Fil d'Ariane
Dans la file des détenus libérées, l'une des principales figures de l'opposition rwandaise attirait ce samedi l'attention de nombreux journalistes : Victoire Ingabire, est sortie de prison hier dans le cadre de la libération anticipée de plus de 2000 prisonniers décidée la veille par le président Paul Kagame.
Les divergences sont le point de départ de la construction.
Victoire Ingabire
Avant de répondre aux questions, elle a pris le temps de remplir l'autorisation de sortie de sa prison de Kigali et de digérer sa surprise. Après huit ans derrière les barreaux, son discours se veut constructif : "J'ai continué à m'informer sur l'état du pays. Le Rwanda se développe et je suis convaincue que nous pouvons faire beaucoup plus en restant unis. Les gens peuvent avoir des divergences. C'est le point de départ de la construction de notre pays dans la paix, avec des points de vue différents et sans entraves... J'espère que cela marque le début de l'ouverture de l'espace politique au Rwanda", a-t-elle ajouté, appelant Paul Kagame à "libérer d'autres prisonniers politiques".
Victoire Ingabire a payé pour ses divergences de vues : quand elle revient de dix-sept ans d'exil aux Pays-Bas, cette économiste veut se présenter face à Paul Kagame à la présidentielle de 2010. Le général est tout-puissant, invincible, appuyé de nombreux militants du Front patriotique Rwandais (FPR). Victoire Ingabire remet en cause la narration du génocide, qu'elle-même n'a pas vécu. Elle veut que les crimes commis contre les Hutu soient aussi reconnus, que les lois soient écrites pour tous. Elle est punie : interdite de présidentielle, puis accusée de divisionnisme d'idéologie génocidaire, condamné à dix ans de prison puis quinze en appel.
Avec Ingabire et plus de 2000 détenus, le chanteur Kizito Mihigo, est sorti lui aussi ce samedi. En 2014, l'une de ses chansons, Igisobanuro Cy'urupfu (L'explication de la mort), avait été interdite, car elle évoquait les crimes commis par les soldats du FPR. Début 2015, il était condamné à dix ans de détention.
Ces libérations semblent aussi avoir un objectif politique : montrer l'ouverture du pouvoir rwandais détenu par Paul Kagame, qui dirige son pays d'une main de fer depuis près d'un quart de siècle, et faire oublier les nombreuses critiques sur les manquements aux droits humains dans le pays.