Sarah Hanffou, avocate et pongiste camerounaise : "Une femme peut faire du haut niveau et avoir un métier à côté"

Elle vient de gagner son match du premier tour des Jeux Olympiques de Paris 2024 dans l’épreuve de tennis de table. Sarah Hanffou représente le Cameroun, et participe à ses troisièmes Jeux Olympiques. Ses derniers. Après, elle se consacrera entièrement à son métier d’avocate, activité qu’elle exerce dans le sud de la France à Toulon. Depuis des années, elle jongle entre entraînements et plaidoiries, pour son plus grand plaisir. Rencontre, au Village Olympique, avec Simon Rodier.

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Sarah Hanfou

Sarah Hanfou est avocate et pongiste camerounaise. 

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TV5MONDE : Ce n’est pas la première fois que vous participez à des Jeux olympiques, vous êtes un peu une habituée…

Sarah Hanffou : Un peu oui. Ce sont mes troisièmes Jeux, j'ai eu la chance de faire Londres en 2012 et puis Tokyo en 2021. Après ici c’est spécial… J'ai grandi ici, ma mère est française, mon père est camerounais. J'ai fait une première partie de carrière avec l'équipe de France à l’INSEP (le centre de préparation des athlètes de haut niveau en France – ndlr) qui n’est pas très loin. Et là, je termine ma carrière à Paris. Il n’y aura plus d'autres compétitions. Mes derniers matchs seront ici, c’est donc très particulier et il y a beaucoup d'émotions. Je vais jouer devant mes proches… Ce seront les derniers matchs de ma carrière.

ll y a des similitudes entre le métier d'avocate et le sport de haut niveau finalement : il faut se battre, être organisé…

Cette ambiance de village ici que vous allez vivre pour la dernière fois, vous comptez en profiter à fond ?

SH : C'est dur de lâcher, d'allier la préparation de la compétition et profiter du village. Après, on a eu la chance d'arriver quelques jours à l'avance. J'ai eu le temps de m'acclimater au sein du village et aussi à la salle d'entraînement. Quand je serai éliminé, j'irai bien sûr encourager les autres Camerounais !

Qu'est-ce que cela représente d'avoir le drapeau camerounais sur son tee-shirt de compétition aux Jeux Olympiques ?

SH : Cela me fait penser à mon père - qui est d'ailleurs au Cameroun en ce moment - à toute la famille. C'est aussi une partie de mon éducation et de mon identité, donc beaucoup de fierté, peut-être aussi de la responsabilité. C'est une chance de pouvoir représenter son pays, de pouvoir représenter le pays de mon père. On est que six athlètes ici, donc on va nous voir. Il faut qu'on aille le plus loin possible. Donc je dirais du bonheur, de la fierté et je pense aussi beaucoup de responsabilités.

Vous avez une vie qui est particulière. Vous jonglez entre votre métier d’avocate et l'entraînement d'athlète de haut niveau…

SH : Oui, mon quotidien c'est la robe d'avocate. Je suis avocate au barreau de Toulon depuis 2019. J'ai toujours combiné le sport de haut niveau, dans un premier temps avec mes études de droit puis avec mon activité d'avocate. Donc au quotidien, c'est plutôt physique ! Le matin je vais au cabinet, je m'entraîne de 12h à 14h.

Ces Jeux, je les savoure vraiment. Je sais la chance que j'ai d'être là.

Les gens me connaissent beaucoup plus en tant qu'avocate qu'en tant que sportive de haut niveau. En tout cas à Toulon c'est sûr ! Et je pense d'ailleurs que c’est le cas pour une majeure partie des gens qui me connaissent en France. Donc oui c'est particulier… Parfois il faut changer d'identité, mais il y a des similitudes entre le métier d'avocate et le sport de haut niveau finalement : il faut se battre, être organisé…

Cela fait 15 ans que je joue pour le Cameroun. J'ai commencé le tennis de table à huit ans, j'en ai trente-sept aujourd'hui, donc plus de trente ans de tennis de table. Je n’ai vraiment aucun regret d'avoir mené les deux activités en parallèle, c'est aussi un équilibre dans ma vie. Ça permet de vivre les événements différemment. Là, ces Jeux, je les savoure vraiment. Je sais la chance que j'ai d'être là. Je sais ce que ça m'a coûté. Le temps que j'ai manqué avec ma famille, ce que cela a demandé en tant qu'investissement dans mon travail. Donc je savoure vraiment.

Vous parliez de responsabilité… Comme un exemple, pour transmettre à des plus jeunes peut-être ? Allier le haut niveau dans les études et dans le sport, dire que c’est possible ?

SH : Alors je n'ai pas du tout la prétention de représenter plus que moi-même. Mais en effet, je considère que je n’ai pas droit à l'erreur. Je veux être exemplaire pour les jeunes qui me regardent. Je pense à toutes les petites filles qui me verront et qui pourront se dire qu'on peut faire du haut niveau. Quand on est une femme, on peut avoir un métier à côté, on peut faire des études, tout est possible. Il ne faut pas écouter les autres. 

Après cela demande des sacrifices, ce sont des choix à peser tous les jours. Il faut renoncer à un certain nombre de choses, mais c'est possible et ça je l'ai vraiment en tête. Vous voyez, cela a été très compliqué de se qualifier pour ces Jeux-là. Je suis un peu plus vieille que précédemment, j'ai un métier qui est très prenant, il y a eu des moments de doute, de remise en question, j'ai failli arrêter, j'ai eu des blessures… et ce qui m'a tenu je pense, c'est ce sentiment aussi de responsabilité vis-à-vis du Cameroun, vis-à-vis des personnes qui me suivent. On reçoit tous les jours des messages de Camerounais sur les réseaux nous disant « on est derrière, il faut représenter le pays, il faut représenter le continent » et ça j'y pense. J'espère que ça leur donne envie et que cela ouvre le champ des possibles.