Fil d'Ariane
Le conflit du Sahara occidental oppose le Maroc au front Polisario, soutenu par l'Algérie, depuis le désengagement en 1975 de l'Espagne, l'ancienne puissance coloniale.
► Le Polisario réclame un référendum d'autodétermination sous l'égide de l'ONU tandis que Rabat promeut une autonomie sous sa souveraineté.
► "Front Polisario" signifie "Front populaire pour la libération de la Saguia el-Hamra y Río de Oro"
► Un cessez-le-feu en vigueur depuis 1991 avait volé en éclats à la mi-novembre 2020 après le déploiement de troupes marocaines à l'extrême sud du territoire pour déloger des indépendantistes qui bloquaient l'unique route vers la Mauritanie, selon eux illégale car inexistante au moment de l'accord avec Rabat.
Brahim Ghali, qui est né en 1949 à Smara dans la région de Laayoune, est un militaire. C'est en uniforme qu'il se lance dans un combat pour l'indépendance du Sahara occidental. Nous sommes au milieu des années 70. L'Espagne, qui colonisait la région depuis la fin du XIXe Siècle, vient tout juste de s'en aller, répartissant le territoire entre le Maroc et la Mauritanie. Brahim Ghali et ses amis entrent en lutte contre Rabat et Nouakchott avec le soutien de l'Algérie.
Il est, dès 1976, le ministre de la Défense de la république autoproclamée. Un poste que Ghali occupera jusqu'en 1989, participant à ce titre aux pourparlers avec le roi du Maroc Hassan II pour un cessez-le-feu.
À la fin des années 1990, changement d'uniforme. Brahim Ghali quitte son treillis et enfile un costume civil. Il devient le représentant du Polisario en Espagne. Il restera neuf ans à Madrid avant de partir pour l'Algérie en 2008, au poste d'ambassadeur à Alger de la République arabe sahraouie démocratique (RASD).
L'occasion de renforcer les liens avec un pays clé du conflit. Un soutien indispensable pour quiconque compte mener le combat du Sahara occidental. Soutien dont il bénéficie encore aujourd'hui.
Son élection à la tête du Polisario en 2016 n'est pas commentée officiellement par le Maroc dans la mesure où le royaume ne reconnaît pas la République sahraouie. Selon Jeune Afrique toutefois, le palais la considère comme "le pire des scénarios". Son hyper-proximité supposée avec le pouvoir algérien serait, pour Rabat, un casus belli.
La crise diplomatique d'avril 2021 entre le Maroc et l'Espagne illustre cette énorme défiance.
Brahim Ghali est accueilli par Madrid pour être soigné du Covid-19. Inacceptable pour les Marocains qui, en représaille, ouvrent notamment les portes de l'enclave espagnole de Ceuta y laissant entrer près de 10.000 migrants. La brouille durera un an. Elle prendra fin avec un retournement diplomatique espagnol proche de l'acrobatie.
L'hospitalisation de Brahim Ghali en Espagne sera aussi l'occasion de deux plaintes déposées à son encontre. La première pour "génocide" sera classée sans suite dès 2021. La seconde pour "tortures" sera enterrée un an plus tard "faute de preuves".
A 73 ans, quel costume Brahim Ghali va-t-il enfiler pour entamer son troisième mandat ? Ses déclarations au quotidien français Le Monde, le 16 janvier 2023, sont sans équivoque : "Il existe une pression énorme pour intensifier les combats et revenir à nos méthodes de lutte antérieures, entre 1986 et 1989, quand nous avons livré des batailles qui ont donné de grands résultats en matière de récupération d’armement et de capture de prisonniers".
Tout porte à croire qu'il retrouve le kaki de son uniforme militaire. Une option qui serait défendue par la majorité des populations du Sahara occidental.