RDC : après un an d'état de siège, quel bilan à l’est du pays ?

Le 6 mai 2021, le président congolais Félix Tshisekedi déclare l’état de siège dans les provinces de l'Ituri et du Nord-Kivu. Le but : restaurer la paix, alors que ces provinces subissent les attaques de groupes armés. Un an après, dans quel état se trouvent ces régions ?
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RDC déplacés
En raison des violences perpétrés dans l'est de la RDC, le président a décrété l'état de siège dans deux provinces. De nombreux habitants ont été déplacés.
Moses Sawasawa/AP
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Donner les pleins pouvoirs aux militaires pour rétablir la paix ? C’est le pari qu'a fait Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo (RDC). Le 6 mai 2021, il déclare l’état de siège dans deux provinces de l’est du pays : le Nord-Kivu et l’Ituri.

Début 2021, 122 groupes armés sévissent dans la région. En mettant en place l’état de siège, le président Tshisekedi espérait mettre un terme aux violences perpétrées par les groupes armées dans cette partie de la RDC. Qu’en est-il un an après ?

Quels sont les résultats de l’état de siège ?

En un an, la situation s’est dégradée dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. « Nous pensions que le siège mettrait un terme aux ‘‘tracasseries’’, mais en fait c’est bien pire », déclare un responsable de la société civile, sous couvert d’anonymat. Il déplore qu’à présent, « les exactions militaires ont lieu à ciel ouvert et en toute impunité ».

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Selon le baromètre de Kivu, le nombre de morts lors d’attaques a plus que doublé dans la région. Martin Fayulu, principal opposant de Félix Tshisekedi, estime que le régime instauré dans ces régions constitue une « souffrance atroce pour le peuple congolais ». Il préconise le déploiement d’une unité « tout au long de nos frontières à l’est du pays ». 

Même son de cloche du côté de Me Jean Claude Katende, de l’Association africaine des droits de l’Homme. Selon lui, ce siège est « du gaspillage de fond public ». 

Comment la population locale vit-elle la situation ?

Selon plusieurs témoignages, la population des provinces soumises à l’état de siège vivrait difficilement la situation. Leur quotien est rythmé par les volontés des militaires, qui possèdent le pouvoir. « Ils nous forcent à travailler pour eux, ils nous volent la moitié de nos récoltes, déplore Agathe*, déplacée à Masisi. Ils nous demandent de payer des taxes pour accéder à nos champs et quand on ne paye pas, ils nous fouettent ».

La population ne sera jamais en sécurité ici tant que les militaires se feront voler leurs rations par leurs commandants.Un religieux à l'est de la RDC 

Plutôt que de résoudre les problèmes liés à la violence, la présence des militaires aurait aggravé la situation pour les habitants. Cependant, il y a aussi des tensions structurelles au sein de l’armée congolaise.« La population ne sera jamais en sécurité ici tant que les militaires se feront voler leurs rations par leurs commandants », analyse un religieux. Pour cette raison, il ne peut pas condamner les soldats pour les exactions commises, car ils sont « écrasés par leurs chefs. » 

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Le 13 avril, 27 ONG congolaises appellent à « la fin de la répression et au respect des droits humains » dans les provinces placées sous état de siège. Elles s’inquiètent notamment des massacres continus et de la dégradation de la situation des droits humains. « Loin de sécuriser la population civile, les autorités militaires ont restreint l’exercice des libertés publiques en réprimant des manifestations pacifiques, en procédant à des arrestations arbitraires, des intimidations, des passages à tabac, en lançant des poursuites judiciaires contre toutes les voix qui critiquent cette mesure ou appellent à la fin de l’état de siège », déplorent les ONG. 

Agathe n’est pas la seule habitante du territoire du Masisi victime d’exactions de la part des militaires. Le 22 février, une « note verbale » du Bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l’homme demande au ministre de la Défense une « action urgente » contre le 3140e régiment des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), déployé dans le Masisi. Selon l’ONU, ces soldats sont responsables « d’au moins 231 violations des droits de l’homme » entre le 6 mai 2021 et le 9 février 2022 dans cette zone, sans qu’aucune action ne soit prise.

*Le prénom a été modifié.