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Né le 2 juillet 1925, à Onalua (localité située dans l’actuelle province du Sankuru, dans le centre de la RDC), dans ce qui est alors le Congo belge, Patrice Emery Lumumba, de son vrai nom de son vrai nom Elias Okit’Asombo, est issu d’une famille plutôt modeste. Doté de capacités intellectuelles au-dessus de la moyenne, il reçoit très tôt une éducation solide dans les écoles missionnaires chrétiennes. À l’époque, malheureusement, les autorités coloniales belges qui conduisent une politique d’exploitation et de prédation féroce, n’entendent pas développer le système éducatif local. Celui-ci ne dispense alors aux indigènes, c’est-à-dire aux autochtones, que des enseignements rudimentaires destinées à former des bataillons d’auxiliaires serviles et corvéables.
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Assoiffé de culture et soucieux de parfaire son éducation, Patrice Emery Lumumba se plonge notamment dans des manuels d’histoire. Parallèlement à ses activités de formation autodidacte, il travaille comme employé à la Symétain dès 1943, une société minière alors installée à Kalima, dans la région du Maniema, dans l’est du pays, et ce jusqu’en 1945. L’occasion pour lui de prendre conscience de l’importance des matières premières sur le plan économique, mais aussi de toucher du doigt l’assignation à des postes subalternes que subissent les indigènes. Quelques mois plus tard, il rejoint Stanleyville où il trouve un emploi dans les PTT. Très vite, il parvient non seulement à intégrer le cercle des évolués de la ville, mais aussi à devenir le président de cette structure qui regroupe les indigènes lettrés.
(Re)voir : "RDC : la Belgique restitue la dépouille de Patrice Lumumba"
En 1957, Patrice Emery Lumumba est embauché par UNIBRA, les Brasseries du Bas-Congo. Un an plus tard, il se voit confier la direction commerciale de cette entreprise. Grâce à son charisme et ses talents d’orateur, la popularité de Patrice Emery Lumumba n’a de cesse de croître dans la région. Ses convictions nationalistes affirmées le conduisent tout naturellement à créer le MNC, le Mouvement nationaliste congolais, en 1958. La même année, il participe à la conférence panafricaine des peuples, organisée à Accra, au Ghana, par Kwame Nkrumah, le père de l’indépendance ghanéenne. Outre la prise de conscience de l’importance du nationalisme africain, Patrice Emery Lumumba profite de son séjour au Ghana pour rencontrer Nkrumah, mais aussi le leader guinéen Ahmed Sekou Touré. Après son retour au Congo, il présente les résultats de la conférence d’Accra au cours d’un meeting politique à Léopoldville.
Un an seulement après le lancement du MNC, parti d’inspiration socialiste et panafricaniste, Patrice Emery Lumumba et ses camarades remportent les élections dans la province orientale. Les émeutes violentes qui secouent la région au cours de cette année 1959, conduisent les autorités à emprisonner Patrice Emery Lumumba durant quelques mois. Il faut d’ailleurs l’intervention du ministre belge des colonies pour qu’il assiste à la conférence de la Table ronde, à Bruxelles, en Belgique, en janvier 1960. Objectif : trouver une date pour l’indépendance du Congo belge. L’arrivée sur place de Patrice Emery Lumumba tout juste sorti de prison, provoque une relative montée de tension au sein de la délégation congolaise. Le jeune leader politique concentre en effet les regards. Les autorités belges sont mises au pied du mur et contraintes d’accepter la date du 30 juin pour l’indépendance.
De retour au Congo, Patrice Emery Lumumba siège au sein du Collège exécutif général comme représentant de la province orientale [Après la Table ronde de Bruxelles, le Collège exécutif général, composé du gouverneur général de la colonie et de six membres congolais nommés par le Roi sur proposition du ministre du Congo belge et du Ruanda-Urundi, exerce le pouvoir exécutif qui relevait jusque-là de la seule compétence du gouverneur général]. Lors des élections de 1960, le succès du MNC permet à Patrice Emery Lumumba d’être désigné « informateur », puis « formateur ». Il devient donc premier ministre. Mais il va surtout écrire l’une des plus belles pages de l’histoire de la résistance au colonialisme le 30 juin 2960, jour de l’indépendance, avec son discours qui brocarde notamment le racisme des colons, en présence du roi des Belges, Baudoin.
Au cours de cette cérémonie qui marque la naissance du Congo indépendant, Patrice Emery Lumumba prend en effet la parole alors que cela n’était pas prévu dans le programme. Il prononce alors un discours très critique sur le bilan de la colonisation belge. Alors que le roi Baudoin loue l’action de la Belgique et perçoit l’indépendance comme « l’aboutissement de l’œuvre conçue par le génie du roi Léopold II », le leader du MNC prononce un discours très critique et qui enchante les populations congolaises. « Ce que fut notre sort en 80 ans de régime colonialiste, nos blessures sont trop fraîches et trop douloureuses encore pour que nous puissions les chasser de notre mémoire. Cette indépendance du Congo, si elle est proclamée aujourd’hui dans l’entente avec la Belgique, pays ami avec qui nous traitons d’égal à égal, nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier cependant que c’est par la lutte qu’elle a été conquise. », lance-t-il ce jour-là. Un propos qui contraste fortement avec les propos mesurés du président Joseph Kasa Vubu.
En ce 30 juin 1960, le roi Baudoin est ulcéré par le discours anticolonialiste de Patrice Emery Lumumba. Jugeant le gouvernement belge de l’époque trop timoré par rapport aux nationalistes congolais, il va tenter de le faire tomber, en vain. Il parvient cependant à faire nommer l’un de ses fidèles, Harold d’Aspremont Lynden, comme ministre des Affaires africaines. Mais il n’a qu’une obsession, en finir avec Patrice Emery Lumumba. Ce dernier est pris de court par une mutinerie de soldats congolais et leurs exactions contre les colons belges en juillet 1960. Lumumba fait appel à la troupe à Léopoldville et envisage la mise en place d’un protectorat militaire belge sur l’ensemble du pays. Le 15 août 1960, les autorités belges poussent le président Joseph Kasa-Vubu à démettre le premier ministre Patrice Emery Lumumba. C’est chose faite le 5 septembre.
Lumumba est ensuite arrêté fin 1960. Il est transporté à Elisabethville, l’actuelle Lubumbashi, où il est assassiné le 17 janvier 1961, avec deux de ses compagnons de lutte, Maurice Mpolo et Joseph Okito. Les hommes choisis pour commettre ces crimes sont des séparatistes de la région du Katanga (sud), avec l’appui de mercenaires belges. Dissous dans de l’acide, le corps du héros de l’indépendance congolaise n’a jamais été retrouvé. Il a fallu plusieurs décennies pour découvrir, en 2016, que des restes humains avaient été conservés en Belgique. L’ancien policier belge Gérard Soete, qui avait activement participé à l’élimination de Patrice Emery Lumumba, brise le secret et s’en vante dans les médias. En 2000-2001, une commission d’enquête parlementaire « a conclu que le gouvernement belge avait fait manifestement peu de cas de l'intégrité physique de Patrice Lumumba et qu'après son assassinat, ce même gouvernement a délibérément répandu des mensonges sur les circonstances de son décès ».