RDC : dans son homélie de Noël, l'archevêque de Kinshasa ne mâche pas ses mots

À l'occasion de la messe du réveillon de Noël, le cardinal Fridolin Ambongo a dépeint un tableau particulièrement sombre de la situation socio-économique et sécuritaire en République démocratique du Congo. Bien que prônant la paix dans le pays, les propos de l'archevêque de Kinshasa résonnent comme une critique contre le pouvoir politique. 

Image
fridolin ambongo
Eden EZRA / AFPTV / AFP
Partager 2 minutes de lecture

"Un enfer sur Terre". Voilà à quoi ressemblerait la République démocratique du Congo pour beaucoup de ses habitants, si l'on en croit les mots du cardinal Fridolin Ambongo. À tel point que les Congolais ne sauraient "plus à quel saint se vouer", a déclaré l'archevêque de Kinshasa dans la cathédrale Notre Dame du Congo remplie de fidèles lors de la messe du réveillon de Noël, le mardi 24 décembre 2024, dans la capitale congolaise.  

Dans son homélie d'une trentaine de minutes, ponctuée à la fin par des applaudissements, le cardinal congolais déplore les infrastructures inexistantes, la flambée des prix, l’insécurité généralisée et la misère en RDC. Des critiques qu'il a formulées également dans son message de Noël daté du 25 décembre, publié sur les réseaux sociaux. Il décrit une situation catastrophique : « En effet, chaque jour depuis 30 ans, le pays n’en finit pas de compter des morts, des disparus, des déplacés, des victimes de l’insécurité alimentaire et des violences. Le tissu socio-économique s’est sensiblement délabré et la misère s’est installée de façon générale dans le pays."

L'Église catholique au cœur de la politique

Lors de son homélie, l'archevêque de Kinshasa interpelle même le pouvoir. "Quand on est dirigeant, on est d’abord là pour le bonheur du peuple et quand le peuple est dans cet état désastreux, ça devrait être une interpellation pour les autorités. Qu’avons-nous fait pour que le peuple en arrive là ?" Des propos qui égratignent une fois de plus les autorités congolaises.  

(Re)voir RDC : une messe de Noël très politique à Kinshasa (24 décembre 2018)

Pour les Congolais, cette sortie politique de l'archevêque de Kinshasa n'a rien de nouveau. Car celui qui est devenu cardinal en octobre 2019 est connu pour ses critiques parfois virulentes à l'endroit du pouvoir congolais, quels que soient ses dirigeants. Dans l'histoire récente, l'Église catholique congolaise a joué un rôle moteur de défenseur du peuple et du respect de la vérité, notamment dans les urnes.

Le 31 décembre 2016, l'église catholique congolaise avait facilité l'accord de la Saint-Sylvestre entre le régime de Joseph Kabila et l'opposition congolaise. Ce document a servi de feuille de route pour l'élection présidentielle qui se tiendra deux ans plus tard. Les laïcs catholiques, à l'instar du reste de la population congolaise, ont payé chèrement leurs mobilisations pacifiques lors d'une crise politique meurtrière.

(Re)voir Présidentielle en RDC : les églises au coeur de la vie politique

L'issue du scrutin n'a pas pour autant apaisé les tensions. Si la victoire a été officiellement attribuée à l'opposant Félix Tshisekedi, l'église catholique congolaise avait déclaré ouvertement ses doutes sur la véracité du résultat fourni par la Ceni. Sur le plateau de TV5MONDE, l'archevêque de Kinshasa avait, plus tard, lui-même affirmé que "d'après les résultats de notre mission d'observation, il était clair que M. Martin Fayulu avait été élu avec plus de 60% des voix".

(Re)voir RDC : Quel rôle peut jouer l'Église catholique après les élections ? Interview de Monseigneur Fridolin Ambongo (mars 2019)

Faire avancer la paix en RDC et dans les Grands Lacs

Pour ce Noël 2024, le cardinal Fridolin Ambongo affirme sa volonté de faire de la paix une priorité. À cet égard, il se range derrière la Conférence épiscopale nationale du Congo. La Cenco a lancé un appel en faveur du "Pacte social pour la paix, le bien vivre ensemble, en RDC et dans les Grands lacs", un texte signé par 47 évêques et archevêques congolais, dont le premier d'entre eux à Kinshasa. 

J’assiste à des discours qui ne vont pas dans le sens de la création de la paixCardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa

"À travers ce pacte social, se tient l’engagement de chacun de nous à faire triompher la justice et la paix, tout en guérissant des blessures du passé et des rancœurs du présent", écrit le cardinal congolais dans son message de Noël.

« J’assiste à des discours qui ne vont pas dans le sens de la création de la paix. Nous devons travailler pour la paix », insiste-t-il néanmoins dans son homélie. La Cenco, elle, en appelle aussi à la communauté internationale, pour « que la voix de chaque pays des Grands Lacs soit équitablement entendue, trouve un écho dans les cœurs et les esprits de ceux qui ont le pouvoir de transformer ce vœu de paix en réalité de coexistence pacifique en RD Congo et dans les Grands Lacs ». 

(Re)lire RD Congo : ce qu'il faut savoir sur la "poussée fulgurante" du M23

L'enjeu est de taille alors que le Rwanda est accusé de soutenir la rébellion du M23 à l'est de la RDC, mais rien ne dit comment l’Église catholique pourrait contribuer concrètement à la paix. Le cardinal Fridolin Ambongo a peut-être une carte à jouer à l'échelle régionale, voire continentale, en tant qu'actuel président du Symposium des conférences épiscopales d'Afrique et de Madagascar (SCEAM).