Sénégal : fin du feuilleton Karim Wade ?

La condamnation de Karim Wade à 6 ans de prison et 138 milliards de FCFA d’amende (210 millions d’euros) écarte Karim Wade de la présidentielle de 2017. Mais la défense ne compte pas en rester là : elle va se pourvoir devant la Cour suprême.
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Karim Wade verdict
Des militants de l'opposition avec le poster de Karim Wade, ancien conseiller puis ministre sous la présidence de son père Abdoulaye Wade. 
© AP Photo/Rebecca Blackwell
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Dès lundi soir, les avocats de Karim Wade  ont annoncé qu'ils allaient saisir la Cour suprême du Sénégal après la condamnation de leur client à 6 ans de prison ferme et 138 milliards de FCFA d’amende pour « enrichissement illicite ». L’accusé a cependant été relaxé de l’accusation de corruption.
 
Après dix-huit mois de procès à rebondissement, la peine n’a pas vraiment surpris la défense de Karim Wade, ni même certains observateurs. "Cela m'aurait étonné qu'il n'en soit pas ainsi, affirme Abdoulaye Thiam, rédacteur en chef du journal sénégalais Sud Quotidien. Karim Wade ne pouvait pas ne pas être condamné". Karim Wade est accusé d'avoir illégalement acquis par le biais de montages financiers complexes, du temps où il était conseiller puis ministre de son père, un patrimoine constitué de sociétés, comptes bancaires et propriétés immobilières, au Sénégal et l'étranger, et voitures de luxe, ce qu'il nie.
 

Candidat à la présidentielle ? 

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Commentaire de Philippe Randriana-Rimanan. TV5MONDE

Samedi 21 mars, Karim Wade avait été désigné candidat du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) à la prochaine élection présidentielle, prévue en 2017. Pourtant, l’ancien ministre et conseiller de son père Abdoulaye Wade est en détention préventive depuis avril 2013.
 
De nombreux observateurs parlent d’une stratégie politique permettant à son camp d’asseoir ses critiques contre un procès selon eux « politique ». « Karim Wade allait être condamné, c'est clair, net et limpide, affirme le rédacteur en chef de Sud Quotidien. C'était une stratégie politique pour montrer à l’opinion nationale et internationale qu'au Sénégal, on a emprisonné le candidat du PDS à la présidentielle ».  
 
Mais pour écarter l’existence de « tout projet politique pour couler l’adversaire », le ministre sénégalais de la Justice Sikidi Kaba a affirmé que Karim Wade gardait ses droits civiques. La CREI a en effet « écarté l’interdiction de l’exercice des droits civiques, civils et de famille prévus par l’article 34 du Code pénal », selon le ministre. L’actuel président Macky Sall qui brigue un second mandat assure ne pas craindre une éventuelle candidature de Karim Wade. « S’il y a un candidat plus fort que moi que les Sénégalais vont désigner, on en prendra acte », a-t-il déclaré la semaine dernière.

Le verdict de la CREI écarte Karim Wade de la présidentielle de 2017

Le verdict rendu par la CREI écarte la candidature de Karim Wade à la présidentielle de 2017. C’est pourquoi, selon Abdoulaye Thiam, l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade « a un second plan ».
 
« Il ne va pas se laisser faire, souligne le rédacteur en chef de Sud Quotidien. Il a initié des rencontres (avec des personnalités politiques proches du PDS, ndlr) avant même que Karim Wade ne soit porté à la tête du parti ». Et d'ajouter : « On parle de sa rencontre avec Malick Gackou, l’ancien numéro 2 du parti de Alliance des forces de progrès (Afp) qui vient d’être exclu. Il a initié une autre rencontre avec l’actuel maire de Dakar (Khalifa Sall, ndlr) que l’on considère comme le véritable candidat et qui pourrait faire du tort à Macky Sall. Il a aussi rencontré Aminata Tall Fall qui était une personnalité importante au sein du PDS. On s'attend aussi à ce qu'il y ait un rapprochement entre le parti Rewni de Idrissa Seck, qui était un des ténors du PDS avec Abdoulaye Wade. Tout est possible ».

Pour le moment, l’ancien président sénégalais ne s’est pas exprimé sur ces différents rapprochements. Il a simplement donné rendez-vous à ses partisans le 27 mars prochain, place de l'obélisque, à Dakar. 
 

Procès politique ?

A l’ouverture de son procès, le 31 juillet 2014, Karim Wade s’était présenté comme un « prisonnier politique ». Les défenseurs de l’ancien ministre crient d’ailleurs au procès politique puisque, selon eux, aucune preuve claire n’a été apportée pour démontrer la fortune supposée de Karim Wade. « Depuis longtemps on veut empêcher un candidat, notre candidat, d’être présent à l’élection présidentielle », s’était insurgé Oumar Sarr, un dirigeant du PDS.

La CREI justifie sa décision par un écart d’environ 66 milliards de FCFA (environ 100 millions d’euros) entre le patrimoine estimé de Karim Wade et ses « revenus légaux », considérant que «l’origine licite de ce patrimoine n’a pas été prouvée ».  
 

Depuis le début du procès, de nombreux rebondissements ont animé les audiences : limogeage du procureur, démission en pleine audience d’un juge, expulsion d’un avocat de Karim Wade, comparution de M. Bourgui, malade, sur une civière… « Tout cela fait dire aux gens qu'effectivement, ce procès est politique. Et c’est également ma conviction », assure Abdoulaye Thiam. Mais le rédacteur en chef de Sud Quotidien espère que la justice « ira plus loin et qu’on ne s’arrêtera pas à Karim Wade. Il faut qu’on continue la traque des biens supposés mal acquis ».
 

La CREI lourdement critiquée par les défenseurs de Karim Wade

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Reportage TV5MONDE. Maud Roubeaud. Date : 23/03/2015
 
Ce procès semble renforcer la justice sénégalaise de nombreux observateurs pensent plutôt que cette affaire va jeter un discrédit sur la justice du pays. Pour Abdoulaye Thiam, cela démontre que « le cordon ombilical entre l’exécutif et le judiciaire n’est pas encore rompu et ce n’est pas demain la veille ». De son côté, le ministre de la Justice Sidiki Kara a tenu a préciser lors d'une conférence de presse que "les juges se sont prononcés en toute indépendance". Selon lui, "l'agenda politique n'a rien à voir avec l'agenda judiciaire".