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Récit : Ph. Randrianarimanana, montage : E. Marty
© TV5MONDE
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RDC : à Yumbi, des crimes contre l’humanité ?

Les tueries de décembre dernier dans le territoire de Yumbi (ouest de la République démocratique du Congo) constituent-elles des crimes contre l’humanité ? Probablement, répond l’ONU dans un rapport publié cette semaine.

Trois localités, un seul mode opératoire. Ce que les enquêteurs de l’ONU découvrent en se rendant dans le territoire de Yumbi du 17 au 26 janvier dernier, ressemble fort à un massacre organisé et planifié. En une vingtaine de pages, ils détaillent les événements des 16 et 17 décembre 2018 à Yumbi, Bongende et Nkolo II : "Le mode opératoire des attaques (...) était similaire : plusieurs centaines, voire des milliers de personnes ont envahi les localités, équipées d'armes à feu de type calibre 12, d'armes blanches et d'essence".

Mais l’ONU va plus loin dans les détails. "Des mutilations d'organes génitaux des hommes, des femmes et des enfants ont été systématiques lors de l'attaque de Bongende et ont été commises à grande échelle à Yumbi", peut-on lire dans le document. Les enquêteurs posent donc la question de la commission d’éventuels crimes contre l’humanité. 

Capture extrait rapport ONU Yumbi
Extrait du rapport du bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l'Homme publié ce mardi 12 mars 2019.
© Capture d'écran

A l’issue de ces deux journées de violences, un bilan (non exhaustif, précise le rapport) : 535 morts, 111 blessés, près d’un millier de bâtiments pris pour cible. 
Qui sont les victimes ? Des Banunu essentiellement. Le rapport évoque une centaine de victimes dans la communauté Batende mais les enquêteurs “n’ont pas collecté d’éléments attestant cette information”.

Cohabitation explosive

Le territoire de Yumbi, province du Maï-Ndombe, dans l’ouest de la République démocratique du Congo n’est pas le théâtre de l’un des éternels conflits armés du pays. Mais la cohabitation entre Batende et Banunu y est explosive.

A l’origine de la flambée de violences de décembre, la volonté des Banunu d’enterrer leur chef, Mantoma Fedor, sur la parcelle familiale au centre de la Cité de Yumbi. Par le passé, deux autres chefs Banunu ont déjà été inhumés dans des terrains privés, dont le propre père de Mantoma Fedor en 2005. Pour les Batende, il s’agit d’une forme d’annexion de terres leur appartenant. Ils reçoivent au passage le soutien des autorités provinciales qui, pour des raisons sanitaires et sécuritaires, demandent que l’inhumation ait lieu dans un cimetière public en périphérie de la Cité.

Au cours de la première quinzaine de décembre, c’est donc illégalement que les Banunu préparent la sépulture de Mantoma Fedor et imposent, racontent les enquêteurs de l’ONU, des rites funéraires, y compris aux membres de la communauté Batende.

Au cours des deux semaines précédant les massacres, la tension va monter continuellement sans que rien ne soit fait pour empêcher l’explosion. L’inhumation, dans la nuit du 14 au 15 décembre, et les manifestations de joie et chants de victoire des Banunu qui vont suivre pendant la journée du 15 seront donc l’étincelle.

Responsabilités

Ces signes auraient dû alerter les autorités congolaises. C’est ce qu’affirment les enquêteurs de l’ONU. S’il n’y a pas de “responsabilités étatiques”, l’enquête révèle toutefois que “les autorités nationales et provinciales avaient été informées du risque élevé de violences, mais n'ont pris aucune mesure préventive”.

A quelques jours d’une élection présidentielle qui attirait toutes les attentions, les autorités auraient donc fait preuve de négligence. Restent les recommandations : comment éviter de nouveaux massacres ? Le rapport de l’ONU l’affirme : “Les causes du conflit entre Batende et Banunu n’ont pas été résolues (...) et les tensions sont palpables”. Signe d’une situation toujours critique : en plus des 16000 départs dès décembre, l’ONU rapporte que fin février, soit plus de deux mois après les massacres, des mouvements de population étaient toujours constatés, que ce soit en RDC ou vers la République du Congo voisine. Et les enquêteurs d’alerter : “Vu l’ampleur des destructions matérielles, le retour n’est pas envisagé à court terme par les déplacés ayant perdu leurs maisons, tous leurs biens et autres moyens de subsistance”.