Fil d'Ariane
Le chef de l'Etat sénégalais a poursuivi ce 27 février ses efforts pour trouver un accord sur la date de la présidentielle, repoussée. La société civile essaye de son côté de mobiliser la population pour que l'élection ait lieu dans les toutes prochaines semaines.
Des partisans du collectif "Aar Sunu" manifestent contre le report des élections à Dakar, le 17 février 2024.
Ce 27 février, à l'issue de la deuxième journée de "dialogue national", des participants à ce forum convoqué par le président Sall ont écarté la possibilité que la présidentielle se tienne avant le 2 avril, date de fin officielle du mandat de Macky Sall.
Au moins deux participants, Amar Thioune et Mamadou Lamine Mané, ont même fait état d'un "large consensus" autour du fait que la présidentielle ne pourrait pas avoir lieu avant le 2 juin.
Pourtant le collectif Aar Sunu Election ("Préservons notre élection") avait appelé à une journée "villes mortes" et à une grève générale ce 27 février, une façon de faire pressions sur les concertations lancées la veille par le président Macky Sall.
Le mot d'ordre a paru largement ignoré dans le quartier central du Plateau et autour du marché populaire de Colobane, à Dakar. La circulation des transports en commun était normale dans un trafic aussi dense qu'à l'accoutumée, foule habituelle autour des échoppes ouvertes. Par contre, les cours ont été supprimés aux lycées John-Fitzgerald-Kennedy et Blaise-Diagne.
Saer Dieng, commerçant de 37 ans, a ouvert son commerce de vêtements. "On vit au jour le jour, on ne peut pas se permettre de rester une journée sans travailler, sinon nos familles ne mangent pas".
Badara Dione, conducteur de moto-taxi de 40 ans, n'était même "pas au courant du mot d'ordre". S'il déplore le report de la présidentielle, "une grève générale ne nous arrange pas".
Aar Sunu Election "exige" du président qu'il fixe l'élection avant le 2 avril, fin officielle de son mandat. Aar Sunu fait partie d'un large front politique et citoyen qui s'est formé depuis que Macky Sall a déclenché une onde de choc, le 3 février, en décrétant un report de dernière minute.
Ce front soupçonne le président de jouer la montre, soit pour avantager son camp parce que les choses se présenteraient mal pour lui à la présidentielle, soit pour s'accrocher au pouvoir au-delà du 2 avril.
Macky Sall a invoqué les profondes dissensions causées par la validation des candidatures et la crainte qu'après les heurts meurtriers connus en 2021 et 2023, un scrutin contesté ne provoque une nouvelle poussée de fièvre dans un pays par ailleurs réputé pour sa stabilité dans une région troublée.
Des manifestations contre le report de la présidentielle, réprimées, ont fait quatre morts et donné lieu à des dizaines d'interpellations.
Le Conseil constitutionnel a mis son veto au report le 15 février. Mais les Sénégalais, qui ont toujours voté fin février depuis 1978, ignorent toujours quand ils éliront leur cinquième président, et même pour qui ils voteront.
Le président à ouvert le 26 février à Diamniadio, ville nouvelle à une trentaine de kilomètres de la capitale, un "dialogue national" pour trouver un terrain d'entente. 17 des 19 candidats retenus en janvier par le Conseil constitutionnel ont boycotté les discussions, comme Aar Sunu Election et d'autres plateformes.
Deux commissions se sont réunies ce 27 février. Elles livreront au président, a priori dans la soirée, des conclusions sur deux sujets: la date de la présidentielle, et l'organisation de l'après-2 avril jusqu'à l'investiture de son successeur.
"Une fois que je recevrai les conclusions, je déciderai de la date de l'élection", a dit le président Sall hier soir sans préciser de délai.
Rien n'est ressorti qui indique que l'élection pourrait avoir lieu avant le 2 avril. Le président a dit souhaiter que les Sénégalais votent d'ici au début de la saison des pluies, en juin/juillet. Il a cité des facteurs compliquant une tenue rapide selon lui, comme le Ramadan début mars ou la fête religieuse du Daaka de Medina Gounass entre fin avril et début mai.
Les candidats qualifiés et Aar Sunu Election ont saisi le Conseil constitutionnel pour qu'il constate le manquement du chef de l'État à son devoir d'organiser l'élection. Ils s'inquiètent aussi que le "dialogue" serve à reprendre à zéro la validation des candidatures.
Le président a écarté l'éventualité que le Conseil constitutionnel se substitue à lui en déclarant que c'était à lui qu'il appartenait de déterminer la date. Pour lui, la date "n'est pas un problème". En revanche, "la vraie équation c'est : est-ce qu'on va aller à l'élection avec seulement les 19 candidats (homologués) ou faudrait-il élargir la liste ?", a-t-il dit. Il a rencontré les représentants de deux collectifs rassemblant des dizaines de "recalés", écartés par le Conseil constitutionnel.
Certains parmi les quelques centaines de responsables politiques, représentants de la société civile et autres dignitaires religieux qui participaient aux discussions ont réclamé que Sall reste jusqu'à l'installation de son successeur, y compris au-delà du 2 avril.
Il n'en a pas exclu la possibilité, tout en répétant qu'il serait parti le 2 avril: "S'il y a consensus, je suis prêt, dans l'intérêt supérieur de la nation, à prendre sur moi et à rester encore même si ce n'est pas mon choix, ce n'est pas ce que je veux, parce que je suis pressé d'en finir et de partir".