Fil d'Ariane
Une décision sera prise à l'occasion du prochain sommet conjoint de la France et des pays du G5 Sahel en février à N'djamena, a ajouté Florence Parly.
En 2020, la force Barkhane a remporté "des succès militaires importants, à la fois en neutralisant plusieurs hauts responsables de groupes terroristes et en attaquant leurs chaînes logistiques", a poursuivi la ministre des Armées. Le chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), l'Algérien Abdelmalek Droukdal, a été tué dans le nord du Mali en juin. La France a aussi annoncé la "neutralisation" en novembre de Bah Ag Moussa, décrit comme le "chef militaire" du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda.
Trois soldats français ont été tués lundi 28 décembre dans une attaque à l'engin explosif artisanal revendiquée par le GSIM, et deux autres samedi 2 janvier dans des circonstances similaires.
"Oui, les conditions de sécurité au Sahel restent difficiles. Les terroristes utilisent l'arme des lâches", a lancé Florence Parly, affirmant que ces engins artisanaux se déclenchent "indifféremment" au passage de véhicules civils et militaires.
"Si les djihadistes adoptent ces méthodes pernicieuses de guérilla, c'est qu'ils refusent le combat, conscients qu'ils n'auraient aucune chance s'ils devaient se confronter aux soldats de Barkhane dans un combat régulier", a-t-elle jugé.
Les cinq soldats ont été tués alors qu'ils circulaient dans des "VBL", des véhicules blindés légers de conception vétuste.
"Je souhaite qu'on puisse en faire davantage pour mieux protéger nos militaires", a relevé Florence Parly, sans plus de précisions. La ministre a de nouveau exclu toute négociation "avec des groupes terroristes comme Al-Qaïda ou Daech, qui assassinent de manière aveugle et ont du sang sur les mains".
Mais la porte est ouverte pour "des gens qui ont déposé les armes et ne sont pas motivés par une idéologie radicale et criminelle", a-t-elle relevé. Ils doivent se rallier aux accords de paix d'Alger de 2015, a-t-elle ajouté.
Face à la persistance des violences djihadistes, doublées de conflits intercommunautaires, les autorités de transition au Mali n'excluent pas d'engager des négociations avec des groupes armés, tout comme auparavant le président Ibrahim Boubacar Keïta, renversé par un putsch en août.
Après huit ans de présence militaire ininterrompue au Sahel, la France se retrouve face à des choix difficiles, entre volonté de réduire la voilure et impératif de remporter des victoires décisives contre des djihadistes tenaces.
En plus des deux soldats français morts samedi, cent personnes étaient tuées le même jour dans l'attaque de deux villages de l'ouest du Niger, un des pires massacres de civils dans la région.
Ces pertes humaines viennent assombrir un début 2021 qui devait être l'occasion, un an après le sommet de Pau ayant rassemblé les chefs d'Etat français et de cinq pays sahéliens, de dresser un bilan encourageant : succès tactiques indéniables contre le groupe Etat islamique au grand Sahara (EIGS), élimination d'importants chefs djihadistes et coopération renforcée avec les armées locales qui ont pris part ces derniers mois à de vastes opérations antidjihadistes.
Malgré un démarrage plus lent qu'escompté au départ, Paris mise beaucoup par ailleurs sur le déploiement d'unités d'élite européennes au sein de la nouvelle force Takuba, chargée d'accompagner l'armée malienne au combat.
De sources concordantes, l'Elysée voudrait réduire encore plus les effectifs de Barkhane d'ici à l'élection présidentielle de 2022. Une question lancinante à l'heure où les armées alertent sur la nécessité de se préparer à d'autres conflits plus durs sur la scène mondiale, et alors que certaines voix au sein de la classe politique mettent en doute la pertinence de cet engagement long et coûteux, qui peine à être suivi d'effets politiques sur le terrain.
"Jusqu'à présent les Français n'ont pas questionné de façon fondamentale l'engagement de la France au Sahel. Mais il faut être très vigilants. L'opinion publique peut se retourner très vite", confiait récemment à l'AFP une source gouvernementale.
"Plus on aide le Mali, plus il s'enfonce. On a l'impression de revenir à la situation de 2012 puisque l'armée a repris le pouvoir, le pays reste coupé en deux et l'Etat n'est toujours pas présent au nord", tranche quant à lui Marc-Antoine Pérouse de Montclos, de l'Institut de recherche pour le développement (IRD). Or "plus on reste, plus cela devient compliqué de s'en aller, estime-t-il. La vraie question au-delà du nombre de morts, c'est comment se désengager sans perdre la face".
Reste à savoir si ces plans d'allègement graduel de Barkhane -tout en maintenant les effectifs des forces spéciales- ne seront pas temporairement contrariés par les 5 nouveaux morts français dans deux attaques successives, dont la première a été revendiquée par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda.
L'effort militaire intense porté contre l'EIGS, désigné comme ennemi prioritaire au sommet de Pau, a contribué à renforcer cette autre alliance djihadiste active dans la région. Au point que, pour le commandant de Barkhane, le général Marc Conruyt, le GSIM "est aujourd'hui l'ennemi le plus dangereux pour le Mali et les forces internationales". Un diagnostic confirmé par une source proche du dossier, selon qui l'organisation est "plus structurée et plus puissante que jamais". "En parvenant à tuer cinq de nos soldats en quelques jours, l'ennemi a réussi à réintroduire le doute. Il faut désormais réattaquer durement pour retrouver une marge de manœuvre politique", estime le colonel Michel Goya, historien militaire, sur son blog "la voie de l'épée".