Fil d'Ariane
La République démocratique du Congo et le Rwanda ont signé vendredi 27 juin, sous les auspices des États-Unis, un accord de paix visant à mettre fin au conflit dans l'est de la RDC, qui a fait des milliers de morts. Mais le M23 est le grand absent de cet accord.
Le M23 est le grand absent dans l'accord de paix signé entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, vendredi 27 juin 2025.
L'accord de paix signé, vendredi 27 juin, entre le Rwanda et la République démocratique du Congo, sous l'égide des États-Unis, prévoit des dispositions sur "le respect de l'intégrité territoriale et l'arrêt des hostilités" dans l'est de la RDC.
Celui-ci prévoit le départ des forces rwandaises du territoire congolais, l'éradication des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), la protection des civils, le retour des personnes déplacées et des réfugiés ainsi qu'un renforcement de la coopération économique régionale.
"Tout cela, sur le papier, c'est clair. Mais pour la mise en œuvre, ce sera très ardu", estime Onesphore Sematumba, analyste à International Crisis Group. Il a notamment insisté sur "l'absence remarquable" du M23 dans les négociations et dans les dispositions de l'accord. "Le M23 n'aurait pas dû être traité à part alors qu'il est au centre du conflit entre Kigali et Kinshasa."
Le texte, publié par le département d'État, ne mentionne explicitement le M23 que dans le cadre d'un autre processus de négociations avec la seule RD Congo, sous l'égide de Doha. Ses gains territoriaux ne sont pas abordés. Le groupe armé, comme les milices locales qu'il combat, n'a jamais officiellement reconnu les précédents cessez-le-feu.
Les affrontements ont fait des milliers de morts, déplacé des centaines de milliers de personnes et provoqué une vaste crise humanitaire. Le front est stabilisé depuis février, mais les combats se poursuivent entre le M23 et une myriade de milices locales plus ou moins autonomes, qui mènent des actions de guérilla.
Sur le terrain, la signature de cet accord est accueilli avec espoir et prudence par les populations locales, aussi bien côté congolais que rwandais.
"Cet accord oublie un acteur principal, le M23. Il y a un autre processus de négociations en parallèle qui se trouve à Doha et qui est actuellement au point mort", analyse sur le plateau de TV5MONDE Christophe Rigaud, journaliste et fondateur du site Afrikarabia.
"Kinshasa et Washington espèrent qu'en signant un accord de paix avec le Rwanda, le M23 se retrouverait affaiblit comme ça a été le cas en 2013 où le groupe c'était disloqué. Mais nous sommes dans une configuration différente."
En effet, le M23 contrôle des territoires très vastes depuis plus de six mois, dont les capitales provinciales du nord et sud-Kivu, Goma et Bukavu. Le groupe continue par ailleurs de recruter et d'augmenter ses effectifs.
(Re)voir RD Congo-Rwanda : signature de l'accord de paix, victoire diplomatique pour Trump ?
Kigali nie soutenir militairement le M23 mais affirme que sa sécurité est depuis longtemps menacée par des groupes armés, notamment les FDLR, créées par d'anciens dirigeants hutus liés au génocide rwandais de 1994 et installés depuis en RD Congo.
Le chef de la diplomatie rwandaise, Olivier Nduhungirehe, a déclaré que "la première chose à faire est de commencer à mettre en œuvre le concept d'opérations pour la neutralisation des FDLR, qui s'accompagnera d'une levée des mesures défensives du Rwanda".
Mais, comme le souligne Trésor Kibangula, analyste politique à l'institut de recherche congolais Ebuteli, l'accord charge la RD Congo de neutraliser les FDLR alors même que ces derniers se trouvent dans des zones qui ne sont aujourd'hui plus sous le contrôle de Kinshasa.
"La signature de l'accord à Washington marque une avancée diplomatique visible, mais le plus dur commence maintenant", dit-il, craignant que le texte n'en reste au stade de "geste symbolique".
"Le M23 a toujours dit qu'il n'était pas concerné par cet accord. Et tous les précédents cessez-le-feu n'ont jamais été respectés car ils n'incluaient pas toutes les parties. Cet accord est un premier pas mais il faut ensuite qu'il continue à Doha avec le M23 et avec les autres groupes armés comme les Wazalendo, qui sont les supplétifs de l'armée congolaise", complète Christophe Rigaud.
À Goma, la question de la mise en application inquiète également Roland Mumbere. "On devra encore attendre longtemps pour voir cette crise prendre réellement fin", déclare à l'AFP cet habitant et militant de la société civile.
Le mois prochain, une prochaine étape devrait avoir lieu avec la présence du président de la RD Congo Félix Tshisekedi et de celui du Rwanda Paul Kagame à la Maison Blanche.
"C'est une rencontre qui peut être intéressante en fonction de ce qui se passe sur le terrain. Si ça bloque, cela peut permettre à Donald Trump de remettre un coup de pression sur les différents acteurs", note Christophe Rigaud.