Fil d'Ariane
Le président somalien Mohamed Abdullahi Mohamed, dit "Farmajo", a signé une loi controversée prolongeant de deux ans son mandat expiré en février, aggravant la crise politique dans ce pays déjà miné par les violences.
Le chef de l'Etat somalien a "promulgué la résolution spéciale guidant les élections du pays, après son adoption à l'unanimité par le parlement" lundi 12 avril, a annoncé ce mercredi matin la radio nationale, Radio Mogadiscio.
La communauté internationale, Etats-Unis en tête, a mis en garde contre cette résolution qu'elle considère comme une menace pour le fragile équilibre politique du pays.
Le président du Sénat somalien a jugé inconstitutionnel ce texte voté par la chambre basse, qui a été promulgué sans passer devant le Sénat, comme le prévoit le processus législatif.
Cette nouvelle loi prévoit l'organisation d'élections d'ici 2023, avec un retour au principe du "un homme, une voix", objectif ambitieux que les autorités s'étaient initialement fixé pour tenir les premières élections entièrement démocratiques depuis 1969.
Mais l’adoption d’un vote au suffrage universel direct a achoppé sur de multiples désaccords politiques. Afin de sortir de l'impasse, ce principe a été abandonné dans un accord signé le 17 septembre dernier entre le président Farmajo et cinq leaders régionaux.
Cet accord prévoyait des élections présidentielles et législatives indirectes avant la fin du mandat présidentiel, en revisitant un système complexe où de "grands électeurs" choisis par de multiples chefs de clans élisent les parlementaires, qui votent ensuite pour le président.
Ce processus a également débouché sur une impasse, dont les leaders régionaux et le président se rejettent mutuellement la faute.
Depuis la fin de son mandat en février dernier, le président Farmajo est jugé illégitime par l'opposition somalienne, et plusieurs tentatives de négociations ont échoué.
La communauté internationale a multiplié ces dernières semaines les appels à la tenue d'élections le plus rapidement possible.
Les Etats-Unis, un des principaux alliés de la Somalie, se sont dits mardi 13 avril "profondément déçus" par la volonté de prolonger le mandat présidentiel. Cela "créerait de profondes divisions, saperait le processus de fédéralisme et les réformes politiques qui ont été au cœur des progrès du pays et de son partenariat avec la communauté internationale, et détournerait l'attention de la lutte contre les shebab", les islamistes somaliens affiliés à al-Qaïda, a estimé le secrétaire d'État américain Anthony Blinken dans un communiqué.
Cette loi "obligera les États-Unis à réévaluer leurs relations bilatérales" avec le gouvernement somalien et "à considérer tous les outils disponibles, y compris les sanctions et les restrictions de visa, pour répondre aux efforts visant à saper la paix et la stabilité", a-t-il rajouté.
Jugeant également que ce texte "va diviser la Somalie", le chef de la diplomatie européenne Josep Borrel a appelé dans un communiqué à "un retour immédiat aux négociations pour la tenue d'élections sans délai". "A défaut, l'UE envisagera de nouvelles mesures concrètes", a-t-il prévenu.
Une coalition de candidats à la présidentielle de l'opposition somalienne a estimé que l'extension du mandat présidentiel constituait "une menace pour la stabilité, la paix et l'unité" du pays.