Solidarité
Sur la scène, toute de bleu éclairée, neuf gros bouquets de roses blanches encadrent les portraits des deux journalistes disparus. Quand l’assistance les découvre, en entrant dans le théâtre, on entend : « Regarde-les, ils sont tellement vrais ! » Un autre interroge sa femme : « Y’a que RFI ? Tu sais si France 24 est venu ? » Oui, ils sont tous là mais aussi les salariés de Monte Carlo Doualiya et la Direction de l’information de TV5Monde.
Dans quelques minutes, à 14h30, RFI retransmettra cet hommage. En attendant, on se reconnaît, on s’embrasse, on s’installe. Les traits sont tirés. Il n’y a pas vraiment de tristesse même si, ça et là, on croise des yeux rougis, de pauvres sourires. L’impression qui domine, c’est celle d’une solidarité dans le chagrin, un peu comme une famille endeuillée qui se réunit et fait taire ses querelles et ses divisions.
Un frisson
Le flot du public ne cesse de grossir. On se pousse, on se salue de la main, les places se font rares. La mère de Ghislaine Dupont, petite dame modeste, s’assoit au premier rang avec d’autres membres de la famille. A ses côtés, on reconnaît les ministres français Laurent Fabius, Aurélie Filippetti et Yasmina Benguigui, l'épouse du président François Hollande, Valérie Trierweiler et Marie-Christine Saragosse, présidente de
France-Média Monde.
A quelques minutes de la retransmission, les gens arrivent encore. Nombreux. Quelques personnes veulent s’asseoir sur les escaliers. Le personnel du musée les déloge poliment : « question de sécurité... » Beaucoup se rabattent sur le balcon qui ceinture le théâtre. Le voici rapidement plein à craquer. La lumière baisse un peu. Il est 14h30.
Le direct commence enfin. Dans la salle, un frisson parcourt l’auditoire. On entend tout à coup l’extrait d’un reportage de Ghislaine Dupont. Une voix grave, une diction parfaite, des mots précis et puis aussi la voix de Claude Verlon, le technicien, un jour où il avait prêté la sienne pour assurer une traduction. Plus personne ne parle, plus personne ne bouge. L’impact de ces deux voix semble plonger certains dans le maquis de leurs souvenirs. Puis, d’autres voix montent encore, celles d’auditeurs sous le choc après ce double assassinat, des auditeurs qui suivaient le travail des deux journalistes via leur radio.