Sida : les adolescents sont-ils plus vulnérables ?
En cette journée mondiale du sida, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) rend compte de l'augmentation dramatique du nombre de décès parmi les 10-19 ans atteints du VIH. Le nombre d'adolescents séropositifs décédés a augmenté de 50% entre 2005 et 2012 alors qu'il a nettement diminué chez les adultes. Pourquoi sont-ils davantage infectés ? Comment sont-ils pris en considération par la société et suivis par le corps médical ? Réponses avec Jane Ferguson, chercheuse spécialiste des adolescents à l'OMS.
Pourquoi assiste-t-on à une baisse des décès liés au sida chez les adultes alors que l’OMS enregistre une hausse de 50% chez les adolescents de 10 à 19 ans entre 2005 et 2012 ? La baisse chez les adultes est liée au fait que la thérapie antirétroviral (ARV) est disponible dans de nombreux pays. C’est un succès. De nombreux adultes en profitent et vivent donc plus longtemps. Il y a moins de décès et moins de maladies également chez les petits enfants. Quand on donne les médicaments à la mère, les enfants sont traités dès la naissance. Un grand effort est fait pour étendre ce genre de thérapie. Mais chez les adolescents, la prévalence repose sur plusieurs facteurs. Tous n’étaient pas dépistés à la naissance, même s’ils étaient infectés. Il y a dix ans quand un enfant naissait il n’y avait pas cet effort de promotion du traitement antirétroviral à la naissance. Donc il y a tout un groupe de jeunes et d’enfants qui n’étaient pas dépistés à ce moment-là. Ils ne savaient pas qu’ils étaient séropositifs. Il y a dix ans ou plus, on ne savait pas combien de temps une personne pouvait vivre avec le virus sans traitement. Mais maintenant, on voit qu’il y a des adolescents, non dépistés qui vivent longtemps. Ils sont quand même malades mais ils ne meurent pas. Aujourd’hui, ils arrivent à un stade où ils sont malades. Alors ils viennent pour se faire traiter d’une maladie liée au VIH et ils sont alors dépistés. Il y a aussi des enfants qui sont sous traitements et puis à l’âge de l’adolescence, ils doivent passer des services pédiatriques aux services adultes. Ils doivent commencer à prendre en charge leurs propres soins et en même temps, ils découvrent leur vie sexuelle. Ils se séparent souvent aussi, à ce moment-là, de leurs parents. Donc, ils ne peuvent plus se reposer sur eux concernant leur traitement et ne le suivent pas. Souvent, les adolescents ne savent pas pourquoi ils prennent des médicaments parce que leurs parents ne leur ont pas dit qu’ils étaient atteints du VIH.
Un bébé quant reçu un traitement contre le sida à sa naissance / Photo AFP
Dans quelles régions du monde les adolescents sont-ils le plus touchés pas le sida ? En Afrique australe et de l’Est se trouvent 90% des cas de VIH y compris les adolescents. En Afrique, en Asie du sud est, en Amérique latine et aux Caraïbes, il y a une très haute prévalence de VIH. En Amérique latine par exemple, ce sont des jeunes femmes ou des jeunes hommes qui sont exploités sexuellement ou des jeunes hommes qui ont des rapports avec d’autres hommes. En Europe australe, le grand problème ce sont les jeunes qui s’injectent des substances, des drogues et se transmettent alors le sida. Les jeunes sont alors très marginalisés car ils vivent dans une autre société. Les filles sont-elles plus touchées par ces infections du sida ? En général oui. Et surtout dans les pays les plus affectés comme en Afrique australe et de l’Est où se trouvent 90% des cas de VIH y compris les adolescents. Mais il n’y a pas que les filles qui sont touchées. D’autres groupes sont aussi très affectés : les jeunes qui ont des comportements à risques, qui utilisent les drogues, qui sont abusés par les marchands de sexe, les jeunes homosexuels. Toutes ces populations à haut risque sont déjà marginalisées dans la plupart des pays, et les jeunes populations sont encore plus stigmatisées. Ils ont encore moins accès aux soins.
Plus de 2 millions d'adolescents sont séropositifs dans le monde / Photo AFP
En tant qu’adolescent, est-ce d’autant plus compliqué d’être séropositif ? Dans la plupart des pays, c’est très difficile d’être un adolescent atteint d’une maladie chronique comme le VIH. La plupart du temps, les adolescents sont pour en bonne santé, même s’ils ont des comportements à risque. C’est difficile pour ces adolescents malades parce qu’ils sont confrontés à toutes les situations liées à leur âge : grandir, penser à leur avenir, leurs premiers rapports sexuels, … Faire l’apprentissage de la vie avec une maladie chronique comme celle là c’est encore plus difficile surtout si les services ne sont pas adaptés à leurs besoins et les comprend. Souvent les personnels de santé n’ont pas beaucoup de temps ni tellement l’habitude de traiter des adolescents. Dans les pays développés, plus riches, il y a plus de services, d’infrastructures qui ont compris ça. Les adolescents sont davantage pris en en charge. On s’est aussi rendu compte que les adolescents ont du mal à discuter avec leur père. C’est une peur pour tout le monde mais encore plus chez les adolescents. Ils ont beaucoup de questions et ne savent pas comment ni à qui les poser. Ils sont alors rejetés. Donc, ils ne reviennent plus voir les médecins et ne suivent pas leur traitement. Ils meurent alors du sida ou le transmettent. Actuellement, on ne sait combien d’adolescents suivent un traitement parmi ces plus de 2 millions infectés. Les adolescents restent une catégorie de malades du sida complètement flous ? Exactement, ils sont invisibles. C’est plutôt dans les pays africains où ils ont commencé à voir des adolescents devenir malades. Et souvent les parents ne voulaient pas leur donner un dépistage par peur d’avoir divulguer le fait qu’ils sont séropositifs eux-mêmes. On voit ces enfants qui ont progressé lentement avec une maladie.
Les chiffres clés
35,3 millions de personnes malades du sida en 2012 dont 2,1 millions d’adolescents9,7 millions de séropositifs suivaient un traitement rétroviral en 2012A ce jour, 36 millions de personnes sont mortes du sida dont 1,6 million en 2012
Comment prévenir la transmission du sida ?
• avoir des rapports sexuels à moindre risque, par exemple en utilisant des préservatifs • se soumettre à un dépistage des infections sexuellement transmissibles, y compris l’infection à VIH, et se faire traiter le cas échéant • éviter de prendre des drogues injectables ou, si on le fait, toujours utiliser des aiguilles et des seringues jetables neuves • veiller à ce que le sang et les produits sanguins dont on pourrait avoir besoin aient été testés pour y détecter la présence éventuelle du VIH (Source OMS)