Sénégal : l'avocat Juan Branco entre les mains de la police

L'avocat franco-espagnol Juan Branco, recherché par le Sénégal en lien avec des troubles récents dans ce pays, a été arrêté après plusieurs jours de jeu du chat et de la souris avec les autorités, ont indiqué samedi des responsables sénégalais et ses confrères parisiens.

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Juan Branco au Sénégal

Sous le coup d’un mandat d’arrêt émis par le Sénégal, l'avocat Juan Branco est entré clandestinement dans le pays, avant d'apparaître dans une conférence de presse, le 30 juillet 2023.

TV5Monde
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"L’avocat qui était venu ici pour dénigrer nos institutions est entre les mains de la BIP. Juan Branco, pour le nommer, est entre les mains de la BIP", la brigade d'intervention polyvalente, une unité de police, a déclaré le ministre de l'Intérieur Antoine Abdoulaye Félix Diome lors d'une débat à l'Assemblée nationale.

Me Branco a été interpellé en Mauritanie, voisine du Sénégal, et remis samedi par les autorités mauritaniennes à Dakar, ont confirmé dans un communiqué ses avocats à Paris.

Selon des médias sénégalais, Me Branco a été arrêté alors qu'il se rendait du Sénégal, où il était entré quelques jours auparavant, en Mauritanie, à bord d'une pirogue, en tenue de pêcheur.

"Persécution politique"

Me Branco s'est rendu en Mauritanie "en vue d’échapper à la persécution politique qui lui avait été promise au Sénégal", ont dénoncé ses avocats. Les procédures contre leur confrère "relèvent d’une instrumentalisation pure et simple du code pénal à des fins politiques" selon eux.

Me Branco a demandé l'aide consulaire espagnole, a dit à l'AFP une source proche du dossier.

Juan Branco s'est fait un nom au Sénégal en prenant part à la défense d'Ousmane Sonko, opposant engagé depuis 2021 dans un bras de fer avec le pouvoir et la justice. La confrontation a donné lieu depuis plus de deux ans à plusieurs épisodes de violences meurtrières.

Me Branco a suscité beaucoup d'attention en annonçant une plainte en France et une saisine de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye contre le président Macky Sall pour "crimes contre l'humanité" en juin, alors que le pays venait de connaître ses pires troubles depuis des années.

Le parquet sénégalais a annoncé le 14 juillet avoir ouvert une enquête judiciaire et requis un mandat d'arrêt contre lui en s'appuyant sur ses écrits et ses propos.

Me Branco a cependant causé la surprise dimanche en faisant irruption inopinément dans une conférence de presse des avocats sénégalais d'Ousmane Sonko à Dakar, deux jours après l'arrestation de l'opposant. Ce dernier a depuis été incarcéré sous différents chefs d'inculpation, dont appel à l'insurrection. Juan Branco avait été refoulé quelques mois auparavant à l'aéroport alors qu'il tentait d'entrer au Sénégal.

La ministre sénégalaise des Affaires étrangères Aïssata Tall Sall n'a pas démenti jeudi devant la presse des informations selon lesquelles Me Branco était cette fois entré par la frontière terrestre avec la Gambie. Elle a indiqué que les autorités sénégalaises avaient évoqué le sujet avec leurs homologues gambiennes.

Juan Branco, après une conférence de presse dimanche, s'était éclipsé. Il était depuis recherché par la police sénégalaise.

L'ancien Premier ministre Abdoul Mbaye a estimé sur les réseaux sociaux que l'avocat avait "ridiculisé le Sénégal et mis à nu (ses) failles sécuritaires".

Le gouvernement sénégalais l'a décrit comme un avocat avide de publicité et fuyant ses responsabilités.

"Le Sénégal ne doit pas être la caisse de résonance d'un avocat qui est en mal de reconnaissance dans son pays" et qui "se rêve en Victor Hugo", a dit le porte-parole du gouvernement, Abdou Karim Fofana. "Si vous avez le courage de défier un Etat, de défier une nation, vous devez faire face", a-t-il dit.