Restitution du patrimoine africain : où en sont les pays européens ?

La France qui vient de rendre ce 9 novembre 26 œuvres au Bénin n'est pas le seul pays engagé dans le retour du patrimoine africain. D'autres anciennes puissances coloniales européennes se lancent également dans des procédures de restitution d'œuvres africaines pillées. État des lieux de ces processus de restitution.

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Bronzes du bénin
Les "bronzes du Bénin", ici exposés au British Museum, sont présents dans de nombreuses institutions muséales en Europe. Le Humboldt Forum en Allemagne vient de signer un accord avec le Nigeria pour rendre les pièces qu'il détient. Le British museum refuse toute restitution.
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La France doit rendre des œuvres au Sénégal, à la Côte d'Ivoire ou à Madagascar

Au delà des 26 pièces du "Trésor de Béhanzin" provenant du pillage du palais d'Abomey en 1892 et restituées au Bénin, la France s'est engagée à poursuivre le processus de restitution du patrimoine aux pays africains.

Lire : La France rend solennellement le trésor d'Abomey au Bénin

Le Sénégal doit ainsi prochainement récupérer la pleine propriété d'un sabre et de son fourreau attribués à El Hadj Omar Tall, grande figure militaire et religieuse ouest-africaine du XIXe siècle. Ce sabre est déjà exposé à Dakar dans le cadre d'un prêt de longue durée, mais il est détenu par le Musée de l'Armée à Paris.
 
SABRE
Le sabre avec son fourreau exposé au lmusée des civilisations noires de Dakar.
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Une loi votée fin 2020 a rendu possible ces restitutions au Bénin et au Sénégal en permettant des dérogations au principe d'"inaliénabilité" des œuvres dans les collections publiques, dans le cas de pillages caractérisés.

Fin 2020, la France a par ailleurs remis en "dépôt" à Madagascar une couronne en métal doré et velours. Celle-ci surmontait  le dôme du dais royal de la Reine Ranavalona III. La souveraine malgache avait résisté pendant son règne (1883-1897) au colonialisme français.

Djidji Ayokwe
Le Djidji Ayokwe, « tambour parleur » des Ebrié de Côte d’Ivoire, va bientôt être restitué par la France. Volé par les colons en 1916 dans un faubourg d'Abidjan, l'instrument rituel en bois de 3,30 mètres de long, fendu et orné d'un léopard, est aujourd'hui conservé au musée du Quai Branly
Musée du Quai Branly

De son côté, la Côte d'Ivoire a officiellement demandé fin 2018 à la France la restitution de 148 œuvres.

Le pays espère se voir remettre le Djidji Ayokwe, le tambour parleur du peuple Ebrié, réclamé de longue date. Objet symbolique, cet outil de communication avait été confisqué par les colons en 1916. Il est actuellement conservé au musée du Quai Branly à Paris.

En Belgique, le gouvernement propose un plan de restitution à la RDC

Le gouvernement belge a présenté début juillet une feuille de route pour restituer à la République démocratique du Congo (RDC), son ancienne colonie, des milliers d'objets culturels acquis abusivement, particulièrement lors des violences commises sous le règne de Léopold II entre 1885 et 1908. Le processus pourrait durer plusieurs années.

La plupart des œuvres et des objets se trouvent au Musée royal d'Afrique centrale. Il s'agit de l'ancien Palais de colonies édifié sous Léopold II. Beaucoup de ces objets doivent être déclassés pour sortir du domaine inaliénable.

Combien d'objets ? Un peu plus de 1500 à 2000 objets ont été classés comme mal acquis. Mais plusieurs autres milliers sont éligibles à une restitution. Le gouvernement belge, de manière semblable à ce que la France a fait avec le trésor d'Abomey, entend préparer une loi de restitution.

Tout ce qui a été acquis de façon illégitime dans le cadre de vols, dans le cadre de violences, dans le cadre de pillages, doit être restitué.Thomas Dermine, membre du gouvernement fédéral belge

Le projet de loi annoncé en juillet 2021 par Thomas Dermine, secrétaire d'Etat de la politique scientifique, doit être déposé devant le parlement fédérale début 2022. " Tout ce qui a été acquis de façon illégitime dans le cadre de vols, dans le cadre de violences, dans le cadre de pillages, doit être restitué", estimait alors le membre du gouvernement belge.

La RDC pourra-t-elle exposer dans des conditions optimales toutes ces pièces? 

La Belgique proposerait un transfert de propriété à la RDC. La RDC pourrait signer des accords de coopération pour garder certaines pièces en Belgique.

(Re)voir : La Belgique face au défi de la restitution des œuvres spoliées pendant la colonisation

Pour l'instant, Kinshasa n'a pas encore fait de demande officelle de restitution mais le président Felix Tshisekedi a inauguré en 2019 le nouveau musée nationale de République démocratique du Congo.

Le président de la RDC plaide pour le moment pour un "retour organisé du patrimoine". Pour l'instant, le nouveau musée ne peut acceuillir que 12 000 pièces dans des conditions de conservation optimales.

Au Royaume-Uni, ce sont les universités qui restituent le patrimoine africain

L'université de Cambridge a remis le 27 octobre dernier au Nigeria une sculpture de coq en bronze pillée il y a un siècle. L'université est la première institution britannique à restituer un objet volé pendant la colonisation. La procédure de restitution avait débuté après une campagne d'étudiants contre les symboles rappelant le passé colonial.

Cette fine sculpture faisait partie des centaines de sculptures, gravures et bronzes pillés par les forces britanniques en 1897 lors de la destruction de Benin City, alors capitale du Royaume du Bénin située dans l'actuel Nigeria.

Dans la foulée, l'université d'Aberdeen, en Ecosse, a aussi restitué au Nigeria un bronze représentant un Oba (roi) du Bénin, acquis aux enchères en 1957.
 

Bronze du Bénin
Le British Museum détient la majorité des  bronzes du Bénin". Le musée national britanique n'entend pas rendre ces bronzes au Nigeria.
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Le British Museum de Londres, qui possède la plus grande collection de ces bronzes également dispersés en Allemagne s'est jusqu'ici refusé à toute restitution, plaidant pour des retours sous la forme de prêt.

En Allemagne, le Forum Humboldt s'engage à rendre des "bronzes du Bénin" au Nigeria

Le Nigeria a conclu mi-septembre un accord avec l'Allemagne pour la restitution à partir de l'été 2022 d'objets d'art pillés pendant l'ère coloniale. L'Allemagne a identifié dans les collections de ses musées environ mille pièces, mais le nombre final d'œuvres restituées dépendra de leur état. 

Le Musée ethnologique de Berlin possède 530 objets historiques provenant de l'ancien royaume béninois, dont 440 bronzes.

Auparavant, l'Allemagne avait restitué en 2019 à la Namibie la croix en pierre de Cape Cross, monument de plus de trois mètres. Erigée en 1486 par des navigateurs portugais, la croix fut expédiée dans les années 1890 à Berlin, pendant la colonisation allemande.