élan de solidarité

Séisme au Maroc : la diaspora se mobilise sans plus attendre

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Au Maroc, les prières en hommage aux défunts

Des gens observent une prière funéraire en hommage aux personnes tuées par le terrible tremblement de terre, dans le village de Moulay Brahim, près de Marrakech. Maroc, samedi 9 septembre 2023. 

AP/Mosa'ab Elshamy
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Un élan de solidarité s’est formé dans le monde pour venir en aide au Maroc, meurtri par le séisme le plus puissant de son histoire.  Selon le dernier bilan établi par les autorités locales plus de 2.000 personnes ont été tuées, des milliers d’autres sont blessées. La diaspora marocaine, dispersée dans le monde, est en première ligne de la chaine de solidarité suite à cette catastrophe. 

On n’arrive toujours pas à croire qu’on a vécu ça. Tout a été très violent”. Deux jours à peine après le puissant séisme, l'émotion de Soltane Fathi reste vive. Française de parents marocains, elle est actuellement en vacances avec sa famille à Casablanca. La ville est située à 285 kilomètres au nord de la ville d’Al Haouz, l'épicentre du violent séisme enregistré dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 septembre.

Si les dégâts matériels sont moindres à Casablanca, la capitale économique n’a pas été épargnée par les secousses. “On était dans la maison, on a vraiment tout ressenti. Ça tremblait, on a eu très peur. On sentait qu’on était en train de partir”, indique Soltane Fathi.  “On est sous le choc, on est tous fatigués mais on met nos sentiments de coté. Il faut que l’on vienne en aide à nos compatriotes”, raconte-t-elle.

Une mobilisation dès les premières heures 

C'est le tremblement de terre le plus meurtrier au Maroc depuis celui qui avait détruit la ville d'Agadir, située sur la côte ouest du pays, le 29 février 1960. À l’époque, près de 15.000 personnes, soit un tiers de la population de la ville, avaient péri.

On ne pouvait pas rester sans rien faire. On ne pouvait pas rester les bras croisés.

Soltane Fathi

Quelques heures à peine après cette nouvelle catastrophe naturelle, une vaste organisation citoyenne se met en place pour venir en aide aux sinistrés. “La question ne s’est même pas posé. Ça s’est imposé. Ça a été naturel. c’est un devoir”, martèle Soltane Fathi. Présidente d’une jeune association de supporters et supportrices des équipes nationales marocaines, Les Dynastics, elle détaille leur action suite au séisme. “On a rapidement relayé les appels aux dons et les collectes lancés par la Banque alimentaire basée à Casablanca, qu’on a pu rencontrer et avec qui on a échangé. On fait attention et on ne partage que les initiatives portées par des associations reconnues d’utilité publique”. 

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Toutes ces initiatives ont été lancées quelques heures à peine après l’annonce du séisme, précise Soltane Fathi. Selon elle, face à l’ampleur des dégâts causés par le tremblement de terre et la crainte de répliques, il fallait agir vite. “Nous n'avions pas d’informations des autorités marocaines jusqu'à ce que le roi donne ses instructions”, rappelle-t-elle.

Dans un communiqué publié samedi soir, le cabinet royal de Mohamed VI a annoncé que le pays allait respecter un deuil national de trois jours et qu’une “commission interministérielle chargée du déploiement d’un programme d’urgence” d’aide à la reconstruction des zones touchées serait mise en place. “On n’ a pas attendu le communiqué du roi pour agir”, se défend Soltane Fathi. “On s’est mobilisé tout de suite parce qu’on ne pouvait pas rester sans rien faire, les bras croisés”. 

Intervenir rapidement

La mobilisation se fait donc sur place, au Maroc d’abord, mais aussi à l’étranger. Notamment dans des pays où les ressortissants marocains sont très nombreux. En Suisse, les deux gérants du restaurant "Le Petit Marrakech", Latifa et Jean-Pierre Macherel, sont sur le pont.  Mariés depuis 22 ans, ils retournent tous les ans au Maroc, pays d'origine de Latifa. “On vit en Suisse mais notre coeur est au Maroc. C’est notre coeur qui vous parle, on se sent obligé de faire quelque chose pour aider”, explique-t-elle. 

On est encore sans nouvelle de certains de nos amis

Latifa Macherel

Et par où commencer ? L’ampleur des dégâts reste difficile à évaluer par les autorités marocaines et le bilan des victimes ne cesse de grimper. Le couple, qui connait très bien le village de Tinmel, situé à 80 kilomètres de l’épicentre du séisme, a donc décidé de se concentrer sur cette zone. “Le tremblement de terre a tout détruit là-bas. La seule route qui mène au village, la mosquée, les maisons… Il ne reste plus rien. Ils n’ont même plus de pain comme dans le village d'Ijjoukak. On est encore sans nouvelle de certains de nos amis”, explique Latifa Macherel, qui est encore très émue. 

Mohamed Elhmatif et ses fils au milieu des ruines

Mohammed Elhmatif et ses fils, Rayan, à droite, et Ali. Ils sont debout au milieu des décombres de leur maison qui a été endommagée par le tremblement de terre, dans le village d'Ijjoukak, près de Marrakech. Maroc, samedi 9 septembre 2023.

 AP/Mosa'ab Elshamy

Dans une vidéo, le couple propose de financer des ponts aériens entre Marrakech et Tinmel pour acheminer des denrées alimentaires, les kits de premiers secours dès que possible. Ils veulent aussi secourir et évacuer des blessés par les airs. “On sait que les autorités marocaines sont déjà en train de faire ce travail. On ne veut pas marcher sur leurs plates-bandes,  mais on veut aider. Ce sont des tout petits villages, difficiles d’accès en temps normal. Les secours vont mettre beaucoup de temps avant d’arriver. Mais on ne peut plus attendre, il faut agir maintenant”, explique Jean-Pierre Macherel. 

“Toute la diaspora marocaine se mobilise”

J’ai l'impression que toute la diaspora marocaine se mobilise, un peu partout dans le monde. C’est très bien, on veut  mobiliser toutes les forces vives qu’on connait”, commente de son côté Soltane Fathi.  “Au Maroc, même ceux qui n’ont rien, même ceux qui vivent dans la misère, apportent de l’aide. Ils donnent ce qu’ils peuvent. Donc tout le monde peut faire quelque chose”, soulève Soltane Fathi

En France, les associations comme les étudiants musulmans de France multiplient les collectes alimentaires.  En Belgique, les initiatives citoyennes sont très nombreuses : collectes de denrées ou de produits de première nécessité, constitutions de kits de premier secours…  Les messages affluent sur les réseaux sociaux. “Nous sommes prêts à apporter une aide humanitaire depuis la Belgique pour soutenir la population marocaine”, écrit par exemple Safa Akyol, un élu local de nationalité turco-belge. “Dans une première étape, nous allons fournir quatre chaises roulantes et 250 kits de secours. Ces fournitures seront livrées à l'ambassade du Maroc à Bruxelles.”, explique-t-il depuis son compte Facebook. Preuve que l’élan de solidarité dépasse même les ressortissants marocains ou d’origine marocaine. 

 

Les gouvernements internationaux proposent leur aide
La Suisse a proposé de fournir des abris temporaires, du matériel de traitement et de distribution d'eau, des installations sanitaires et des kits d'hygiène.

Le Royaume-Uni se tient "prêt à aider" le Maroc "de toutes les manières possibles", a assuré samedi le ministre britannique des Affaires étrangères, James Cleverly.

Le ministre espagnol des Affaires étrangères, Jose Manuel Albares, a annoncé que "l'Espagne a proposé au Maroc (...) à la fois des équipes de secours (...) mais aussi son aide pour la reconstruction".

Le gouvernement belge, de son côté, a par ailleurs annoncé qu’il était prêt à venir en aide au Maroc dès qu’une “demande officielle” serait formulée par le royaume.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a "donné des instructions à tous les organes et forces gouvernementaux pour fournir toute l'assistance nécessaire au peuple marocain, y compris les préparatifs pour l'envoi d'une équipe d'aide dans la région", selon un communiqué de son bureau.

Ailleurs dans le monde, le Premier ministre irakien Mohamed Chia al-Soudani s'est aussi dit "prêt à fournir toute forme d'assistance" tandis que le roi de Jordanie Abdallah II a ordonné à son gouvernement "d'apporter toute l'aide nécessaire au Maroc".

Le royaume tient tête malgré l'urgence

Pour l’heure, Rabat ne fait pas appel à la communauté internationale, à l'exception de secouristes espagnols et d'équipes humanitaires de Tunisie, de Jordanie et du Qatar qui ont été autorisées à venir précise le journaliste marocain Ali Lmrabet dans un message sur X (ex-Twitter). 

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Mohammed VI, le roi du Maroc,  va déployer l'armée marocaine et recourir à "des moyens humains et logistiques importants, aériens et terrestres", selon les informations de l'agence de presse marocaine MAP. Des équipes de recherche, de sauvetage ainsi qu'un hôpital de campagne sont mis sur pied dans la province sinistrée d'Al-Haouz, indiquent encore les médias locaux.


Le souverain a ordonné "la prise en charge immédiate de l'ensemble des personnes qui se retrouvent sans abri du fait du séisme, notamment en termes d'hébergement, d'alimentation et tous autres besoins de base", et l'ouverture d'un compte spécial auprès du Trésor et de Bank Al Maghrib (la Banque centrale) "en vue de recevoir les contributions volontaires de solidarité des citoyens et des organismes privés et publics".

La Croix-Rouge internationale a toutefois alerté sur l'importance des besoins à venir du royaume. L’ONG évoque notamment "24 à 48 heures critiques" suite au séisme et souligne des besoins pour "des mois voire des années".