Le 11 janvier 2013, la France lançait l'opération Serval au Mali pour enrayer la progression des djihadistes. Plus de huit années ont passé et la France reste fortement mobilisée militairement. Malgré de nombreuses victoires tactiques, la situation sécuritaire s'est dégradée dans le Sahel. La France réfléchit aujourd'hui à ajuster ses efforts alors que vient de s'ouvrir le sommet du G5 Sahel au Tchad. Retour sur les grandes étapes des opérations Serval et Barkhane.
Nous sommes le 17 janvier 2012, la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) et d'autres combattants rentrés de Libye lancent une offensive dans le nord du Mali. Le Mali s'embrase.
Dès fin mars 2012, cette même année, les rebelles indépendantistes sont vite évincés par leurs alliés islamistes associés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), dont Ansar Dine dirigé par le chef touareg Iyad Ag Ghaly. Ces derniers prennent le contrôle des trois régions du nord : Kidal, Gao puis Tombouctou.
Intervention militaire le 11 janvier 2013
Débordé, le gouvernement malien demande l'aide de la France. Le président français François Hollande (2012-2017) et son ministre de la défense de l'époque Jean-Yves Le Drian lancent alors l'opération Serval, le 11 janvier 2013. La France compte son premier mort dès les premières heures de l'opération. Le lieutenant Damien Boiteux, pilote d'hélicoptère de combat, meurt dans un échange de tirs contre une colonne djihadiste.
Fin janvier, les soldats reprennent Gao et ils entrent sans combat dans Tombouctou et s'emparent de l'aéroport de Kidal. Peu après, le président François Hollande est accueilli en libérateur.
Parallèlement, le 1er juillet 2013, la Mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) prend le relais de la force panafricaine de la Misma, la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine.
2014, Serval devient Barkhane
En mai 2014, l'armée malienne subit une cuisante défaite à Kidal. Des groupes rebelles touaregs et arabes reprennent le contrôle de la ville. Le 1er août, Serval est remplacée par Barkhane, une opération à vocation régionale forte de 3.000 soldats français au Sahel. Ils sont aujourd'hui 5.100.
En mai-juin 2015, l'accord de paix dit d'Alger est signé entre le gouvernement et l'ex-rébellion touareg. Jamais appliqué, cet accord reste la référence pour une sortie de crise. Pour la première fois, le 11 février 2021, une réunion du Comité de suivi de l'accord d'Alger de 2015 a eu lieu à Kidal, ville du nord du Mali tenue par des ex-rebelles indépendantistes.
Depuis 2015, les violences se sont propagées vers le sud, puis le Burkina Faso et le Niger voisins. En février 2021, Bernard Emié, patron du renseignement extérieur français, confirme que les pays du golfe de Guinée, notamment le Bénin et la Côte d'Ivoire, sont eux aussi devenus des cibles d'Al-Qaïda.
Les services de renseignement français lèvent (un peu) le voile sur leur activité au Sahel :
À partir de 2015 les attaques avec des engins explosifs contre les forces sahéliennes ou étrangères se multiplient. Des lieux fréquentés par des étrangers sont aussi touchés par des attentats.
5100 soldats français sur le terrain contre 3100 en 2014
Le 20 novembre 2015, un attentat contre
l'hôtel Radisson Blu à Bamako fait 20 morts, dont 14 étrangers. Depuis, l'état d'urgence est imposé quasiment sans interruption au Mali.
En mars 2017, les djihadistes liés à Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), dont les groupes de l'Algérien Mohktar Belmokhtar et du prédicateur radical peul Amadou Koufa, se fédèrent en un "Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans" (GSIM), dirigé par Iyad Ag Ghaly.
La région est aussi aux prises avec le groupe Etat islamique au grand Sahara (EIGS), auteur d'une série d'attaques d'ampleur fin 2019 contre des bases militaires au Mali et au Niger. Il est désigné ennemi numéro un lors du
sommet de Pau (sud-ouest de la France) de janvier 2020 entre Paris et ses partenaires du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad).
Au sommet de Pau le 14 janvier 2020, face à la pression djihadiste dans la région de la zone dite "des trois frontières" (Niger, Mali, Burkina), la France du président Emmanuel Macron décide de passer son dispositif militaire de 4500 à 5100 hommes. C'est le plus grand déploiement de l'armée française à l'étranger depuis la première guerre du Golfe
(août 1990-février 1991) avec l'opération Daguet.
Outre l'accent mis sur l'EIGS, Barkhane poursuit en 2020 sa politique de
"neutralisation" des cadres djihadistes. Le 4 juin, le chef d'Aqmi, l'Algérien Abdelmalek Droukdel, est tué par Barkhane au Mali. Un succès symbolique majeur. En novembre 2020, c'est au tour de Bah Ag Moussa, "chef militaire" du GSIM, d'être abattu par la France.
Sur le terrain, notamment dans la zone "des trois frontières", l'armée française a multiplié les opérations coup de poing contre les forces djihadistes avec la participation de plusieurs milliers d'hommes. Ce fut le cas avec l'opération "Bourrasque" en novembre 2020. Durant plus d'un mois, 3 000 soldats de la force Barkhane, des forces armées maliennes et nigériennes, ont mené ensemble une opération d'ampleur dans le Liptako-Gourma, faisant une centaine de morts chez les djihadistes. Du 2 au 21 janvier 2021, plus de 1 500 soldats français ont été mobilisés dans l'opération "Eclipse" dans le centre du Mali. Là aussi, une centaine d'insurgés ont trouvé la mort.
Mais les djihadistes
ne laissent pas de répit à l'opération "Barkhane". L'EIGS tue six humanitaires français en août 2020 au Niger. Et Al-Qaïda poursuit ses attaques :
ses hommes tuent cinq soldats français en moins d'une semaine entre fin décembre 2020 et début janvier 2021, et attaquent en février un poste militaire malien, faisant dix morts parmi les soldats.
L'armée française a perdu 50 hommes au Sahel depuis le début de son intervention. La France va
"ajuster (son) effort", assurait en janvier dernier Emmanuel Macron. Mais Paris semble hésiter à couper immédiatement dans ses effectifs.
Paris privilégie deux axes pour alléger son dispositif militaire. Le premier axe est incarné par le nouveau groupement de forces spéciales Takuba, auquel participent plusieurs dizaines d'Estoniens, de Tchèques et de Suédois. Paris parle d'
"internationalisation" du conflit. Le deuxième axe tourne autour du renforcement des troupes des armées du G5 Sahel. Les militaires français parlent de
"sahélisation" du conflit. Sur le terrain, les armées françaises devront passer le témoin progressivement aux armées nationales. Ces armées nationales africaines du G5 sont formées par des soldats français et par des forces de l'Union européenne. Mais le chemin est long. Les soldats de ces armées restent encore sous-équipées et sous-entraînées et donc vulnérables aux attaques des djihadistes.