Fil d'Ariane
Le premier vol commercial direct entre Israël et le Maroc survolait ce mardi la Méditerranée avec à son bord le gendre du président américain Donald Trump, Jared Kushner, et un conseiller du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, preuve que la normalisation des relations entre les deux pays est bien en route.
"J'étais ici il y a quelques mois pour le premier vol vers les Emirats arabes unis après cette percée historique en faveur de la paix. Depuis, des vols commerciaux font la navette plusieurs fois par jour entre les deux pays (...), mon espoir est que ce vol aujourd'hui au Maroc créé la même dynamique", a déclaré M. Kushner sur le tarmac de l'aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv.
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"Au cours des 75 dernières années, les juifs et les musulmans ont été séparés, ce qui n'est pas naturel car ils ont vécu ensemble pendant des siècles dans cette région (...) et ce que nous observons aujourd'hui est un retour à cette norme", a ajouté le gendre du président américain et architecte du plan Trump pour le Moyen-Orient, étrillé par les Palestiniens.
Avant la pandémie de nouveau coronavirus, le Maroc accueillait chaque année entre 50.000 et 70.000 touristes juifs, pour la plupart en provenance indirecte d'Israël.
"50.000 Israéliens viennent tout juste de se rendre à Dubaï et ce qui se passe là-bas est une révolution parce que les Emiratis les ont accueillis chaleureusement (...) et la même chose va se produire maintenant à Rabat et Casablanca", avait déclaré lundi 21 décembre M. Netanyahu dont le conseiller spécial à la sécurité, Meir Ben Shabbat, s'est aussi envolé ce mardi pour Rabat à bord d'un avion de la compagnie israélienne El Al.
Israël, qui compte des centaines de milliers de juifs d'origine marocaine, et le Maroc, où vit encore la communauté juive la plus importante d'Afrique du Nord, avaient déjà entretenu des relations officielles à la fin des années 1990.
Deux bureaux diplomatiques ont assuré la liaison après les accords de paix israléo-palestiniens d'Oslo de 1993, jusqu'à leur fermeture après le déclenchement de la deuxième intifada en 2000.
Le nouvel accord formalise "un partenariat de facto remontant à plus de 60 ans", avec notamment une "coopération dans le domaine du renseignement et de la sécurité", a rappelé Ahmed Charaï, patron de presse marocain connu pour sa proximité avec les cercles de pouvoir, dans une chronique publiée par le Jerusalem Post.
Fait rare dans le monde arabe, le Maroc revendique "l'affluent juif" de son histoire, sous l'impulsion du roi Mohammed VI. Casablanca accueille notamment un "musée du judaïsme marocain".
Ce vol Tel-Aviv/Rabat doit être suivi par la signature d'accords au Maroc et le développement, à terme, de lignes aériennes directes entre les deux pays.
En acceptant de relancer officiellement ses relations avec Israël, le Maroc a obtenu en contrepartie que le président Trump reconnaisse sa "souveraineté" sur le Sahara occidental, une ex-colonie espagnole que lui disputent depuis des décennies les indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l'Algérie.
L'accord propose d'ailleurs l'ouverture d'un consulat américain au Sahara occidental et un programme d'investissement américain, que la presse marocaine assure colossal, la réouverture de bureaux diplomatiques à Tel-Aviv et Rabat, fermés au début des années 2000, et le développement de la coopération économique bilatérale.
Les Palestiniens, du Fatah laïc de Mahmoud Abbas aux islamistes du Hamas, s'opposent à ces accords, estimant que la normalisation des relations entre Israël et le monde arabe aurait dû se faire après un accord de paix israélo-palestinien et non avant.
Mais, comme le Sahara occidental, le soutien aux Palestiniens est considéré comme une "cause nationale" au Maroc. Si, selon l'agence officielle MAP, les Marocains ont célébré dans le monde entier la "marocanité du Sahara", deux manifestations propalestiniennes ont été interdites la semaine dernière à Rabat, avec une mobilisation impressionnante des forces de l'ordre.
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La République démocratique du Congo a inauguré un consulat à Dakhla, grand port de pêche situé dans le territoire disputé du Sahara occidental, a annoncé le ministère des Affaires étrangères marocain.
L'ouverture samedi 19 décembre de ce consulat "revêt un caractère politique et diplomatique significatif et concrétise la reconnaissance de la souveraineté pleine et entière du royaume du Maroc sur son Sahara", a déclaré la cheffe de la diplomatie congolaise, Marie Tumba Nzeza samedi à Dakhla.
Ce pays d'Afrique de l'Ouest devient le 19e à ouvrir une représentation diplomatique au Sahara occidental depuis fin 2019, au terme d'efforts intenses de la diplomatie marocaine.
Le royaume de Bahreïn et Haïti ont aussi ouvert lundi 14 décembre un consulat au Sahara occidental. Le consulat du royaume du Bahreïn a été inauguré à Laâyoune, la principale ville de l'ancienne colonie espagnole au statut toujours indéfini, dans la partie contrôlée par le Maroc.
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Un important dispositif policier a par ailleurs été déployé autour du Parlement à Rabat, où plusieurs organisations marocaines pro-palestiniennes avaient prévu un sit-in contre cette normalisation. Une poignée de manifestants a été évacuée par les forces de l'ordre, la manifestation ayant été interdite.
Cette ouverture "incarne une logique de solidarité et de défense de l'intégrité territoriale marocaine", s'est félicité Nasser Bourita, le chef de la diplomatie marocaine, après la cérémonie en présence de son homologue Abdellatif al-Zayani.
La République d’Haïti a pour sa part choisi Dakhla, grand port de pêche situé plus au sud, pour ouvrir sa représentation diplomatique, selon les Affaires étrangères marocaines.
Le Maroc, qui contrôle environ les deux tiers du territoire désertique, veut une "autonomie sous contrôle", alors que le Front Polisario milite pour l'indépendance et réclame un référendum d'autodétermination, prévu par l'ONU. Le Polisario considère l'ouverture de ces représentations diplomatiques comme une "violation du droit international et (une) atteinte au statut juridique du Sahara occidental en tant que territoire non autonome".