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Chassés du pays en 2013, les rebelles du « Mouvement du 23 mars », plus communément appelés M23, font de nouveau parler d’eux. Les 28 et 29 mars 2022, les rebelles sont sortis de leurs bastions d’altitude pour attaquer des positions de l’armée, notamment à Runyoni et Tchanzu, région où huit soldats de l’ONU sont morts dans le crash de leur hélicoptère le 29 mars, encore inexpliqué.
Nous confirmons le décès de 8 militaires qui étaient à bord de l'hélicoptère qui a disparu et s'est écrasé hier. Les corps ont été trouvés et ramenés à Goma.
— MONUSCO (@MONUSCO) March 30, 2022
Nous présentons nos condoléances aux gvmt et aux familles de 6 casques bleus du Pakistan, 2 de Russie et de Serbie pic.twitter.com/6vJa1J9zBD
Par ailleurs, environ 72 000 personnes se sont enfuies de leurs villages en huit jours, pour trouver refuge dans les localités voisines ou en Ouganda, où des milliers d’autres personnes se sont mises à l’abri en mars, selon le Haut Commisariat aux Réfugiés (HCR). La raison ? Depuis le 22 mai, les combats entre les rebelles du M23 et les Forces armées de République démocratique du Congo (FARDC) se sont accentués.
Le M23 est essentiellement composé par des anciens soldats de l'armée congolaise qui se sont rebellés car ils accusent le gouvernement de marginaliser leur minorité ethnique tutsi. Plus précisément, « la plupart viennent de communautés rwandophones congolaises du nord », détaille Pierre Boisselet, chercheur au groupe d’études sur le Congo dans le Journal Afrique du 4 avril 2022 sur TV5MONDE. Selon lui, les rebelles du M23 « voudraient reprendre les terres qu’ils estiment leur appartenir. »
Ce que veulent les membres du M23, c’est une meilleure représentativité à l’intérieur des autorités du Nord-Kivu.Christophe Boisbouvier, journaliste à RFI
En 2013, le journaliste de RFI Christophe Boisbouvier soulignait que la reconnaissance des Tutsis dans la société congolaise « est un vieux problème de fond qui remonte aux années Mobutu et qui n’a jamais été résolu. » Et d'ajouter : « ce que veulent les membres du M23, c’est une meilleure représentativité à l’intérieur des autorités du Nord-Kivu ». BBC News Afrique rappelle que Après avoir capturé une grande partie de la province du Nord-Kivu il y a une dizaine d'années, le M23 a été défait et dissous dans le cadre d'un accord de paix régional signé à Nairobi en décembre 2013. Les rebelles du M23 sont désarmés et déplacés pour la plupart dans des camps en Ouganda.
Les rebelles du M23 ont voulu mettre un coup de pression pression au gouvernement pour qu’il accepte leurs revendications.
Pierre Boisselet, chercheur au Groupe d’étude sur le Congo
Signé le 12 décembre 2013, l’accord entre le M23 et le gouvernement congolais prévoyait notamment la dissolution du M23 en tant que groupe armé. En contrepartie, Kinshasa devait s’engager à faciliter « la démobilisation, le désarmement et la réinsertion » des combattants.
Mais ces derniers mois, près de 10 ans plus tard, les rebelles ont quitté les camps car ils estiment que la RDC ne respecte pas ses engagements sur la démobilisation des combattants. Selon Pierre Boisselet, « ils ont voulu mettre un coup de pression pression au gouvernement pour qu’il accepte leurs revendications. » Les rebelles souhaitent « qu’on accepte qu’ils soient réintégrés au FARDC », ou qu’ils puissent revenir sur les terres qu’ils revendiquent.
Cependant, « ce gouvernement [de RDC] a dit assez clairement qu’il ne voulait plus réintégrer collectivement des rebelles au sein de l’armée, ajoute le chercheur au groupe d’étude sur le Congo. C’est aussi la position de la communauté internationale, qui pourrait financer le prochain programme de démobilisation. »
Le 25 mai 2022, Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement congolais déclare que « des soupçons se cristallisent sur un soutien qu’aurait reçu le M23 de la part du Rwanda. »
le Rwanda, je le dis sans hésitation, a attaqué le camp de Rumangabo (de l'armée congolaise)
Christophe Lutundula, le ministre des Affaires Etrangères congolais
Au même moment, Christophe Lutundula, le ministre des Affaires Etrangères congolais affirme que « le Rwanda, je le dis sans hésitation, a attaqué le camp de Rumangabo », une importante base des FARDC à une quarantaine de kilomètres au nord de Goma. Il ajoute que « le M23, soutenu par le Rwanda, a attaqué les troupes internationales » de l’ONU.
Alors qu’il serait légitime que le Rwanda réponde aux attaques des FARDC sur son territoire, il n’est pas impliqué dans les combats en cours
Yolande Makoko, porte-parole du gouvernement rwandais
De son côté, le gouvernement rwandais réfute les accusations congolaises. « Alors qu’il serait légitime que le Rwanda réponde aux attaques des FARDC sur son territoire, il n’est pas impliqué dans les combats en cours », affirme la porte-parole du gouvernement rwandais Yolande Makoko.
Pour le Rwanda, il s’agit d’un « conflit intra-congolais. » Le 23 mai, Kigali accuse l’armée congolaise d’avoir tiré des roquettes vers le Rwanda, blessant plusieurs civils. Une enquête a été demandée au Mécanisme de vérification conjoint élargi (MCVE), un organisme régional qui surveille et mène des enquêtes sur les incidents de sécurité dans la région volatile des Grands lacs.
Pour comprendre les divergences entre les deux pays sur la rébellion du M23, il faut aussi remonter au génocide des Tutsi au Rwanda, en 1994. Cette tragédie est à l’origine d’un exode massif de Hutu rwandais, accusés d’avoir massacré les Tutsi, en RDC. Depuis, le Rwanda est régulièrement accusé par Kinshasa d’incursions au Congo et de soutien à des groupes armés dans l’est du pays.