Fil d'Ariane
Un lycéen de 16 ans a été tué au cours de heurts avec les forces de sécurité dans le sud du Sénégal, secoué depuis huit jours par le report surprise de l'élection présidentielle, portant à trois le nombre de tués depuis le début de la contestation.
Des manifestants protestent contre la décision du président Macky Sall de reporter l'élection du 25 février, à Dakar, au Sénegal, le 9 février 2024.
Landing Camara (dit Diedhiou) est mort samedi 10 février au soir des suites de ses blessures à l'hôpital régional de Ziguinchor, fief de la figure de l'opposition emprisonné Ousmane Sonko, où des affrontements entre groupes de jeunes et forces de sécurité se sont poursuivis.
Dans un message publié sur les réseaux sociaux, l'ambassade des États-Unis au Sénégal a présenté ses condoléances aux familles et amis des victimes. "Nous exhortons toutes les parties à agir de manière pacifique et mesurée, et nous continuons à demander au président Sall de rétablir le calendrier électoral, de restaurer la confiance et d'apaiser la situation", a-t-elle déclaré.
Le président Macky Sall a pris de court tout le monde en reportant les élections à trois semaines du scrutin, une décision entérinée par l'Assemblée nationale qui a voté un ajournement de l'échéance électorale au 15 décembre, après avoir expulsé par la force les députés de l'opposition.
L'Assemblée a aussi voté le maintien au pouvoir de Macky Sall jusqu'à la prise de fonctions de son successeur, vraisemblablement début 2025. Son deuxième mandat expirait officiellement le 2 avril.
Vendredi, l'ensemble du pays a été secoué par une contestation d'ampleur, qui a été réprimée par les forces de sécurité. Celles-ci dispersaient le moindre rassemblement en tirant des gaz lacrymogènes.
La majorité des villes ont retrouvé leur calme, dont Dakar, la capitale. Mais à Ziguinchor, chef-lieu de Casamance, les heurts ont continué, mettant aux prises des dizaines de jeunes, parfois très jeunes, qui ont formé des barrages et jeté des pierres, aux forces de sécurité.
"Un jeune de 19 ans a reçu un projectile sur la tête et il est décédé de ses blessures à la réanimation hier soir", a déclaré un responsable hospitalier sous couvert de l'anonymat.
"Il y a eu plusieurs blessés graves pendant les manifestations et l'un est décédé. Il a été atteint d'une balle à la tête", a affirmé de son côté Abdou Sané, coordinateur du parti d'opposition Pastef à Ziguinchor.
Le garçon était un lycéen qui habitait le quartier communément appelé "Grand Dakar" à Ziguinchor, a-t-il précisé.
Une enquête a aussi été ouverte après la mort vendredi 9 février d'un étudiant en géographie de 22 ans à Saint-Louis (nord) dans des circonstances encore floues. Un vendeur ambulant a également succombé à ses blessures samedi à Dakar, victime selon ses proches d'un tir de gendarme la veille.
Le report de la présidentielle a soulevé une indignation largement partagée sur les réseaux sociaux, l'opposition criant au "coup d’État constitutionnel".
Les partenaires internationaux du Sénégal ont exprimé leur préoccupation et appelé à organiser des élections le plus rapidement possible. Samedi, la mobilisation s'est étendue à la diaspora, avec des manifestations qui ont drainé quelques milliers de personnes à Paris et Berlin.
La répression des manifestations au Sénégal a suscité l'indignation de l'opposition. "Nous prenons à témoin la communauté régionale et internationale, face aux dérives de ce pouvoir finissant", a déclaré Khalifa Sall, l'un des principaux candidats à la présidentielle.
La coalition du candidat antisystème Bassirou Diomaye Faye, qui a reçu le soutien d'Ousmane Sonko, a dénoncé "la brutalité des forces de sécurité qui ont exercé des violences inouïes".
Elle a salué "les efforts" de la société civile et des acteurs politiques pour "faire barrage au coup d’État constitutionnel" du président Sall et maintenir la présidentielle le 25 février.
Une nouvelle manifestation lancée par un collectif de la société civile, Aar Sunu Election ("Protégeons notre élection"), est prévue mardi 13 février.
Face à la répression, "il faut une stratégie de lutte citoyenne. La désobéissance civile est une arme que l'on va utiliser pour mettre ce pays à l'arrêt et rétablir la légalité constitutionnelle", a déclaré Malick Diop, coordinateur de ce collectif.