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Le président congolais Félix Tshisekedi entame, ce mardi 17 septembre, une visite officielle en Belgique. Après un accueil officiel par le Premier ministre Charles Michel, il doit notamment rencontrer le roi Philippe au Palais royal. Cette visite est destinée à "redynamiser" les relations entre la RDC et son ancien colonisateur après des années de brouille. Entretien avec le politologue congolais Bob Kabamba, professeur de science politique à l´université de Liège.
TV5MONDE : Neuf mois après l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi, les relations entre la RDC et la Belgique se sont-elles améliorées ?
Depuis son investiture, on assiste véritablement à un dégel dans les relations entre Kinshasa et Bruxelles. Ces relations ont toujours été tumultueuses à l’époque de Joseph Kabila mais le nouveau président a envoyé un certain nombre de signaux positifs. Je pense notamment à la question de Brussels Airlines. Fatshi est revenu sur la décision de suspension partielle prise par l’ancien président Joseph Kabila (en février 2018, NDLR). Même chose pour la maison Schengen qui avait été fermée et que le nouveau président a rouvert. C’est dans ce contexte de réchauffement que Félix Tshisekedi va effectuer son voyage.
Pourquoi ces relations étaient-elles si mauvaises ?
Philosophiquement et politiquement, Joseph Kabila s’est toujours défini comme un souverainiste, c’est-à-dire un nationaliste pour qui les injonctions internationales sont vécues comme une immiscion dans les affaires intérieures de la République démocratique du Congo. Cette attitude de Kabila envenimait nécessairement les relations avec la Belgique, mais aussi avec d’autres pays occidentaux.
Ces tensions ont commencé bien avant le processus électoral au cours duquel Bruxelles a pu tenir des propos très défavorables à Kabila. Les déclarations de la Belgique demandant à Joseph Kabila de ne pas se maintenir au pouvoir ont été réellement vécues comme une injonction néo-coloniale, voire impérialiste.
Les relations se sont déteriorées entre 2016 et 2018, ce qui a pu aboutir à la fermeture de la maison Schengen et la suspension de certains vols Brussels Airlines.
La stratégie de réchauffement amorcée par le nouveau président Tshisekedi correspond-elle a de réelles convictions ou s’agit-il de pur pragmatisme ?
Il faut reprendre l’histoire personnelle de Félix Tshisekedi pour se rendre compte qu’il a des attaches très fortes avec la Belgique. Il y vivait depuis plusieurs années, ses enfants y sont nés, il a construit une partie de sa vie à Bruxelles. Au cours de ces années, il a été très proche de la plupart des responsables politiques belges, aussi bien côté francophone que néerlandophone. A travers l’UDPS, membre de l’internationale socialiste, il a pu s'y construire une stature politique.
Il n’est pas innocent qu’il choisisse la Belgique comme première destination européenne en tant que président.
Autre aspect important à souligner, la diaspora congolaise très importante en Belgique. En 1960, au moment de l’indépendance, il y avait grosso modo 120 000 Belges au Congo. Aujourd’hui, 60 ans après, les Belges d’origine congolaise sur le territoire de la Belgique sont plus nombreux !
Entre Bruxelles et Kinshasa, il ne subsiste que des relations symboliques à travers l’histoire commune et la diaspora.
Bob Kabamba, politologue
A quoi ressemblait le colonisateur belge ?
Il s’agissait d’une colonisation directe, forte. Elle était basée sur trois piliers. Un pôle économique tout d’abord avec de gros investissements dans le secteur minier pour permettre au Congo de “nourrir” la métropole mais aussi devenir un pôle économique important. A côté de ce pôle économique, il y avait une administration et une armée très fortes. Et enfin, l’Eglise à qui ont avait donné le monopole sur l’éducation et la santé.
On parle de Françafrique pour évoquer les relations de la France avec ses anciennes colonies. Existe-t-il, 60 ans après l’indépendance, le même genre de liens entre la Belgique et ses anciennes colonies africaines, dont le Congo notamment ?
Non, on ne peut pas faire le parallèle pour une raison simple : les intérêts de ce genre de relations se consolident sur les plans économique et géostratégique. Mais quand on regarde de près le lien entre Kinshasa et Bruxelles aujourd’hui, au-delà des relations historiques et symboliques, on remarque qu’il n’y a plus réellement d’intérêts économiques belges au Congo, et vice-versa. Les sociétés minières au Congo ne sont plus belges. Les diamantaires ne sont plus belges non plus, pour la plupart. Il restait Brussels Airlines, mais la compagnie est désormais allemande après avoir été rachetée par Lufthansa. Donc il n’y a plus de relations comparables à ce que l’on qualifie de Françafrique.
Il ne subsiste que des relations symboliques à travers l’histoire commune et la diaspora. Même l’affaire des oeuvres d’art congolaises au musée de Tervuren n’intéresse pas du côté de Kinshasa, où l’on estime qu’il y a d’autres priorités.