Sénégal : un accident meurtrier entre deux bus relance la question de l’insécurité routière

Après le terrible accident de la route qui a eu lieu dans la nuit de samedi à dimanche 8 janvier, près de la localité de Sikilo, à environ 250 km à l’est de Dakar, le président sénégalais Macky Sall a décrété trois jours de deuil national qui commencent ce lundi, et il s’est immédiatement rendu sur place. Cet accident relance le débat sur l’insécurité routière dans le pays, malgré l’annonce par le président sénégalais de la tenue ce lundi d’un conseil interministériel sur la question. 
 
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Autobus
Une vue de l’accident routier suite à la collision de deux bus, le 8 janvier 2023, dans la localité de Sikilo, département de Kaffrine, au Sénégal.
© Capture d'écran/TV5MONDE
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C’est l’une des catastrophes routières les plus meurtrières de l’histoire du Sénégal. Le drame s’est produit dans la nuit de samedi à dimanche 8 janvier, dans le département de Kaffrine, situé à environ 250 km à l’est de Dakar.

Voir : Sénégal : les réactions après l'accident de car qui a fait 39 morts
 

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Dimanche en fin de journée, le bilan annoncé par les autorités sénégalaises faisait état de 39 morts et plusieurs dizaines de blessés, parmi les 139 voyageurs que contenaient les deux bus entrés en collision.

Une vive émotion

Selon nos confrères de l’AFP, les faits se sont déroulés à 3h 15 locales (01h 15 GMT), sur la route nationale 1(RN1), près de la localité de Sikilo. Et d’après les premiers éléments de l’enquête de police cités dans un communiqué du procureur de la République près du tribunal de grande instance de Kaolack : « Un bus affecté au transport public de voyageurs, à la suite de l’éclatement d’un pneu, a quitté sa trajectoire avant de heurter frontalement un autre bus venant en sens inverse. »

(RE)lire : "Collision entre deux bus au Sénégal : 39 morts, deuil national de trois jours"

Le président sénégalais Macky Sall a décrété trois jours de deuil national qui commencent dès ce lundi, en hommage aux victimes, et il s’est immédiatement rendu sur place. « Cet accident nous montre, a rappelé le président sénégalais, qu’il y a des ruptures à opérer, et il y a des mesures à prendre, et ces mesures seront prises pour mettre un terme à cette situation. On ne peut pas exposer la vie de nos compatriotes dans un système de transport qui fait fi du respect de la vie humaine. Nous avons perdu beaucoup de jeunes dans cet accident. » L’une des premières décisions du président Macky Sall, c’est la tenue ce lundi d’un conseil interministériel impliquant l’ensemble des acteurs du secteur du transport.

Macky
Le président sénégalais Macky Sall, pendant son discours sur l'accident qui a eu lieu entre deux bus, dans le département de Kaffrine, à environ 250 km à l'est de Dakar, le 8 janvier 2023.
© Capture d'écran/TV5MONDE

La vive émotion suscitée par ce drame relance cependant le débat sur l’insécurité routière au Sénégal. Mais au-delà ce cette émotion légitime, la presse sénégalaise, à l’instar du journal Le Quotidien, s’interroge sur la capacité du pays à se poser enfin les bonnes questions, afin de « mettre fin à l’anarchie qui règne dans un secteur aussi vital que le transport. »  

Au micro de nos confrères de RFI, Momar Sourang, le coordonnateur du collectif des professionnels des transports routiers du Sénégal et président de la commission transport du groupement économique du Sénégal affirme : « À chaque fois qu'il y a des accidents, le discours des autorités renvoie une image caricaturale : le chauffeur est un indiscipliné et le transporteur un cupide, raison pour laquelle il ne veut pas changer ses véhicules. C'est un problème qui concerne tout le monde, mais personne ne doit accuser l'autre. Chacun doit retourner son pouce sur lui et se dire quelle est ma part de responsabilité. » 

La lutte contre l’insécurité routière

Dans une note de synthèse publiée en novembre 2021, le bureau régional de l’OMS pour l’Afrique souligne qu’au Sénégal, 27 000 personnes sont victimes d’accidents sur la voie publique chaque année, dont 11 000 sont enregistrés à Dakar, la capitale sénégalaise. Et d’après les chiffres 2021 de l’ONG Partners West Africa (PWA), basée à Dakar et spécialisée notamment en matière de développement, les accidents de la route occasionnent en moyenne 550 décès par an au Sénégal sur une population de plus de 17 millions d'habitants. En France (66 millions d'habitants), on recense 305 tués en 2022 sur les routes selon la sécurité routière, soit 32 de plus par rapport à 2021. Et toujours selon PWA, le facteur humain constitue la principale cause de ces accidents : excès de vitesse, imprudence des piétons, indiscipline des conducteurs de véhicules de transport public et de motos-taxis, le non-respect des règles du code de la route, les effets de l’alcool ou des stupéfiants au volant… A tout ceci, il faut ajouter d’autres facteurs tels que l’état des routes ou encore la vétusté du parc automobile.

(Re)voir : "Sénégal : une collision entre deux bus fait au moins 39 morts"

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Les autorités sénégalaises tentent pourtant de lutter contre l’insécurité routière. En avril dernier, l’Assemblée nationale sénégalaise a adopté à l’unanimité un projet de loi portant un nouveau Code de la route qui institue le permis à points. A travers l’instauration de ce permis à points, le pays espère dissuader de façon conséquente les auteurs d’infractions et permettre ainsi la réduction du nombre de décès sur les routes. Le nouveau Code de la route prévoit également la création d’un Conseil supérieur de la sécurité et de l’éducation routière, le passage obligatoire à l’auto-école pour tous les candidats au permis de conduire, la réforme de l’examen du permis de conduire et la création d’un statut particulier pour les chauffeurs professionnels.

Malgré les efforts des autorités sénégalaises, et l’accident de Sikilo en est la preuve, la mortalité liée aux accident s de la route reste inquiétant au Sénégal. Et au coût humain inestimable, s’ajoute un incontestable poids économique pour le pays. D’après les chiffres du ministère sénégalais des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, datés de 2017, l’insécurité routière coûte au moins 163 milliards de FCFA par au Sénégal, soit 2% de son PIB. Afin d’infléchir la courbe de la mortalité routière au Sénégal, l’ONG PWA plaide pour un renforcement des campagnes de sensibilisation, mais aussi à une meilleure collaboration entre les forces de sécurité, les institutions gouvernementales et les citoyens. Elle vient d’ailleurs de publier à cet effet, Le guide de la sécurité routière destiné à la population civile.