Sahara occidental : qui est Brahim Ghali le chef du Front polisario récemment réélu ?

Réélu à la tête du Front Polisario, et par conséquent de la République sahraouie autoproclamée, Brahim Ghali défend aujourd'hui la reprise de la lutte armée pour obtenir l'indépendance du Sahara occidental. Qui est cet homme de 73 ans, figure incontournable de la lutte pour la création d'un Etat sahraoui ? Portrait.
Image
Brahim Ghali Front polisario portrait AP
Brahim Ghali pose pour un portrait le 16 octobre 2021 dans le camp de réfugiés de Boujdour en Algérie.
© AP Photo/Bernat Armangue
Partager4 minutes de lecture
"C’est en treillis, les manches retroussées, un gros ceinturon autour de la taille, le regard perçant et le poing levé vers le ciel qu’il est monté sur l’estrade pour prêter serment." En ce mois de juillet 2016, le journaliste de Jeune Afrique envoyé au Sahara occidental raconte l'investiture de Brahim Ghali à la tête du Front Polisario.
La scène se déroule à Dakhla un camp de réfugiés sahraouis. Plus de 2000 délégués s'y sont réunis pour l'occasion. Brahim Ghali succède ce jour-là à son ancien compagnon d'armes, Mohamed Abdelaziz, mort un mois plus tôt après avoir dirigé le mouvement indépendantiste pendant quatre décennies. 

"L’intronisation de Brahim Ghali est tout sauf une surprise", raconte à l'époque Jeune Afrique, citant un diplomate algérien selon qui "il était pressenti comme premier dirigeant du Polisario avant même la désignation de Mohamed Abdelaziz".
En clair, Ghali avait attendu son heure. Sept années plus tard, le voici rempilant pour un troisième mandat.

Le nom et l'image de Brahim Ghali sont étroitement liés à l'histoire du Front polisario et à ses désormais quasi-cinquante années de lutte pour la création d'un Etat sahraoui dans cette région considérée par le Maroc comme ses "provinces du sud".
 

Le conflit du Sahara occidental oppose le Maroc au front Polisario, soutenu par l'Algérie, depuis le désengagement en 1975 de l'Espagne, l'ancienne puissance coloniale.
► Le Polisario réclame un référendum d'autodétermination sous l'égide de l'ONU tandis que Rabat promeut une autonomie sous sa souveraineté.
► "Front Polisario" signifie "Front populaire pour la libération de la Saguia el-Hamra y Río de Oro"
► Un cessez-le-feu en vigueur depuis 1991 avait volé en éclats à la mi-novembre 2020 après le déploiement de troupes marocaines à l'extrême sud du territoire pour déloger des indépendantistes qui bloquaient l'unique route vers la Mauritanie, selon eux illégale car inexistante au moment de l'accord avec Rabat.

Combat pour l'indépendance

Brahim Ghali, qui est né en 1949 à Smara dans la région de Laayoune, est un militaire. C'est en uniforme qu'il se lance dans un combat pour l'indépendance du Sahara occidental. Nous sommes au milieu des années 70. L'Espagne, qui colonisait la région depuis la fin du XIXe Siècle, vient tout juste de s'en aller, répartissant le territoire entre le Maroc et la Mauritanie. Brahim Ghali et ses amis entrent en lutte contre Rabat et Nouakchott avec le soutien de l'Algérie.

Il est, dès 1976, le ministre de la Défense de la république autoproclamée. Un poste que Ghali occupera jusqu'en 1989, participant à ce titre aux pourparlers avec le roi du Maroc Hassan II pour un cessez-le-feu.

carte sahara occidental
TV5MONDE

À la fin des années 1990, changement d'uniforme. Brahim Ghali quitte son treillis et enfile un costume civil. Il devient le représentant du Polisario en Espagne. Il restera neuf ans à Madrid avant de partir pour l'Algérie en 2008, au poste d'ambassadeur à Alger de la République arabe sahraouie démocratique (RASD).

L'occasion de renforcer les liens avec un pays clé du conflit. Un soutien indispensable pour quiconque compte mener le combat du Sahara occidental. Soutien dont il bénéficie encore aujourd'hui.

Son élection à la tête du Polisario en 2016 n'est pas commentée officiellement par le Maroc dans la mesure où le royaume ne reconnaît pas la République sahraouie. Selon Jeune Afrique toutefois, le palais la considère comme "le pire des scénarios". Son hyper-proximité supposée avec le pouvoir algérien serait, pour Rabat, un casus belli.

"Intensifier les combats"

Manifestations en Espagne contre Brahim Ghali
Des manifestants contre Brahim Ghali, le 1er juin 2021 à Madrid en Espagne.
© REUTERS/Sergio Perez

La crise diplomatique d'avril 2021 entre le Maroc et l'Espagne illustre cette énorme défiance.

Brahim Ghali est accueilli par Madrid pour être soigné du Covid-19. Inacceptable  pour les Marocains qui, en représaille, ouvrent notamment les portes de l'enclave espagnole de Ceuta y laissant entrer près de 10.000 migrants. La brouille durera un an. Elle prendra fin avec un retournement diplomatique espagnol proche de l'acrobatie.

L'hospitalisation de Brahim Ghali en Espagne sera aussi l'occasion de deux plaintes déposées à son encontre. La première pour "génocide" sera classée sans suite dès 2021. La seconde pour "tortures" sera enterrée un an plus tard "faute de preuves".

A 73 ans, quel costume Brahim Ghali va-t-il enfiler pour entamer son troisième mandat ? Ses déclarations au quotidien français Le Monde, le 16 janvier 2023, sont sans équivoque : "Il existe une pression énorme pour intensifier les combats et revenir à nos méthodes de lutte antérieures, entre 1986 et 1989, quand nous avons livré des batailles qui ont donné de grands résultats en matière de récupération d’armement et de capture de prisonniers". 

Tout porte à croire qu'il retrouve le kaki de son uniforme militaire. Une option qui serait défendue par la majorité des populations du Sahara occidental.