation menée par l'Angola, ont toutes échoué.

Que contient cet accord ?

L'accord a été élaboré au cours de trois jours de "dialogue constructif portant sur les intérêts politiques, sécuritaires et économiques" entre représentants de la RD Congo et du Rwanda présents dans la capitale américaine. Le 18 juin, un communiqué annonçant que l’accord avait été paraphé par les experts rwandais et congolais est publié. Mais il reste vague sur les mesures envisagées pour trouver une issue à la crise.

Il comprend des dispositions sur "le désengagement, le désarmement et l'intégration conditionnelle des groupes armés non étatiques", ainsi qu'un "mécanisme conjoint de coordination en matière de sécurité". L’hebdomadaire Jeune Afrique indique que le Département d’État américain explique que le texte comprend des dispositions sur “le respect de l’intégrité territoriale et sur l’interdiction de tout acte hostile” entre Kinshasa et Kigali.

Aucun détail n'a été livré sur le volet économique, mais le président congolais avait évoqué en avril un accord minier avec le conseiller spécial de Donald Trump pour l'Afrique en visite alors à Kinshasa, Massad Boulos. Premier producteur mondial de cobalt, la RD Congo, deuxième plus vaste pays d'Afrique, détient aussi dans ses sous-sols au moins 60% des réserves mondiales de coltan, minerai stratégique pour l'industrie électronique, ce qui intéresse activement le président Trump.

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Qui est intervenu dans l’élaboration de cet accord ? 

L’accord doit être formellement signé ce 27 juin lors d'une réunion ministérielle à Washington, en présence du secrétaire d'Etat américain Marco Rubio et de ses homologues de la RD Congo et du Rwanda, Thérèse Kayikwamba Wagner et Olivier Nduhungirehe. Les deux ministres seront reçus par Donald Trump à la Maison Blanche.

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Le Qatar a également été médiateur et avait reçu mi-mars à Doha le président rwandais Paul Kagame et celui de la RD Congo, Felix Tshisekedi. Les deux dirigeants pourraient être reçus par Donald Trump à la Maison Blanche en juillet.

Les États-Unis sont intéressés par le fait de sécuriser l'approvisionnement des matières critiques.

Christian Moleka, coordinateur de la Dynamique des politologues de RD Congo

Nous sommes impliqués, parce que les deux parties ont demandé qu’on le soit”, résume Troy Fitrell, secrétaire d’État adjoint par intérim aux Affaires africaines, devant l’Atlantic Council. “L’apport des États-Unis, c’est l’adoption d’un calendrier extrêmement serré”, se réjouit-il. Interrogé par la radio RFI, Christian Moleka, coordinateur de la Dynamique des politologues de RD Congo, estime que “les États-Unis sont intéressés par le fait de sécuriser l'approvisionnement des matières critiques.” Ainsi, Washington, à travers cet accord, Washington défend ses intérêts économiques. 

Interrogé par TV5MONDE, l'ex-ambassadeur américain en Centrafrique Jeff Hawkins, aujourd'hui chercheur associé à l'Iris et enseignant à Sciences-Po, souligne lui aussi que "l'intérêt de l'administration Trump porte sur les minerais du Congo". Il doute de l'implication sur le long terme de l'administration Trump dans le règlement de la guerre à l'est de la RDC. "Je ne pense pas que quelqu'un comme le secrétaire d'État américain Marco Rubio continue de s'intéresser à ce conflit une fois que l'accès américain aux minerais est assuré".

Il est un peu tôt pour dire que le conflit est résolu parce que l'on a signé devant les Américains un document.Jeff Hawkins, ex-ambassadeur américain en Centrafrique, chercheur associé à l'Iris et enseignant à Sciences-Po

Depuis le paraphe du texte préliminaire le 18 juin à Washington, cet expert de l'Afrique et ex-diplomate américain s'interroge sur la capacité à régler la situation sur le terrain. "Les milices sont toujours actives, le M23/AFC occupe toujours le même territoire qu'avant. Sauf erreur de ma part, les troupes rwandaises sont toujours sur le sol congolais. Donc il est un peu tôt pour dire que le conflit est résolu parce que l'on a signé devant les Américains un document."