Sénégal : manifestation à Dakar pour une présidentielle avant le 2 avril

Plusieurs centaines de Sénégalais ont manifesté pacifiquement samedi 24 février à Dakar. Les uns étaient dans les rues de la capitale pour presser le chef de l’État, Macky Sall, d'organiser la présidentielle avant la fin de son mandat fixée au 2 avril. Les autres défendent son bilan et son image écornée par le report de l'élection.

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Dakar Sénégal manifestation 17022024

Les partisans du collectif d'opposition "Aar Sunu élection Sénégal" manifestent dans les rues de Dakar, samedi 17 février 2024. Ils réclament l’organisation de la présidentielle avant le 2 avril. 
 

AP/Sylvain Cherkaoui
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Les Sénégalais étaient censés élire leur cinquième président ce dimanche 25 février. Mais certains ont décrété une journée de "deuil électoral", alors que l'actuel chef de l’État, Macky Sall, a déclenché une onde de choc le 3 février en décrétant un report de dernière minute.

Une décision annulée depuis par le Conseil constitutionnel. Toutefois, les Sénégalais ignorent toujours quand ils se rendront aux urnes. Un vaste mouvement politique et citoyen réclame la tenue du scrutin avant le 2 avril, date de l'expiration officielle du mandat du président Macky Sall.

Ainsi, des centaines de personnes se sont rassemblées à l'appel de deux coalitions des deux bords :  F24 pour l’opposition et le collectif "Macky dans les coeurs", qui soutient le dirigeant éponyme. 

Deux collectifs opposés 

Pour les détracteurs de Macky Sall, rendez-vous était donné ce samedi sur un vaste terrain de sable dans un quartier populaire de Dakar. La préfecture avait autorisé la manifestation, alors que les autorités ont interdit de nombreux rassemblements d'opposition ces dernières années. Les forces de sécurité, autrement promptes à disperser par la force les manifestations non autorisées, sont restées à l'écart. 

Dans le tumulte des sifflets et des cornes, arborant des drapeaux vert, or et rouge du Sénégal, elles ont exigé la tenue du scrutin. Le collectif citoyen Aar Sunu Élection ("Préservons notre élection") avait appelé à se joindre au mouvement, tout en cherchant à garder son indépendance. Ce collectif, revendiquant plus de cent organisations de la société civile, a annoncé saisir le Conseil constitutionnel pour qu'il se substitue au chef de l’État et fixe la date de la présidentielle.

Quelques heures après, une foule équivalente, elle aussi parée des couleurs nationales, a marché dans un tintamarre comparable dans un autre quartier plus résidentiel à l'initiative d'un collectif "Macky dans les coeurs", jusqu'alors inconnu. Durant la manifestation, les participants ont fait la police eux-mêmes en empêchant deux jeunes de brandir le drapeau de la Russie.

“Nous voulons des élections”

Pour Mamadou Dia, 30 ans, étudiant en aménagement du territoire, la date du scrutin importe peu. Il est venu défendre l'action menée pendant 12 ans par le président Macky Sall, soumis à des multiples pressions et critiques à quelques semaines de son départ. "On est là pour montrer à l'opinion nationale et internationale que ce que les gens disent sur Macky Sall est archifaux. Macky Sall a fait tout ce qu'il devait faire pour le Sénégal", dit-il.

Que Macky Sall cesse d'utiliser la force contre les manifestants.
Ibrahima Niang, un éboueur de 34 ans

Le ton était radicalement différent à la manifestation du F24. L'exigence d'élection s'est élargie à la protestation contre le pouvoir et aux slogans pour la libération des opposants Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye, dont les supporteurs étaient les plus visibles et bruyants. "Nous voulons des élections, Macky Sall dictateur, Diomaye mooy Sonko" (Diomaye, Sonko, même combat en wolof), ont scandé des manifestantes.

"Je manifeste pour une seule chose : que Sonko soit libéré. Que Macky Sall cesse d'utiliser la force contre les manifestants", a aussi  dit à l'AFP Ibrahima Niang, un éboueur de 34 ans, portant l'un des nombreux posters de M. Sonko exhibés samedi.

Un dialogue national impossible ? 

En opposant leur veto au report, les "Sages" du Conseil constitutionnel ont reconnu l'impossibilité pratique d’organiser une présidentielle le 25 février. L’instance a demandé aux autorités d'organiser le scrutin dans "les meilleurs délais". 

Le président s'est incliné et il suspend désormais la détermination d'une date à un dialogue avec les acteurs politiques et sociaux. Cette initiative est prévue lundi 26 et mardi 27 février. 

Mais nombre de ces acteurs refusent de répondre à l'invitation. Seize des 19 candidats retenus en janvier par le Conseil constitutionnel ont réitéré samedi leur fin de non-recevoir quand le gouvernement a annoncé par communiqué que le chef de l’État les recevrait lundi à 11H00 (locales et GMT).Ils réclament la tenue du scrutin avant le 2 avril, alors que le président Sall a exprimé ses doutes sur la faisabilité d'un tel calendrier.

L'opposition accuse Macky Sall soit de servir les intérêts de son camp à la présidentielle, soit de chercher à s'accrocher au pouvoir au-delà du 2 avril après deux mandats. Macky Sall n'est pas candidat à sa réélection. Il a assuré jeudi qu'il partirait le 2 avril.

Il justifie ses positions par la crainte qu'un scrutin contesté ne provoque de nouveaux accès de violence après ceux de 2021 et 2023.

Un apaisement après plusieurs morts

Le Sénégal, volontiers vanté pour sa stabilité et ses pratiques démocratiques bien qu'ayant connu de graves troubles politiques par le passé, reste plongé dans l'une de ses pires crises depuis l'indépendance en 1960.

La décision du président Macky Sall de reporter l'élection, dénoncée par l'opposition comme un "coup d’État constitutionnel", a provoqué des manifestations qui ont fait quatre morts et donné lieu à des dizaines d'interpellations. Le chef de l’État sénégalais est soumis à de multiples pressions nationales et internationales pour organiser le scrutin le plus tôt possible.

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De gauche à droite : Omar Touray, président de la Commission de la Cédéao, le président sénégalais Macky Sall et le ministre nigérian des Affaires étrangères, Yusuf Tuggar. Abuja, Nigeria, le samedi 24 février 2024.

AP/Gbemiga Olamikan

Après ces troubles, le pouvoir a affirmé dernièrement sa volonté d'apaisement. Le rectorat a annoncé ce samedi la réouverture de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), un bastion historique de contestation fermé depuis juin 2023, dès lundi 24 février.