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Ils font l'objet de boucs émissaires dans leurs familles. En République démocratique du Congo, où près de 73% de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon les chiffres de la Banque Mondiale, certains enfants sont frappés par une malédiction. Ou plutôt, le contexte politique, économique et social maudit ces enfants. Qualifiés de “sorciers”, ils sont tenus responsables des maux dont souffrent les familles vulnérables.
Selon l’Unicef, l’agence des Nations Unies consacrée à l’amélioration des conditions de vie des enfants, “l’ignorance, la pauvreté, le manque de moyens pour subvenir aux frais de scolarité des enfants ou les dégâts de la guerre qui augmentent le nombre d’orphelins” sont des facteurs qui contribuent à la croyance aux enfants-sorciers. Dès lors qu’un enfant présente des troubles du sommeil ou du comportement, un handicap, ou une malformation, il peut être considéré comme un enfant-sorcier, précise l’agence onusienne.
«Est-ce que tu penses qu’on va avoir une bonne vie ?». En #RDC une malédiction frappe certains enfants : on les accuse d’être des sorciers dotés de pouvoirs maléfiques et dévastateurs. Collection Reportages "RDC : l'enfant et les sortilèges", vendredi 20/05 à 17H00 sur @TV5MONDE. pic.twitter.com/ZuESPvvftm
— TV5MONDE (@TV5MONDE) May 19, 2022
Le phénomène des enfants sorciers n'est pas propre à la République démocratique du Congo. D'après un rapport publié en 2010, le problème des enfants accusés de sorcellerie touche l'Afrique centrale en général, la République centrafricaine et l'Angola notamment. Mais le phénomène est connu également au Nigeria, en Sierra Leone ou au Liberia. Dans un reportage de 2018, RFI se penchait sur la situation des enfants sorciers au Bénin, expliquant que, dans le nord du pays, "dans certaines communautés, un enfant qui naît par le siège ou les pieds, avec des malformations, dont la maman meurt en couches est considéré comme un sorcier".
Par ailleurs, la croyance dans le phénomène des enfants sorciers rapporte d’importants bénéfices aux églises évangéliques du pays. Ces églises, appelées “églises du réveil” viennent nourrir la croyance sur la malédiction supposée des “enfants sorciers.” L’institut Target estime qu’il y a environ 13 millions de fidèles dans le pays, soit près de 15% de la population congolaise.
Des pasteurs proposent de pratiquer des exorcismes, qui coûtent entre 5 000 et 30 000 francs congolais (entre 3 et 30 euros), rapporte l’Unicef. Ils promettent à leurs fidèles de les délivrer du mal. “Je vais faire sortir tout le mal qui se trouve dans le ventre de vos enfants”, promet un pasteur interrogé dans le documentaire. Selon lui, les mauvais esprits “utilisent les enfants parce que leur niveau de raisonnement est plus faible.” Il a la réputation d’avoir libéré plus de 500 enfants des mauvais esprits.
“Mon enfant a un problème, elle fait des cauchemars, explique une femme assistant au sermon du pasteur. Elle craint que les démons viennent la prendre.” Elle assiste à ces sermons en espérant guérir sa fille, “pour qu’elle puisse sortir de ce monde obscur”. Lorsque ces prétendues solutions n’apportent pas l’effet escompté, les enfants sont abandonnés et se retrouvent à la rue. Selon l’Unicef, ils seraient plus de 20 000 dans les rues de Kinshasa, la capitale de la RDC. Mais leur nombre exact est difficile à connaître.
Face à l’ampleur du phénomène, certains dispositifs existent pour prendre en charge ces enfants rejetés par leurs familles. La “Maison des enfants” est un foyer d’accueil pour ces “enfants-sorciers”. Les auteurs du documentaire expliquent que près de 500 enfants ont été confiés à ce centre par la police depuis près de vingt ans.
L’organisme, géré par l’église catholique, propose à ses pensionnaires des ateliers, comme du théâtre. Dans ces ateliers, l’acceptation de soi est de mise, pour aider les enfants à se reconstruire.
Nous voulons leur faire comprendre que leurs souffrances et leurs malheurs ne viennent pas de leurs enfants, mais que c’est une réalité des étapes de la vie.Joseph, doyen de la "Maison des enfants"
Depuis 2009, la loi prévoit jusqu’à trois ans de prison pour les personnes accusant un enfant de pratiquer la sorcellerie. Cependant, cette loi n’a jamais été appliquée. Joseph, le doyen de la “Maison des enfants” tente de faire changer les mentalités, en allant sensibiliser les communautés où la croyance aux enfants-sorciers est répandue. “Nous voulons leur faire comprendre que leurs souffrances et leurs malheurs ne viennent pas de leurs enfants, mais que c’est une réalité des étapes de la vie”, explique-t-il dans le documentaire.