Fil d'Ariane
Le 8 septembre, le Maroc a été frappé par le séisme le plus puissant de son histoire. Le bilan s’élève à plus de 2 800 morts et continue de grimper. Pour le moment, il est difficile de constater toute l’étendue des dégâts.
Un tracteur retire des gravats alors que des gens recherches leurs biens dans leurs maisons endommagées par le tremblement de terre, dans le village de Tafeghaghte, au Maroc, le 11 septembre 2023.
Volontaires et secouristes restent mobilisés au Maroc pour tenter de trouver d'éventuels survivants, même si les espoirs s'amenuisent plus de 72 heures après le séisme qui a fait près de 2 900 morts. Le séisme a atteint une magnitude 7 selon le Centre marocain pour la recherche scientifique et technique (6,8 selon le service sismologique américain). Il est le plus puissant à avoir jamais été mesuré au Maroc.
L'épicentre du séisme est situé dans une zone montagneuse du haut-Atlas, où les éboulements rendent encore difficile l'accès aux villages sinistrés. “Ce séisme n’est pas surprenant, car la région de l’Atlas a une forte activité tectonique”, analyse Frédéric Léone, géographe spécialisé en gestion et cartographie des risques naturels à l’université Montpellier-III dans une interview pour le quotidien français Libération.
Au mois de février, la Turquie et la Syrie ont été frappées par un important séisme, qui est survenu “à la frontière entre la plaque anatolienne et la plaque arabique”, explique Florent Brenguier, sismologue à l’Institut des Sciences de la Terre de l’Université de Grenoble dans une interview à France 24.
“On savait que dans cette zone, il pouvait y avoir de très gros séismes car on se situe à la frontière de deux plaques majeures, poursuit-il. Là dans le cas du Maroc, c'est vrai que c'est surprenant car il est rare d'avoir de si gros séismes à l'intérieur des plaques.”
L'épicentre du séisme qui a frappé le Maroc vendredi 8 septembre dans la nuit.
Philippe Vernant, enseignant-chercheur à l’université de Montpellier et spécialiste en tectonique active explique dans une interview à l’AFP que la manière dont le séisme s’est produite n’est pas la même dans les deux cas. “En Turquie, on était sur un mouvement horizontal, puisque la Turquie s'échappe en gros vers l'ouest, elle "part" vers la Grèce, détaille-t-il. Il y a eu un coulissement horizontal des plaques.” Dans le cas du Maroc, il s’agit plutôt “d’une convergence entre l'Afrique et l'Eurasie ou l'Ibérie, la partie espagnole, et sur des failles chevauchantes.” Le relief du Haut-Atlas est en train de monter sur l'avant-pays au nord. Dans les deux cas, le tremblement de terre est survenu dans dans le cadre d'un contact de plaques.
Frédéric Léone juge que la situation entre les deux catastrophes est bien différente. “En Turquie, le phénomène était beaucoup plus proche des zones urbaines, très denses et très mal construites, décrit le géographe. S’il y avait eu des milliers de morts à Marrakech, on le saurait déjà. Ce n’est pas du tout la même configuration et les conséquences ne seront pas les mêmes, heureusement.” Un mois apèrs le déclenchement du tremblement de terre les autorités turques avaient donné le chiffre de 46 000 personnes mortes dans le séisme.
Si les missions de secours ne sont pas encore achevées, il faut également envisager la manière dont sera reconstruit le pays. "Ce ne sera pas l'affaire d'une semaine ou deux comme notre région l’a vu avec le grand tremblement de terre de Turquie et de Syrie plus tôt cette année. Nous tablons sur des mois, voire des années de réponse", indique à l'AFP Hossam Elsharkawi, directeur régional Proche-Orient et Afrique du Nord de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (IFRC).
Selon Patrick Coulomel, co-fondateur de la fondation “Architectes de l’Urgence” explique sur LCI que “beaucoup de choses (pour la reconstruction, NDLR) peuvent être faites en seulement un ou deux ans, mais pas la totalité.” “Généralement, il faut cinq ans pour ne plus voir grand-chose” de ces catastrophes naturelles, poursuit-il. Selon lui, afin que plus aucun souvenir du séisme ne soit visible, il faut compter environ “dix ans” en raison de “délais incompressibles.”
À l’avenir, sera-t-il possible de mieux anticiper ce type de catastrophes ? “Malheureusement, on ne peut rien prévoir”, réagit Philippe Vernant. "On essaie d'estimer des périodes de récurrence en fonction des différentes magnitudes des séismes ; mais après le comportement peut être chaotique, avec deux séismes forts sur une période courte puis très longtemps sans rien.”