Fil d'Ariane
Un tirailleur sénégalais dit adieu à sa femme et son enfant avant d'embarquer sur le train qui l'emmène sur le front en Tunisie, le 19 février 1943, Dakar.
Le 1er décembre 1944, plusieurs tirailleurs sénégalais ont été abattus par les troupes coloniales françaises de maintien d’ordre au camp de Thiaroye, à environ 15 km de Dakar. Comment expliquer ce qu’il s’est passé ?
Le 1er décembre 1944 vers 9h30, les tirailleurs, rassemblés au camp militaire de Thiaroye, à une quinzaine de km de Dakar, sont désarmés par des soldats de l'armée coloniale française puis tués, à la mitraillette notamment, selon les historiens.
Quel était le rôle des tirailleurs ?
Les tirailleurs sénégalais ont été enrôlés par l’armée française en 1939-1940 pour faire face à l’invasion nazie dans l’Hexagone.
Ils étaient originaires de pays d’Afrique subsaharienne francophone, comme le Sénégal, le Mali (nommé Soudan français à l’époque), la Guinée, le Bénin, le Togo…
Ils ont participé à la bataille de France, livrée entre le 10 mai et le 22 juin 1940.
Lors de cette bataille, plus de 2000 tirailleurs sur plus de 3000 ont été portés disparus fin juin 1940.
Plusieurs ont été faits prisonniers en France et contraints par les Allemands aux travaux forcés.
Début novembre 1944, dans les derniers mois du conflit, plus de 1 600 tirailleurs, venus de plusieurs colonies françaises d'Afrique de l'ouest en 1940 pour participer aux combats, embarquent de France pour être ramenés en bateau à Dakar.
Des unités sénégalaises de l'armée française pénètrent sur les plages du sud de la France en 1944 à partir de transports d'invasion équipés de garde-côtes et de barges de débarquement.
Il s’agit de tirailleurs qui étaient emprisonnés depuis près de quatre ans dans les Frontsalags, les camps de prisonniers érigés par les Allemands sur les territoires conquis.Ils devaient être indemnisés et démobilisés, avant de regagner leurs pays respectifs.
(Re)lire Massacre de Thiaroye : des députés français demandent une commission d'enquête
Plus de deux semaines plus tard, ils arrivent au Sénégal. Ils réclament alors le paiement de leurs arriérés de soldes, et diverses primes et indemnités de combat. Or, ce paiement n’arrive pas. Certains refusent de rentrer chez eux sans être payés.
(Re)voir France : la reconnaissance du massacre de Thiaroye
L’historienne Armelle Mabon Maître de conférences à l’Université de Bretagne Sud (Lorient), indique dans sa Synthèse du massacre de Thiaroye (14 octobre 2014) que "déterminé à faire valoir leurs droits, un groupe de rapatriés a bloqué la voiture du général Dagnan. Ce dernier indique qu’il leur a promis d’étudier la possibilité de leur donner satisfaction après consultation des chefs de service et des textes”, ce après quoi les tirailleurs ont dégagé la route.
Officiellement, les autorités militaires française de Dakar établissent un bilan de 35 morts, 35 blessés et 34 condamnations. Cependant, ces chiffres ont été contredits. Plusieurs historiens avancent un nombre de victimes bien plus élevé, jusqu'à plusieurs centaines. L'endroit où reposent les soldats tombés n'a jamais été précisément révélé.
Un millier de soldats sénégalais ont quitté Marseille pour renforcer la petite force de défense de la France à Djibouti, dans le Somaliland français. Ces troupes sont envoyées en Afrique de l'Est à la suite des récents mouvements italiens dans le territoire voisin de l'Éthiopie. Les troupes sénégalaises, avec leur équipement de guerre complet, juste avant d'embarquer sur deux paquebots pour Djibouti, le 31 décembre 1938.
En 2014, pour les 70 ans du massacre, le président français François Hollande reconnaissait "la répression sanglante" qui avait coûté la vie à 70 tirailleurs sénégalais. Le 26 novembre 2024, dans une interview exclusive à RFI, l’ancien président qualifie de “massacre” les actes de l’armée française à Thiaroye.
“Ce n'est pas simplement une répression comme on en connaît dans des manifestations qui débordent, explique François Hollande au micro de RFI. Là, il s'agit d'un massacre à la mitrailleuse. Les mots doivent être mis là où ils sont nécessaires et là où ils correspondent à une réalité, c'est à dire il y a eu un massacre à Thiaroye.”