Fil d'Ariane
Selon les informations recueillies par franceinfo et le journal Le Monde, la banque est accusée d'avoir contribué au financement d’un achat illégal d’armes à destination du Rwanda en juin 1994, en plein génocide, malgré un embargo sur les armes voté par l’ONU. Le génocide des Tutsis et des Hutus modérés a fait près d’un million de morts au Rwanda, entre avril et juillet 1994. C’est la première fois qu’une telle plainte est déposée contre une banque, en France. Contactée, BNP Paribas déclare ne pas disposer pour le moment des éléments suffisants pour répondre à ce dépôt de plainte.
Toujours selon les informations de franceinfo et Le Monde, c’est une vente d’armes bien précise qui est visée par la plainte des trois associations. À la mi-juin 1994, 80 tonnes d’armes sont livrées depuis les Seychelles jusqu’à Goma, au Zaïre (l'ex-République Démocratique du Congo), à proximité de la frontière rwandaise. Deux rotations par avion sont organisées dans la nuit du 16 au 17 juin et dans la nuit du 17 au 18 juin 1994, à Goma, dont l’aéroport est alors contrôlé par la France.
Ces armes proviennent d’une saisie effectuée par le gouvernement seychellois sur un bateau, arraisonné en mars 1993. Elles auraient ensuite été transférées par la route aux Forces armées rwandaises (FAR) au Rwanda, qui participent alors au génocide.
Théoneste Bagosora, l’un des "cerveaux" du génocide, condamné à 35 ans de prison par la cour d’appel du Tribunal pénal international (TPIR) en 2011 serait au coeur de ce transfert. Selon nos confrères, qui ont eu accès aux détails de cette plainte, ce dernier aurait eu recours à un intermédiaire sud-africain, Petrus Willem Ehlers, ancien secrétaire de Pieter Willem Botha, Premier ministre d’Afrique du sud. Il aurait reçu sur un compte suisse - l’Union bancaire privée de Genève - deux virements d'un total s'élevant à plus d’1,3 million de dollars. Le paiement aurait été effectué par la BNP à la demande de la Banque nationale du Rwanda (BNR) à Kigali.
"D’après les éléments dont nous disposons, la BNP aurait eu nécessairement connaissance que ce transfert de fonds allait contribuer à l’achat d’armes et au génocide", estime Marie-Laure Guislain, responsable du contentieux à Sherpa à l'antenne de franceinfo. Une nouvelle loi sur le devoir de vigilance des grandes entreprises a été adoptée en France le 21 février 2017. L'association Sherpa, qui a beaucoup contribué à ce texte, souhaite qu'elle soit désormais appliquée aux banques, ce qui "permettrait d’éviter l’implication des institutions financières dans de graves violations de droits humains", précise Marie-Laure Guislain.