Des violences ont éclaté dans plusieurs grandes villes congolaises pour protester contre le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila, dont le mandat a expiré mardi 20 décembre. Au moins 19 personnes, selon l'ONU, ont péri malgré l’appel à « résister pacifiquement » de l’opposant historique Étienne Tshisekedi.
Au moins 19 personnes sont mortes, d'après les Nation unies, dans les violences en République démocratique du Congo depuis mardi 20 décembre, jour de la fin officielle du mandat de Joseph Kabila. La Constitution du pays interdit au président, âgé de 45 ans et au pouvoir depuis 2001, de se représenter.
En revanche, les autorités locales avancent un chiffre de onze morts. Selon des sources officielles, neuf personnes ont été tuées à Kinshasa et deux à Lubumbashi. «
A Kinshasa, il y a eu neuf morts », a affirmé à l'AFP le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, parmi lesquelles «
six pillards », et «
un policier » en plus de deux passantes atteintes par des balles perdues.
A Lubumbashi, deuxième ville du pays située au sud-est et fief de
l'opposant en exil Moïse Katumbi, un manifestant et un policier sont morts dans des affrontements. Ceux-ci ont également blessé trois civils, selon le gouverneur local.
Dans le centre, l'attaque de la ville de Kananga (centre) par une milice qui conteste le pouvoir central a entraîné de violents combats. L'armée congolaise parle de morts «
de part et d'autre » sans plus de précisions.
Kisangani, Goma et Bukavu ont été épargnées par les violences, selon les correspondants locaux de l'AFP.
La Mission des Nations unies au Congo (Monusco) enquête quant à elle sur des informations crédibles faisant état d'une vingtaine de morts dans la capitale. Celle-ci s’inquiète également d'une «
vague d'arrestations » de 113 personnes depuis le 16 décembre.
Kabila accroché au pouvoir
Joseph Kabila entend ainsi rester président jusqu'à l'élection de son successeur mais l’élection présidentielle qui devait se tenir en 2016 n'a pas été organisée.. Le scrutin n'est pas attendu avant au moins avril 2018. Son refus de quitter le pouvoir alors que son mandat a expiré suscite l'indignation de l'opposition et d'une partie de la population.
Sur les réseaux sociaux, les internautes congolais, qu'ils soient membres de la diaspora ou habitants de la RDC, sont nombreux à dénoncer le maintien au pouvoir de Joseph Kabila. «
Nous jeunes congolais, nous voulons l'alternance, parce qu'elle va nous apporter un changement et un progrès social » confie David Ngongo, qui vit à Lubumbashi, sur Facebook. Marthe Chaco, elle, souhaite le départ immédiat du président : «
En soi, Kabila a consommé tous ses mandats et maintenant il doit s'en aller. Les Congolais n'ont pas des raisons valables pour lui grâcier deux ans de plus, même pas cinq minutes ! »
Alors que les négociations pour sortir de l’impasse politique devaient reprendre mercredi 21 décembre, Joseph Kabila a nommé lundi soir peu avant minuit un nouveau gouvernement sans attendre la fin de la médiation menée par la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco). Une trahison pour plusieurs utilisateurs de Twitter :
En fonction depuis mardi après-midi, le nouveau Premier ministre, Samy Badibanga, a adressé «
un appel au calme » à la population et exhorté les forces de l'ordre à la «
retenue ».
Appel à résister
Dans une vidéo publiée sur YouTube, mais invisible en RDC où les réseaux sociaux sont filtrés depuis dimanche soir, Etienne Tshisekedi, 84 ans, a appelé à « ne plus reconnaître l'autorité » de Joseph Kabila. Il a exhorté les Congolais à « résister pacifiquement » au maintien au pouvoir du président qu'il qualifie de « coup d'État ».
Dans son allocution, Etienne Tshisekedi convie également la communauté internationale «
à ne plus traiter avec Monsieur Joseph Kabila au nom de la République démocratique du Congo ». Une communauté internationale que les internautes Congolais pressent d'agir. Sur Facebook, Germain Kwimi se questionne : «
Kabila et sa bande ont tout planifié pour mettre en bride la population et imposer la dictature en RDC,aujourd'hui comment la France les USA et autres peuvent-ils laisser cette situation ? »
Figure tutélaire de la coalition du « Rassemblement », Etienne Tshisekedi s'est dit favorable à la poursuite des négociations sous l'égide de la Cenco. Le « Rassemblement » demande, lui, l'instauration d'une transition politique avec une présidentielle en 2017 et la garantie que Joseph Kabila ne se représentera pas.
André-Alain Atundu, porte-parole de la majorité présidentielle, a dénoncé «
une déclaration d'une confusion totale ».
Violence latente en RDC
Par peur de violences, la plupart des 10 millions d'habitants de Kinshasa, troisième ville du continent africain, vit cloîtrée. Des policiers et militaires ont été déployés en masse dans les grandes villes du pays.
De premières échauffourées ont débuté mardi peu après minuit, avec des coups de feu dans plusieurs quartiers de la capitale pour faire taire des concerts populaires de sifflets et casseroles en signe de protestation contre le régime de Joseph Kabila. Dans la matinée, de nouveaux affrontements, notamment des tirs, ont été rapportés dans plusieurs quartiers, mais le calme est revenu progressivement dans l'après-midi.
Ravagée par deux guerres entre 1996 et 2003, la RDC - dont la partie est reste déchirée par la violence de nombreux conflits armés - est minée par une crise politique émaillée de violences depuis la réélection contestée de Joseph Kabila en 2011. La quasi-totalité des quelque 70 millions de congolais, dont les deux tiers de moins de 25 ans, survit dans la misère.
«
Une date pour l'élection doit être fixée le plus vite possible, dans l'intérêt de la paix civile » a déclaré le ministre des Affaires étrangères français Jean-Marc Ayrault, estimant que «
si rien ne se passe, l'Union européenne devra reconsidérer le niveau de ses relations» avec la RDC.